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Vive la France d'après !

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Oui, vive la France qui aura fait le ménage, celle qui aura fait le tri, celle qui arrêtera de regarder la vie dans son rétroviseur. Pourquoi ce coup de gueule? Parce que je découvre avec retard l'excellent papier de Mathieu Doumenge dans Terre de Vins où il m'apprend que le Domaine des Côtes de la Molière, installé à Vauxrenard dans le Beaujolais, a reçu il y a peu "un courrier de l’organisme certificateur Cibas agréé par l’Institut National des Appellations d'Origine lui annonçant le déclassement d’une parcelle de trente cinq ares pour défaut de palissage : la vigne concernée est donc retirée de l’appellation Beaujolais-Villages pour être transférée en Vin de France".
Pour tout comprendre, lisez l'intégralité de l'article ici. Mais en gros, ce qu'on reproche à ces vignerons bio c'est de ne pas avoir appliqué une directive officielle qui en fait cautionne une pratique qui permet tout sauf l'amélioration de la qualité. D'avoir essayé de réfléchir par eux-même, avec leur tête, avec leur cerveau, pas comme des moutons.
Le contrôleur*, me direz-vous, n'a fait que son travail. Pourquoi pas. "Essayer de comprendre un ordre, c'est déjà désobéir"… Belle victoire en tout cas pour les gratte-papiers de l'INAO, pour cette France de fonctionnaires vétilleux, qui ne rêve qu'à sa retraite, de cette France qui se meurt et qui me fait donc rêver à "la France d'après".


Tant qu'on y est à évoquer le dernier pays communiste d'Europe, deux autres petites infos. La première peut sembler très anecdotique, je la trouve révélatrice d'un état d'esprit, d'un flicage qui se met en place. L'histoire est arrivée à Frédérique Barriol-Montès, vigneronne émérite du Roussillon, au Domaine La Casenove, à Trouillas.
Comme beaucoup de ses consœurs et confrères en cette saison, elle a du se rendre à la banque afin d'aller chercher la paye de ses vendangeurs à la banque. Onze mille euros. Oui, parce que les vendangeurs (je le précise, parce qu'on ne le sait pas toujours quand on vit sous les ors des palais de la République, au crochet des contribuables), ça se paye principalement en liquide. Surtout qu'ils sont principalement étrangers. Et là, implacable, les mâchoires de la machine administrative se sont refermées sur elle: "madame, il vous faut justifier ce retrait!"
Ça, une lettre de chacun des vendangeurs, ça va lui simplifier la vie à Frédérique qui en a sûrement besoin à ce moment de l'année. Merci, messieurs-des-ronds-de-cuir pour ce coup de pouce à ceux font manger (et boire) le pays…


Allez, une ernière petite histoire de vendanges dans cette nouvelle URSS qu'est la France: c'est passé un peu inaperçu, dans le tumulte de la rentrée, tandis que les vignerons avaient bien autre chose à faire. Selon Les Échos, les champions qui nous gouvernent s'apprêtent à supprimer les "contrats vendanges", des CDD spécifiques, d'un mois maximum, réservés à l'emploi d'une main-d'œuvre spécifique, le temps des vendanges donc. Un contrat avantageux pour le salarié, puisqu'exonéré de l'essentiel des charges salariales (9,3% au lieu de 45%), et qui permet aux salariés du public comme du privé de travailler pendant leurs congés.
Trois cent mille vendangeurs (vous savez, ceux qu'on paye en liquide) sont ainsi recrutés chaque année dans le vignoble français. L'an prochain, on fait quoi, on les remplace tous par une machine?


Tout cela donne envie évidemment de citer pour la énième fois la phrase jetée à la figure de Jacques Chirac par Georges Pompidou alors premier Ministre en 1966: "Mais arrêtez donc d’emmerder les Français. Il y a beaucoup trop de lois, trop de règlements dans ce pays!" Ce bon sens pompidolien nous manque dans ce pays qui s'échauffe, où l'en sent (entre autres) la jacquerie proche. Dans ce pays qu'on essaye sans autorité de faire marcher au pas, de rentrer dans un moule trop étriqué pour lui.
quitte à faire un peu d'amalgame (dans le monde du vin, on adore, ça fait journaliste-télé)
Il est temps de la mettre en route cette "France d'après". Avec de nouvelles têtes, de nouvelles idées. Avec des gens responsables et respectueux, pas des agitateurs ou des comédiens. Des gens de Droite, de Gauche, du Centre qui ont déjà travaillé honnêtement, en entreprise notamment, plutôt que, tels des julots casse-croûte, faire du vampirisme politique leur métier. Des gens qui osent regarder la réalité en face et la décrire. Des gens conscients du fait qu'il est temps, loin des vieilles lunes, de pousser la porte du XXIe siècle.




* Une suggestion, d'ailleurs: tous ces contrôleurs, apparemment consciencieux et très minutieux, on ferait mieux de les mettre à la Douane de l'aéroport de Marseille, ça nous éviterait de passer pour des cons à la face du Monde



Addenda (25 IX 2014): Isabelle Perraud, qui avec son époux, tient les rênes des Côtes de la Molière vient d'annoncer que "les vignes ont été palissés et on a retrouvé l'appellation! Pas d'autre choix même si c'est une vieille vigne qui ne le méritait pas!" Les grattte-papiers ont gagné, les fils de fer réglementaires sont là comme le montre la photo ci-dessous. Au mépris du bon sens agricole.


Le vin est une fête !

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Vous connaissez ma thèse: il n'y a pas de grands vins, juste de grandes bouteilles. Sous-entendu, de grands moments, de grandes rencontres. Le vin n'a jamais été, n'est pas, et ne sera jamais parfait. Au sens où, au-delà de ses propres variations (vers le haut et vers le bas), celui qui le lit est intrinsèquement imparfait puisqu'humain*. Même s'il existe de fins nez et d'authentiques bec-de-zincs, de vrais érudits et ce qu'il faut d'incultes-et-et-fiers-de-l'être, vous savez aussi que je ne crois pas à la fable du dégustateur parfait, qui plus est objectif.
Certes, nous avons tous nos points de rupture, ces caractéristiques techniques, analysées ou intuitives, qui nous rendent rédhibitoire l'abord de tel ou tel cru. À chacun ses répulsions, ses allergies, avec lesquelles il ne peut composer: Antonin les tanins, Dany l'oxydatif, Périco le vinaigre (je le préfère également en salade), Robert le végétal, Olivier le sirupeux, Hervé la verdeur, moi la pipe à Pinocchio… Pour ceux qui ne boivent pas à l'aveugle, d'autres facteurs, exogènes, peuvent intervenir: le prix, la mode, la politique…


En revanche, au delà des bêtises et des exceptions, je crois qu'il existe un facteur majeur qui peut altérer ou améliorer la boisson du vin: l'ambiance. Vous remarquerez au passage que je parle de boisson pas de dégustation, il ne s'agit pas là de disséquer mais de jouir**. Par parenthèse, comme il existe de piètres dégustateurs, il existe de mauvais buveurs, généralement psycho-rigides, ne sachant pas lâcher la rampe de leurs doctrines et de leurs habitudes; on les trouve dans toutes les chapelles.
Revenons-en à l'ambiance, celle qui plus que tout autre chose peut profondément changer le goût du vin, ou plus exactement sa perception. J'y pensais mardi soir alors que Barcelone s'embrasait joyeusement, entre concerts et botellóns, pour fêter sa bonne-mère, la Mercè. Côté mer, de Poble Nou au Born, des rues envahies, bouchées par des millions de personnes, des jeunes principalement, une foule compacte à l'image de ces rames et ces stations de métro bondées toute la nuit, chargées jusqu'à la gueule de cris, de chants et de rires. À nos fenêtres, la ville n'était qu'une clameur, la ville n'était qu'une fête.


Par la terrasse, la Méditerranée, calmée après l'équinoxe, nous faisait signe. L'Italie n'était qu'à quelques brasses, le temps d'ouvrir un sangiovese, fin, délicat, infiniment plus distingué que les super-Toscans grossiers des buveurs de Caca-Cola.
À table, les cultures se mélangeaient. Le jambon, la morue, le tartare, les piments, les verres s'entrechoquaient. Quel voyage! Du Port Vell, nous avons vogué jusqu'à Beyrouth, avant de traverser la Mer Noire et de nous envoler au dessus du Lac Sevan. Un des convives, Libanais de Doha, nous a même enseigné notre premier mot d'Arménien (un gros mot…), alors que nous buvions, émerveillés, du vin du Mont Ararat.
Karasì, un rouge assez sombre, un peu poivré, épicé, fin et charnu, long, évoquant tout à la fois le braucol, la syrah, le cabernet-franc. Il est né aux confins de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan et de la Turquie, dans le village de Rind, à 1400 mètres d'altitude. Il est né au berceau de la viticulture, à deux ou trois kilomètres d'Areni, un autre village (éponyme de son cépage), là où l'on a découvert en 2007 le plus ancien chai de la planète, vieux de 6100 ans***. Goûter, boire ce vin arménien, se gorger de sa puissante leçon d'humanité. Comment imaginer qu'à quelques centaines de kilomètres de là, dans des régions, entre Tigre et Euphrate, qui furent parmi les premières à domestiquer la vigne, ouvrant les porte de la civilisation, des barbares, des animaux, sont en train de fouler aux pieds les fondements même de cette civilisation?


Heureusement, la charia n'est pas encore de mise dans tous les ports de la Méditerranée. À Barcelone moins qu'ailleurs. Le cosmopolitisme, le mélange, la liberté conservent leurs droits. Après manger, nous frayant un passage dans la foule, nous avons donc marché et ri. Et alors que le Beyrouthin nous parlait d'Iran, nous avons lampé au nouveau Monvínic une côte-rôtie de Jamet, un 2007 (un peu en deçà de son niveau habituel); lui pensait à Chiraz, ce qui par les voies tortueuses de l'ampélographie, plus tortueuses encore que celles du Caucase, ne nous amène pas forcément à shiraz, ni même à la syrah****.
"– Plaça de l'Àngel, por favor!" Le Caucase, l'Arménie, c'est un chauffeur de taxi espagnol et rigolard qui nous y a ramené. Carrer dels Vigatans, 8, à L'Ànima del Vi, chez Nuría et Benoit Valée, au rendez-vous barcelonais des boit-sans-soifs. Au bar, en compagnie du Basque à vélo et du n°9 patagon (des habitués), un Arménien, un vrai! Un Arménien des Côtes-du-Rhône, de Bourg-les-Valence, marchand de vin de son métier. Après ce que vous avez lu plus haut, vous me direz que c'est naturel…


Bon, plutôt que de vous raconter jusqu'à plus soif nos tribulations de la Mercè (et avant que les ligues hygiènistes ne nous tombent sur le râble), je voudrais en revenir par l'exemple au propos de ce billet. Tenez, prenez Karasì, ce vin du Mont Ararat, ce vin "biblique": intrinsèquement, il y avait du jus, de la lumière, du fond, il s'en dégageait une singularité propre à s'en souvenir. Mais, le boire, dans ce contexte, dans cette fête méditerranéenne, ce tumulte, jusqu'à cette rencontre inattendue avec l'Arménien parfumé à la syrah du Rhône, le rendra carrément inoubliable.
Le contexte, l'ambiance, sont bien évidemment indissociables de la perception que l'on a d'un cru (ou d'un plat). Je connais des endroits où l'on se fait tellement chier, plus exactement, des endroits tellement chiants, mortifères, qu'il rendent le vin mauvais. Sortons des restaurants ou des bistrots, regardez les pompeuses masterclasses, ambiance maison de retraite, avec lesquelles on aime bien se donner de grands  airs dans la pseudo-noblesse pinardière. Grosso modo, elles se divisent en deux catégories: le magistral exposé publicitaire ou la récitation de données non-vérifiées (parfois d'âneries) apprises par-cœur. Plus efficace encore pour s'endormir que de compter les moutons ou de se doper au Zolpidem*****.
À mon humble avis, un avis personnel (mais à quoi sert un blog, couillon, sinon à donner des avis personnels?), quand le vin se regarde trop pédaler, il emmerde, fait fuir, dissuade. Et tombe dans les travers, cette "lamentable communication" que dénonçait Sir John Hegarty il y a peu.


À cet égard, il est grand temps qu'un certain microcosme pinardier valétudinaire, cacochyme, qui croit édicter les lois du Mondovino******, comprenne une des vertus principales du vin "nature", peut-être sa vertu majeure: ça fait parler, ça fait boire. Et pas que dans les clubs du troisième-âge! Ce phénomène ou cette mode, chacun sa lecture, a surtout permis, suscité l'apparition de lieux différents (comme cette Ànima del Vi barcelonaise). Et pas que des lieux pour geeks où l'on se mire la barbe, le brushing, les fringues et les tatouages tout en prenant un air inspiré (c-a-d en faisant la gueule…), de vrais lieux, vivants, délurés, qui attirent de nouvelles clientèles et convertissent au vin. Si l'on raisonne d'un point de vue purement commercial, Tariquet / vin "nature", même combat! Des lieux d'ambiance, des lieux de fête où même moi, sur un malentendu, je vais retenter de boire un pinot noir de tordu******* de Schueller, pourtant un truc réservé aux hauts grades naturistes!


Pour le commun des buveurs, c'est une certitude, le vin a le goût de l'ambiance dans laquelle il est consommé: lieu et compagnie tristes, vin triste; lieu et compagnie gais, vin gai. Sans tomber dans les cotillons et les langues de belle-mère, je me dis que ce serait pas mal de rappeler cette notion de base à pas mal de croquemorts (cavistes, sommeliers, journalistes, éducateurs, œnologues, vignerons…) qui officient, qui sévissent dans le milieu de la bouteille. De rappeler à tous ces empêcheurs de boire-en-rond que, pour paraphraser le vieil Ernest (comme je l'avais fait pour baptiser cette adorable cuvée d'Élian Da Ros), le vin est une fête!




* Lire, si ça vous chante, ici et .
** Les deux actes sont fondamentaux, mais il y a un temps pour tout, les confondre est idiot. Exemple, le benêt, chaussures noires-soquettes blanches, qui vous lance un "bonne dégustation" retentissant alors que vous êtes au restaurant, à table, ou que vous sortez bouteilles en main de sa boutique…
*** Il vous faut absolument, fin octobre lire le magazine Vinifera de Jacques Perrin et du Cave SA grâce auquel nous avons pu goûter ces deux vins et quelques autres, il y sera question de ce vignoble arménien, de ce vignoble des origines. J'ai eu la chance d'y jeter un œil, c'est passionnant.
**** On le sait depuis 1998, malgré toutes les légendes ampélographico-commerciales, la syrah est la fille du croisement de la mondeuse blanche B par le dureza N, un vieux cépage de l'Ardèche, aujourd'hui seulement présent en collection. Les tests ADN sont formels. Le croisement aurait eu lieu dans la partie septentrionale des Côtes du Rhône, probablement l'Isère où les deux parents étaient présents.


***** La Faculté m'apprend qu'il s'agit du somnifère le plus vendu en France, ce qui n'est pas rien puisque nous sommes la nation championne du Monde de la défonce sur ordonnance.
****** À propos, j'ai eu l'occasion il y a quelques jours de regarder à nouveau le film de Jonathan Nossiter. Et de le comparer plus précisément à Vinobusiness, ou Saint-&-Millions Business, sa copie franchouillarde et moraliste, charge populiste contre le vin que j'évoquais ici, ici, ici et . Mondovino comporte ses erreurs et ses contradictions mais est marqué du sceau du talent, d'une indéniable modernité et porte un message d'espoir. À la fin de Mondovino, à la dernière image, ému, j'ai immédiatement eu envie de déboucher une bouteille, à la fin de Saint-&-Millions Business (qui m'a semblé plus long),  j'avais envie de me pendre.
******* Il doit sûrement en exister des bouteilles pas tordues, mais je n'ai jamais été présenté…


Le temps des courges.

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Oh, bien sûr, il est trop tôt pour ranger les maillots de bain. Nous irons encore à la mer cette année. À la plage du Phare? À la Morisca? Du côté de Barcelone, il est rare qu'on ne se baigne pas jusqu'à novembre.
N'empêche que même sans regarder le calendrier, quelque chose a changé ces derniers jours, avec ces pluies d'équinoxe qui bizarrement durent plus longtemps que d'habitude, s'installent de la Catalogne au Languedoc. Rien qu'hier, il est tombé par ici jusqu'à cent litres d'eau au mètre carré, même les citadins se sont rendu compte de l'existence du ciel: l'électricité a été coupée dans plusieurs quartiers de Barcelone, plongeant même dans le noir le Times Square local, la place Francesc-Macià.
Et, ce n'est pas fini, plus au nord, Météo France vient de placer les Pyrénées-orientales, l'Aude et l'Hérault en alerte orange*. L'occasion de penser aux vignerons des terroirs tardifs qui ont encore du raisin dehors. À Vingrau, Hervé Bizeul, qui avait vu venir le coup, nous dit que les vignes de son Clos des Fées tiennent bon. Malheur en revanche à ceux qui auront chanté tout l'été et oublié quelques traitements, leurs feuilles risquent bien, comme la météo, de virer à l'orange avant que le raisin ne soit mûr (ou complètement pourri). En tout cas, courage à tous!


Orange, c'est donc la couleur de la saison. Orange comme ce beau potiron rapporté d'un jardin poitevin et qui a fini en soupe, agrémenté d'un beurre d'origine assortie à celle de la cucurbitacée. Par parenthèse, il faut vraiment être aussi couillon qu'un bouffeur de hamburger, pardon de "burger" comme disent les snobs (ce qui ne me rend pas cette pâtée pour chien plus attirante), pour foutre en l'air des tonnes de citrouilles le jour de la Saint-McDo, pour Halloween*!
Plutôt que ces manifestations commerciales un rien nauséabondes, l'orange de la courge m'évoque plutôt un adorable vieux film français, Alexandre le bienheureux. Yves Robert y offrit à Philippe Noiret son vrai premier rôle, aux côtés de Marlène Jobert et Françoise Brion ainsi que d'une pléiade de grands acteurs, Jean Carmet, Pierre Richard, Paul Le Person ou encore le regretté Pierre Maguelon (à la tienne, Pierre!). Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais n'hésitez pas, c'est rafraîchissant, avec pour pimenter le tout, une pointe d'amoralité, un petit rien soixante-huitard, contestataire avant l'heure. Toujours est-il qu'il ne faut pas rater la scène des citrouilles qui visiblement a également marqué le grand illustrateur Raymond Savignac au moment de dessiner l'affiche du film!
 

Tiens, voici justement l'occasion de ramener ma science, et d'insister sur la différence entre nos potirons et les citrouilles "américaines" qu'on réservait davantage jadis à l'alimentation animale. Pour une fois, tout est expliqué d'une façon claire sur Wikipédia, donc je me permets ce petit copier/coller qui vous permettra de ne plus passer pour des courges:
"Dans le langage courant, le terme de citrouille (courge de l'espèce Cucurbita pepo et de la sous-espèce Cucurbita pepo ssp. pepo) est plus ou moins synonyme de potiron (courge de l'espèce Cucurbita maxima). Ce sont donc tous deux des courges.
La citrouille est de forme 'ronde' et de couleur orange. Son pédoncule est dur et fibreux, avec cinq côtés anguleux, sans renflements à son point d'attache. Sa chair est filandreuse. C'est elle qu'on utilise à Halloween.
En revanche le potiron est plus ou moins aplati, sa couleur va d'un orange rougeâtre au vert foncé. Son pédoncule est tendre et spongieux, cylindrique et évasé près du fruit. La chair du potiron est plus sucrée, savoureuse et moins filandreuse que celle de la citrouille.
Citrouille véritable et courgettes font partie de la même sous-espèce. Plusieurs variétés de citrouille existent, dont la citrouille de Touraine, utilisée autrefois pour la nourriture des animaux. La citrouille géante Atlantique est en fait une variété de potiron (Cucurbita maxima)."


Pour en savoir davantage sur les nombreuses variétés de courges, qui vous le savez n'ont pas toutes la rousseur de Marlène Jobert, foncez, comme il se doit, sur le site de Kokopelli. Et puisqu'on parle de cette association un peu bab' sur les bords mais tellement utile, revenons sur le procès qui l'opposait à un marchand de graines de l'Est de la France. Eh bien, pour ceux auxquels ça a échappé dans l'actualité mouvementée de ces dernières semaines, la Justice française lui a en partie donné raison. Le communiqué de Kokopelli est assez triomphaliste, mais, comme le souligne par ailleurs l'AFP, la partie est loin d'être gagnée. Il faut continuer à se battre pour la diversité, afin de ne pas condamné nos descendants à n'avoir au menu que du Monsanto-Nestlé-Givaudan& Cie.


Reste la question cruciale, que boit-on sur sa soupe de potiron**? En ce temps des courges*** où l'on ressort les vieilles cocottes, certains pencheront pour la jeunesse d'un bourru, pour un vin de l'année, encore brut de décoffrage. Pourquoi pas? J'en connais un excellent dans le Tarn, au Mas Pignou, issu de deux cépages gaillacois qui luttent eux aussi pour la bio-diversité, le mauzac et le len de l'el.
Sinon, l'accord classique fonctionne très bien, avec notre cher (mais pas coûteux!) 4X4 du vin, né en Andalousie. Sur le coup, plus que qu'un fino de Jerez ou de Montilla-Moriles, j'opterai pour une manzanilla. La dernière que j'ai bue, en compagnie d'Álvaro Gijón Sierra (ci-dessous), l'homme qui parle à l'oreille des barriques, maestro en crianza biológica, franc buveur et fin connaisseur, si loin des hâbleurs du Mondovino. Cette manzanilla ample, c'était une Deliciosa, de chez Valdespino, une grande bouteille, dans les huit-neuf euros, une misère pour une grande d'Espagne!



* Les théologiens me rétorqueront qu'il s'agit d'une lointaine réminiscence de l'antique fête de Samain, de cette sorte de Nouvel An que fêtaient les Celtes. Désolé, entre les effluves de mauvaise graisse, et les rots sucrailleux de Caca-Cola, j'ai du mal à sentir l'influence (pourtant réelle) des druides.
** Potiron que l'on aura cuit dans un mélange de lait et de bouillon de volaille, avec des poireaux, des oignons et des patates blanches du même jardin, sans oublier in fine de l'enrichir de crème crue et de bon beurre.
*** Immanquablement, le temps des courges me ramène dans un des plus villages des Corbières, à Lagrasse, à ce restaurant à l'enseigne éponyme. L'établissement a changé de mains, mais on peut retrouver l'ancien maître des lieux, Laurent Jamois, pas très loin de là, aux Vins sur le Fruit, la cave qu'il a ouverte à côté de la superbe halle du village.


Du vin "nature" espagnol ? C'est possible ?

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Les vins "nature", c'est exactement comme le reste de la production vinicole, il en existe de sublimes et d'autres parfaitement infects. Dans certains pays, comme la France ou l'Italie, il est difficile de pas admettre que le niveau progresse, ne serait-ce que parce qu'au delà des vignerons "de souche", les néos se rôdent, se professionnalisent*. Ou disparaissent. Et aussi, parfois, parce que passées les foucades des débuts, on remet ici et là quelques grammes d'anhydride sulfureux…


En Espagne, c'est un peu plus compliqué. J'avoue avoir vu passer de drôles de trucs qui dépassaient guère le stade de l'intention. Ou le besoin forcené de coller à une mode.
À la décharge des (rares) vignerons de la Péninsule ibérique, les raisins qu'on y produit ont généralement un pH haut, ce qui ne facilite pas la tâche de ceux qui veulent vinifier avec peu ou sans SO2. Ce problème du manque d'acidité, vous me direz qu'il y a des moyens de le résoudre, partiellement en tout cas. À la vigne bien sûr, par le travail des sols, la régulation de la fertilisation, le contrôle de la vigueur ou (ce qui est plus chirurgical) en changeant de porte-greffes et/ou de bois. À la cave ensuite, parfois "violemment", en acidifiant les moûts, technique qui nous éloigne un tant soit peu du concept de "nature" même si, soyons honnêtes, nous nous sommes tous pâmés un jour devant de vénérables flacons à côté desquels le C4H6O6 n'était pas passé bien loin… J'ajoute qu'il m'est arrivé de goûter, chez un producteur australien renommé, des chardonnays assez magiques qui pourtant avaient été acidifiés trois ou quatre ans auparavant.


Alors, évidemment, le truc branché pour obtenir des raisins plus acides et des vins "frais", c'est d'avancer la date des vendanges. Et à ce niveau-là, on voit depuis quelques années un peu tout et n'importe quoi. Avec, pour justifier certaines verdeurs, les discours de circonstance et d'acerbes moqueries à l'égard des vins "sirupeux" issus de la "sur-maturité". La sur-maturité, je suis d'accord, les vins mous, épais, je m'en passe, mais croquer dans une pomme bien verte, je m'en dispense aussi!
Sur ce thème, je préfère de toute façon laisser la parole à Jules Chauvet, le pape du vin "nature", négociant-éleveur en Beaujolais et diplômé de l'École de Chimie de Lyon, qui écrivait pour son Mémento de vinification en rouge du numéro de septembre 1960 du Bourguignon viticole:
          "Les Anciens disaient :
          « si tu veux faire le bon vin, tu vendangeras le dernier. »
          Aujourd'hui encore, cueillir le raisin mûr demeure la « règle d'Or » de la vinification."


Quittons La Chapelle-de-Guinchay et filons plein sud, pour revenir en Espagne. À une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest d'Alicante, entre les villages de Villena et Cañada. C'est là, sur les hauteurs, que sont installées les Bodegas Bernabé Navarro. Rafa Bernabé Aguilar m'avait fait parvenir quelques échantillons, il y a deux ans, les rouges étaient encore un peu gauches mais j'avais bien aimé un rosé/orange dont le nom, je crois, était Musikanto, avec un accordéoniste sur l'étiquette, un rosé de lladoner pelut (cépage appelé garnacha peluda en Espagne).


Le vin dont il est question aujourd'hui, Los Cipreses de Usaldón, est également élaboré à base de lladoner pelut. Si ma mémoire est bonne, j'avais goûté le 2010, un vin un peu raide alors que le 2012 que j'ai fini hier soir** était à la fois plus tendu et plus rond. Plus tendu, ça s'explique: sans tomber dans la verdeur, on est là sur un lladoner tout juste mûr, rendu plus aimable par une macération semi-carbonique. Cela donne tel quel un jus très agréable à boire, bien frais, à grosses gorgées, avec ce petit côté "vin d'ivrogne" sans lequel un "nature" n'en est pas tout à fait un. Un jus droit sans trop d'arômes parasites (en Espagne, ça monte encore plus vite!), bref, l'archétype de ce que l'on attend de ce genre de bouteilles à moins de dix euros. Bravo!




* J'élimine de ce propos les petits malins qui jonglent entre la bentonite, la flash-pasteurisation et d'autres procédés encore moins avouables, je les élimine car ils se mettent d'eux-même hors-jeu, comme tous les tricheurs. Ils sont en tout cas l'occasion de rappeler qu'ils serait temps de réglementer, de certifier le "nature" comme je l'écrivais ici.
** La bouteille provenait de L'Ànima del Vi, à Barcelone.

Relire Jules Chauvet.

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Je me souviens de mon premier contact avec la parole de Jules Chauvet, l'étrange négociant du Beaujolais. C'était dans les années 90, grâce à Jean Laforgue. Pas le Jean Laforgue qui arrangea les mémoires de Casanova, que non! Jean, l'éditeur bordelais de La Presqu'île, qui fut entre autres l'âme de la librairie Mollat. Amoureux du vin (j'ai encore en mémoire la vieille cave bordélique de son château d'où le Pont d'Aquitaine se prend pour le Golden Gate Bridge), il n'en a jamais été un amoureux platonique d'où son attirance pour des crus sains de corps et d'esprit. C'est ainsi que par l'intermédiaire d'un autre franc-buveur, le courtier parisien Jean-Christophe Piquet-Boisson, il s'était lié avec Jacques Néauport, le "dépositaire" de la pensée de Jules Chauvet. Et avait édité en 1998, s'attirant les foudres de quelques "situationnistes" (l'expression est de lui), ses Tribulations d'un amateur de vin, un des premiers ouvrages évoquant de l'intérieur le naturisme pinardier. Ce livre vivant, enlevé était d'ailleurs passé relativement inaperçu; il faut dire que beaucoup de ceux qui se sont greenwashés depuis suçaient encore à l'époque la roue de Parker…


Un autre Girondin fut épris peu après de la parole de Chauvet: François des Lignéris. Je me souviens qu'il avait une ou deux piles de bouquins du négociant de La Chapelle-de-Guinchay, les couvertures blanches de Jean-Paul Rocher, dans son bureau de Soutard. Il m'en avait d'ailleurs offert un exemplaire, je ne sais plus si c'était Vin à la carte ou Le vin en question.
Il se dégageait plus encore que du calme, de la sérénité, une sorte de douceur des écrits de Jules Chauvet. Tout le contraire de quelqu'un qui vocifère, juste un auteur qui nous expliquait tranquillement son approche du vin:
"Déguster c'est comparer, c'est donc, à la base connaître. Pour connaître il faut multiplier ses investigations en observant, en notant ses impressions. Mais il faut savoir aussi que nos sens sont imparfaits, et que pour les rendre fidèles, la volonté, l'attention sont indispensables. Le temps aidant, car l'expérience est longue, la dégustation réfléchie procure au dégustateur, s'il porte en lui l'amour du Beau, du Vrai et du Vin, la joie profonde de pénétrer dans ce domaine où la nature se plaît à concentrer son génie."


Autant il encourageait les vignerons à cultiver plus naturellement et à intervenir plus finement, plus intelligemment, à faire confiance à leurs raisins et à leurs levures, autant Jules Chauvet ne se comportait pas avec les vins comme un "Témoin de Jehovah: en cas de pépin, il intervenait et ne laissait pas la Nature détruire le travail de l'Homme. Il entretenait d'ailleurs un rapport cordial avec la chimie, une science qu'il avait d'ailleurs étudiée à l'Institut de Lyon, avant de rejoindre à Berlin, en 1937, le Prix Nobel allemand Otto Harburg (avec lequel il correspondra longuement).
Face au vin, il avait l'humilité du chercheur, de l'expérimentateur. Il doutait. D'un doute scientifique et quelque peu religieux.
Je ne sais pas pourquoi mais cette cette quête me remet en mémoire, en creux, cette rodomontade d'un vigneron d'un village connu du Roussillon, lors d'un dîner récent: très fier de lui, il nous expliquait qu'il ne faisait pas de prélèvements et d'analyses avant vendanges dans ses vignes: "j'ai autre chose à foutre". Son vin, servi plus tard dans la soirée, se révéla imbuvable et fini à l'évier.


"Le vin, c'est du parfum, pas de l'alcool!" Jules Chauvet était fasciné par les odeurs, les parfums, les arômes. On dit qu'il s'entourait de roses. Je ne pense pas qu'il aurait trouvé épatant certains nez d'aujourd'hui, entre serpillère et poulailler.
Cet accent mis sur l'olfactif lui a valu depuis quelques critiques comme celle de Bourguignon Jacky Rigaux, le défenseur de la minéralité: "La Revue des Vins de France, comme la majorité des critiques, sommeliers, œnologues, consommateurs, s’est laissée entraîner dans le primat du nez, mis sur orbite par Jules Chauvet, largement popularisé par l’ouvrage-objet de Jean Lenoir, Le Nez du vin (54 petits flacons permettant au lecteur de s’exercer à la reconnaissance des arômes essentiels) et rationalisé par les tenants de l’analyse sensorielle qui fait le bonheur de l’industrie agroalimentaire." Et de citer Henri Jayer: "le vin n’est pas fait pour être reniflé, il est fait pour être bu", seule clef selon Rigaux pour ressentir (ou pas) sa minéralité.
Nulle œuvre n'est parfaite, beaucoup de choses ont changé depuis Chauvet. La connaissance du vin, épaulée par la technique, a progressé, mais il nous reste cette sensibilité, cette science poétique du monsieur du Beaujolais qui demeurent, au travers des textes et des témoignages , son plus beau legs. Tiens, juste cette phrase, à la fin de sa vie: "je vais bientôt mourir, et je ne connais rien au vin". Oui, il faut relire Chauvet.




La préférence régionale.

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C'est un de ces textes de Loi qu'on n'imagine pas trop ailleurs qu'en Suisse. Je sais qu'il va en choquer certains, on pourra y voir un zeste de repli sur soi, une tentation de protectionnisme, des relents de chauvinisme… Personnellement, je le trouve sympathique.
Il s'agit de la nouvelle loi genevoise sur les cafés. Elle a été examinée en début de semaine par la commission de l’économie de la République et Canton de Genève et doit maintenant être votée par son Parlement. Comme vous vous en doutez, il y est question de la réglementation des débits de boissons, dont on y parle de tout un tas de trucs techniques, les heures d'ouverture, etc dont les étrangers que nous sommes se fichent un peu. En revanche, il y a une mesure inscrite dans ce projet de loi qui peut étonner: l’obligation de faire figurer un vin genevois sur la carte de chaque bistrot du canton.


Cette mesure, ce projet de mesure n'est en fait pas une première au sein de la Confédération helvétique. Le canton voisin de Vaud, riche lui aussi en vignobles réputés, avait imposé ce principe il y a plus de dix ans comme en témoigne l'article 41.2 de sa Loi 935.31 sur les auberges et les débits de boissons du 26 mars 2002. Une texte que les vignerons vaudois ne prennent pas à la légère puisqu'il y a deux ans encore, ils ont lancé une enquête dans le canton afin de parer à tous les manquement.
Ce qui est amusant de relever, c'est que ces mesures sont prises alors que le vin suisse, qui ne manque pas de crus exceptionnels* sur lesquels j'ai la chance de pouvoir m'émerveiller souvent (merci Clio!), se vend sans problème. La quasi totalité de la production suisse est écoulée sur place, seul 1 ou 2% sont exportés, mais je peux vous assurer que c'est la croix et la bannière pour se procurer quelques flacons des grands crus helvétiques! Vous le voyez, il y a vraiment dans tout ça une question de fierté régionale, cantonale (que je ne trouve pas si mal placée que ça), on est fier de porter le maillot.


Je me dis d'ailleurs, en repensant à la forte identité préservée des vins suisses, que nous pourrions peut-être, en France, nous inspirer de ce principe de préférence régionale. Oh, je sais, il y a des régions, comme l'Alsace ou la Bourgogne voire Bordeaux, où ce n'est pas la peine de légiférer, mais parfois… Tiens, quand par exemple je suis à Toulouse, qu'on me propose tout un tas de trucs venus des quatre coins de France** et que je n'arrive pas, pour arroser mon cassoulet à mettre la main sur un bon fronton, sur un chouette cahors, un marcillac rigolardn un vrai madiran, un superbe gaillac… Ou quand, dans le Val de la Loire, le serveur prend un air pincé pour m'annoncer qu'il n'a pas de breton parce que les tanins…
Enfin bon, faut pas rêver! Inciter, obliger même à vendre du vin, fut-il régional, ce n'est pas demain la veille qu'on verra ça en France, au pays du prohibitionnisme subventionné. Les Suisses (et les autres) peuvent continuer à se moquer de nous et de notre inégalable talent pour nous tirer des balles dans le pied.



* Là, au moment où j'écris, j'ai envie de croquer une bouteille de Cornalin, du Domaine Cornulus (photo ci-dessous), la cuvée Antica. De me vautrer dans ce fruit éclatant comme dans la luxure, plonger dans cette chevelure noire. Mais il y en a tant d'autres…
** Ne nous méprenons pas, vous connaissez mon goût pour la découverte et la diversité. Mais pourquoi ne pas commencer par le commencement.

Le vin foireux ne connaît plus les frontières.

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Les vins foireux, pardon, les "foires aux vins" (ou encore foires ovins), c'est une invention que l'on doit au génie français. Une invention qui date de 1973, quand deux adhérents des centrales E.Leclerc, Antoine Polard et Raymond Berthy, les lancent dans le Finistère.
Les débuts sont corrects, sans plus, mais, reprenant l'idée d'un de ses collègues de Tours qui fait ça pour la choucroute, Antoine Polard installe un chapiteau sur son parking. On y vend "au cul du camion" du muscadet et du bordeaux de coopérative. Ambiance treize à la douzaine.
S'y sont ajouté depuis les années 80 les grands crus girondins, parce "qu'il ne faut plus que les bons vins soient réservés aux notaires, médecins, ou avocats".


En quarante ans, la grande distribution et ses vins foireux ont mangé le marché français. Désormais, les consommateurs, à près de 80%, n'achètent plus leurs bouteilles que sous les néons, persuadés d'y faire de "bonnes affaires"*. Surtout durant ces foires qui débutent aux vendanges
Il faudra un vrai travail de fond aux cavistes pour que les clients retrouvent le chemin de leurs boutiques: savoir se poser les bonnes questions (accepter aussi de se les poser**!), s'organiser, s'unir, en finir avec le syndrome gaulois, s'ouvrir, se moderniser, se connecter… Il en va de leur intérêt mais aussi de celui des vignerons artisanaux français qui, sauf à se faire étrangler, n'ont pas leur place en grande distribution.


Mais revenons-en aux vins foireux. De la même façon que la grande distribution française colonise le Monde, cette idée épatante de Leclerc, après avoir gagné les autres enseignes de la Pieuvre, s'est exportée.
Partout, ce qui importe pour la chaîne d'hypermarchés, c'est de monter en gamme, de crédibiliser. Parce que c'est vrai qu'aller choisir un produit noble comme le vin dans ces lieux sordides, entre les rouleaux de papier-cul et les produits ménagers, il y a plus sexy! Alors, comme au paradis de la GD tout s'achète, moyennant un joli chèque, on débauche un chef ou un sommelier. En Belgique, Carrefour a même inventé pour faire sa pub un nouveau métier: "l'hyper-sommelier". En fait, un vieux professionnel local, Eric Boschman, qui, avec un talent qu'entame le manque de conviction, déploie des efforts désespérés (désespérants?) pour convaincre monsieur-tout-le-monde qu'il va trouver son bonheur liquide en poussant des caddies dans "la plus belle cave à vin du Royaume" (sic!). Lamentable. Insupportable. On pense à ça.
Pour que la mayonnaise (industrielle) prenne, il faut bien sûr la complicité de la Presse, en l'occurrence le journal Le Soir, où "l'hyper-sommelier" tient chronique. Ça, la prostitution de la Presse, sa promptitude à s'acoquiner avec la grande distribution, ce n'est évidemment pas une spécialité belge.


Le dernier pays en date à succomber aux charmes du vin foireux, c'est l'Espagne. Malgré la crise, la grande distribution, avec Carrefour, Alcampo, Mercadona ou Eroski y est un peu plus timide qu'en France, et le vin, de toute façon, ne fait plus partie des produit-phares outre-Pyrénées. C'est d'ailleurs une enseigne allemande, Lidl, qui a lancé l'offensive.
Appliquant à la lettre la tactique bien connue, elle s'est offert un nom, José Peñin, le "Michel Bettane espagnol", critique, consultant, éditeur… Bref, un éminent représentant de ce Mondovino ibère vieillot, poli, obéissant. Un petit monde ronronnant aux colloques, s'assoupissant sur la digestion du dernier repas de Presse, dormant en masterclass et qui, se réveille souvent très étonné de ce que les Espagnols, les jeunes notamment, ne boivent plus de vin***. Je ne sais pas si avec Lidl, José Peñin va redonner un peu de glamour à la Dive Bouteille…



* Pour ce qui est des bonnes affaires au pousse-caddie, je vous en ai parlé récemment ici.
** Il y a effectivement beaucoup de tabous dans les échanges qu'on peut avoir avec bon nombre de cavistes français. L'un de ces tabous, je l'ai encore constaté récemment, c'est le prix des vins, notamment des vins étrangers. Je sais bien que les entrepreneurs français sont pressurés comme des citrons mais, je m'étonne toujours de voir que dans l'Hexagone, les vins étrangers sont systématiquement (beaucoup) plus cher que dans les pays voisins, y compris dans des pays "pauvres" comme la Suisse….
Exemple, hier encore, je discutais d'un gentil vin du Piémont, de chez Roagna (ci-dessous). Ici, à Barcelone, il me coûte 11,90€. En France, son tarif grimpe jusqu'à 15 voire 19€. Il m'arrive même souvent de trouver des vins tricolores moins chers en Espagne que dans leur pays d'origine. Et je ne vous parle pas du prix des bouteilles espagnoles en France…
Puisqu'on parle de ce métier, soyons positif avec un coup de chapeau à un vrai indépendant, mon copain Marco Bertossi, qui exerce dans la banlieue de Montpellier et qui est en finale du concours du meilleur caviste de France.
*** Lisez à ce sujet le dernier papier de Joan Gómez Pallarès, papier qui effleure le problème de ringardise du Mondovino espagnol mais qui omet me semble-t-il un point essentiel, l'éducation forcenée des jeunes palais espagnols au sucre industriel et au Caca-Cola, dont le pays est le premier consommateur européen (deux fois la consommation française per capita).


Les experts…

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Pour les experts pinardiers, les vrais, les vendanges c'est plié depuis longtemps. Le millésime aussi, on en a déjà fait le tour. Ses défauts, ses qualités, sil sera celui du siècle, ou pas. Normalement, un bon expert est capable de tout vous révéler, péremptoire, dès la saison des cartables, juste avant qu'il ne vous prodigue (il est cool, l'expert) ses conseils éclairés sur les vins foireux qui, en rayon, remplacent les cartables sus-cités.
En vérité, sur 2014, les experts, je ne sais pas trop ce qu'ils nous ont racontés, ce qu'ils ont lu dans le marc des raisins non encore pressés. Désormais, dans la Presse ou le poste, quand je lis, quand j'entends le mot "vin", je ne sors pas mon revolver mais j'appuie sur l'interrupteur*: off


"Dar tiempo al tiempo" répétait Cervantes. Les experts n'ont pas lu Don Quixote, sûrement parce qu'ils se croient plus ingénieux que lui et qu'en plus, généralement, ils méprisent les vins plébéiens de la Mancha (qu'il ne boivent que sous forme de vieux coñacs XO en bouteilles de cristal très chères). De la saison des cartables, donc, jusqu'à l'impayable (beaucoup ont arrêté de payer d'ailleurs) farce des primeurs bordelais, ils nous expliquent doctement de quoi le lendemain des vins pas encore faits sera fait.


Je prends un exemple, au hasard. Presque. Le millésime 2003. Les experts, malins, ont vu à la météo qu'il avait fait très très beau. Très très chaud. Au rapport coup de soleil/qualité/prix, ils ont décrété que 2003 serait un grand millésime. Et sans plus attendre, ces éjaculateurs précoces de la bouteille ont gratifié les crus qui étaient encore loin d'y être eux, en bouteille, de notes phénoménales. Je ne vais pas vous raconter une nouvelle fois l'histoire de ce pauvre hermitage parfait, 100/100 comme on dit en patois d'Amérique, qui a finit (sacrilège!) sa glorieuse trajectoire de blockbuster au fond d'un évier. Bon, si c'était si simple, s'il ne fallait que du soleil, brûlant, pour faire bon, on irait planter des vignes dans le الصحراء… ***


En voyant la photo qui ouvre ce billet, symétrique de celle du fameux 100/100 de Chapoutier, vous allez croire à une fatalité. Ou à une cabale contre les vins de ce millésime. Car, oui, cet après-midi, à la maison, un autre 2003 est passé à l'évier. Un rouge né lui aussi dans le souffle du Rhône, pas exactement dans sa vallée au sens des appellations, plus près de son embouchure, dans les Alpilles, à Saint-Rémy-de-Provence. Domaine Hauvette, tous les amateurs connaissent cette propriété emblématique, au même titre que Trévallon, de l'AOC Les Baux de Provence.
Ce 2003, sa bouteille en tout cas, vide de sa dernière goutte de vin, est passé à l'évier car je souhaitais la conserver en souvenir. En souvenir d'un vin certes pas parfait, un peu dur, "serré du cul", portant en lui un léger souvenir de la souffrance que fut ce millésime, mais aussi charmant qu'un déjeuner sur une terrasse des Alpilles. En souvenir d'un vin qui, par le plaisir qu'il nous a procuré, nous a rappelé qu'effectivement il faut "laisser du temps au temps". En souvenir d'un vin qui nous a confirmé, que même dans un millésime tordu, contrairement aux experts, il faut croire à l'exception et ne pas désespérer du vigneron, de l'homme (et de la la femme en l'occurrence).
À chaque vendange, on dit, on écrit, on professe beaucoup d'âneries. Pourtant, en ce domaine, tout est relatif, subjectif et mouvant, tout ne doit pas être pris pour argent comptant. Et surtout, surtout, ce que nous disent les experts…



* Bon, j'admets, cette rentrée, j'ai écouté mon pote Patrick Tejero sur RTL, parce que lui, qui est professionnel pas un journaliste alimentaire, est allé demander à un autre professionnel de lui parler de vin, en l'occurrence un vigneron, Gilles Azam, le papa (entre autres) de Joséphine.
C'est en fait une maxime andalouse qu'aurait faite sienne Miguel de Cervantes, il la réutilise plusieur fois dans Don Quixote, notamment au chapitre 38: "me parece muy áspera esta medicina y será bien dar tiempo al tiempo". Elle revient sous une autre forme dans la nouvelle La Gitanilla, est "se dará tiempo al tiempo, que suele dar dulce salida a muchas amargas dificultades." Cette phrase est devenue célèbre en France, remise en selle par François Mitterrand sous la forme "laisser du temps au temps" (et non plus "donner") sûrement emprunté à La Plaisante Sagesse Lyonnaise, recueil de maximes et réflexions morales recueillies par Catherin Bugnard (AKA Justin Godart), Secrétaire perpétuel de l'Académie des Pierres-Plantées.
*** Désert, en arabe. 

SOS vin battu.

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Au restaurant, c'est un moment qui agace. Qui peut carrément mettre en colère. Vous connaissez un peu le vin, son prix (parce que ça va avec), et en parcourant la carte des rafraîchissements, vous vous rendez compte que le taulier à ouvertement l'intention de vous faire les poches. Toutes les bouteilles que vous fréquentez, parfois intimement, dont vous connaissez les prétentions tarifaires, parfois même au sortir de la cave, sont affichés à un prix qui n'a plus rien à voir avec la réalité. Ce n'est plus une culbute, mais le saut de l'ange!
Cette impression que le vin sert de prétexte à vous rançonner n'est pas spécifiquement français; à Londres, c'est encore pire, sauf à avoir trafiqué dans la drogue, le pétrole ou les armes, vous passez directement à la bière. J'ai ainsi le souvenir dans un "gastropub" de Marylebone d'un petit corbières parti à 2,60€ de chez lui et vendu, au milieu d'une liste de mets aqueux, £42. Vous voulez que je vous la refasse en couleur? Ça signifie que de trois euros et des poussières TTC, vous arrivez sur table à cinquante-trois euros et cinquante cents. En multipliant par dix-huit, vous avez j'imagine de quoi couvrir les faux frais, le transport, les intermédiaires…


Pas la peine de franchir la Manche, pour s'agacer. On fait ça très bien en France, au pays du vin. Chez les chouchous du Guide des Pneus, bien sûr, où c'est une tradition, quasiment une signature; je me demande toujours pourquoi on ne vous offre pas un tube de vaseline au moment d'apporter la carte des vins*. Mais le tir à vue n'est plus l'apanage des étoilés, un zeste de branchitude, un soupçon de déco, et le buveur de vin se fait défoncer. Notamment avec ces restaurateurs qui ont honte de faire payer leur cuisine au juste prix. Remarquez, pour la plupart d'entre eux, on peut comprendre, puisque ce ne sont pas eux qui la font la cuisine (Davigel, bien sûr!)…
Quand vous posez la question à un restaurateur, quand vous lui demandez pourquoi la France est devenue un bonnet d'âne en la matière, immanquablement, il se plaint des salaires et surtout des innombrables charges, le RSI etc, qui pèsent sur leur profession. C'est loin d'être faux, ce pays en crève, mais ça n'explique pas tout. Alors, on vous parle du stockage des vins, de l'immobilisation. Ça, excusez-moi, j'ai un peu plus de mal à l'avaler alors que la plupart des établissements travaillent à flux tendu. Quand aux surcoûts liés aux bouteilles bouchonnées et aux verres, que je sache, ce n'est pas une spécificité française! Pour la verrerie**, d'ailleurs, l'Hexagone serait là aussi plutôt en queue de peloton.
 

Alors, est-ce une fatalité? Le vin est-il condamné à servir de vache à lait de la restauration, à payer le 4X4 du patron? Non, bien sûr. De plus en plus d'heureux contre-exemples se font jour. D'abord ces fameuses "caves à manger", ces cavistes qui se sont mis à la cuisine, souvent parce que lassés des professionnels de la profession. Tenez, une adresse bien connue à Toulouse. Parce qu'il n'y a pas que Paris dans la vie.
Il y a aussi cet exemple narbonnais, Les grands Buffets. Je ne suis pas d'accord sur tout avec Louis Privat, mais cet entrepreneur, qui est tout sauf un farfelu, prouve dans son immense restaurant qu'il est viable économiquement, profitable même, de vendre le vin (local qui plus est comme chez nos amis suisses) à un prix honnête. En passant au prix caveau, ses ventes de crus languedociens ont augmenté de 50%!
Enfin, reste les autres pays européens du vin, l'Italie et l'Espagne. Juste trois exemples, outre-Pyrénées, trois belles adresses que je vous rappelle pour vos week-ends ou vos vacances. Villa Más, sur la Costa Brava, à Sant Feliu de Guíxols, là où les vignerons bourguignons vont boire en masse les vins de leur région, parce que chez eux c'est souvent devenu impossible. La Sidreria Martintxo (j'en parle aussi ) à Pampelune, où la carte des initiés tombe comme un cadeau sur la cuisine à la braise. Gresca, chez Rafa Peña, à Barcelone, oublié du Guide des Pneus local qui ne le trouve pas assez chimique à son (mauvais) goût.
Je crois d'ailleurs qu'il faudrait que nous ouvrions une liste, ville par ville, pays par pays, de ces restaurants où l'on ne vous prend pas pour un pigeon en vous tendant la carte des vins.  Où cette carte, intelligente, affiche des tarifs qui prouvent un vrai respect du vin et du vigneron. Parce que, pardonnez-moi la comparaison douteuse, mais un restaurateur qui dit aimer le vin et qui vend les bouteilles trois, quatre, cinq fois plus cher que chez le caviste, c'est un peu comme le mari qui dit aimer sa femme et lui fout sur la gueule tous les jours.



* Qui en prime s'avère trop souvent insipide, peu créative.
** puisqu'on est dans le cristal, comment ne pas évoquer la grosse endoffe du vin au verre? Antonin Iommi-Amunategui s'était déjà amusé à faire les calculs de cette "grande arnaque" il y a deux ans.

En avoir ou pas.

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Au fond d'eux mêmes, les vignerons de métier, la majeure partie d'entre eux en tout cas, le savent, la grande distribution est une machine infernale qui ne peut, à terme, que les hacher menu, eux et leur réputation. Le savoir est une chose, mais oser s'exprimer publiquement sur ce sujet, dénoncer les méthodes de La Pieuvre, en est une autre. Voilà pourquoi je voulais relayer ici, le nouveau coup de gueule de ce fier Alsacien qu'est Étienne Hugel.
Le patron de l'ancestrale maison de Riquewihr (tout comme sa famille) ne veut pas voir ses célèbres étiquettes jaunes* au pousse-caddie. Et il le fait savoir. Avec force, et courage. Par le menu, il raconte ainsi comment il s'est fait piéger, détourner, trahir par le biais d'un intermédiaire véreux. Lisez, c'est édifiant, c'est ici, sur le blog du domaine


On y apprend notamment qu'après s'être indigné publiquement de nouveau coup de force de la grande distribution, Étienne Hugel a été menacé de poursuites "pour diffamation" par le complice présumé de Leclerc, celui-là même qui aurait détourné les bouteilles, à savoir la société Cyladis. Et sommé d'effacer sous huitaine le contenu de son blog!
On y apprend également que pour brouiller les pistes, "les gens de chez Leclerc […] pas très fiers de certains de leurs fournisseurs" ont "découpé au cutter" le marquage qui permettait de tracer le parcours des colis en provenance de chez Hugel. "Par contre, le marquage discret au jet d'encre du numéro de commande […] sur le verre des bouteilles ne laisse planer aucun doute sur l'origine des vins".
On y apprend enfin, comme c'est la règle, que les vins (comme à chaque qu'il sont détournés) ne sont pas moins chers au pousse-caddie, bien au contraire. Mais, ça, je vous l'avais déjà expliqué ici.


Beaucoup, dans le Mondovino, me diront: "la grande distribution n'est pas le Diable!" Je ne sais pas ce qu'est le Diable, mais je sais ce que c'est qu'un système qui, vénérant le veau d'or, réussit à la fois à étrangler, parfois même à ruiner notre industrie, notre agriculture, à humilier les êtres humains, à les pousser toujours vers le chemin du bas, à détruire notre culture et notre art de vivre, à massacrer les abords de nos villes. Pourtant, je vais vous étonner, dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, le problème n'est pas là. Pas seulement là en tout cas.
Il me semble que pour des vignerons qui ont une vision "haute-couture" du vin, au delà de l'éthique, c'est aussi une simple question de cohérence commerciale. On peut raconter partout comme par exemple le propriétaire tant décrié d'Angélus que le vin est un produit de prestige, le comparer à un foulard de luxe. Nous sommes beaucoup à ne pas partager cette idée, peu importe. Admettons, comme le dit ce monsieur, que son saint-&-millions soit un un carré Hermès. Admettons. Eh bien, franchement, vous avez déjà un vu beaucoup, vous, des carrés Hermès chez Auchan? Moi non. Alors que des bouteilles d'Angélus, sous les néons, oui, ça se trouve.
Au delà des valeurs qu'il a héritées, Étienne Hugel rappelle, sans en rajouter, ce principe tout bête à ceux qui l'ont oublié. Pour forcer le trait, soit on se la joue milord sapé Savile Row sur le Connolly d'une limousine anglaise, soit on fait de la retape pour son rouquin entre le papier-cul et le nettoyant pour sol dans un hangar de banlieue. Quitte à s'asseoir sur de l'argent facile (à court terme), il faut choisir son camp, camarade! Ce qu'a très bien fait le vigneron de Riquewhir. C'est tout à son honneur. Son franc-parler et sa claivoyance entretiennent chez moi, plus vivace que jamais, le souvenir lointain mais ému de ses vieilles étiquettes jaunes, qui furent parmi les premiers caps que je franchis, avec mon père, dans ma navigation sur les océans du vin.



* Connaissez-vous au fait l'origine de ce jaune qui peut sembler flashy pour des étiquettes anciennes? Cela remonte à Jean Hugel (père et grand-père des générations actuelles). Il avait obtenu un stage dans les services commerciaux Maggi, alors dirigée par Jules Zoll, un ami de la famille. A cette époque la célèbre maison suisse avait fait une étude de marché pour la présentation de ses produits. Jaune, rouge et or étaient les couleurs préconisées pour les nouveaux habillages Maggi, et bientôt employées pour le Bouillon Kub. De retour au Domaine, Jean Hugel repris à son compte ce bon conseil.
Cela étant, au delà de cette anecdote, n'oublions jamais que le passé que nous voyons en noir & blanc, vaguement sépia, n'a souvent pas manqué de couleurs, en témoignent les peintures et les fresques qui ornaient les façades et l'intérieur des églises médiévales ou des temples antiques.


Rouge de Galice: du vin, pas de la viande!

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Surprise, hier matin, au marché de Poblenou, mon petit boucher avait une jolie entrecôte. Un peu fraîche, certes, mais ce genre de viande à Barcelone, c'est comme une piscine au milieu du désert! Je lui en fais couper deux tranches pour le déjeuner dominical, on discute un peu, et il me raconte que c'est de la vache de Galice. Vingt quatre euros le kilo, facture à l'appui. Rien à redire. Une fois grillée, elle était correcte.


Sauf que moi, ça m'interpelle. De la vache de Galice, à Barcelone? Décidément, la mode fait des ravages pour qu'on arrive à trouver ce genre de choses jusque dans un petit marché de quartier catalan! Mais elle vient d'où cette viande? C'est de la génération spontanée? Parce qu'au delà de mon petit boucher, on ne peut plus faire un pas, surtout dans le monde foodiste, sans tomber sur un carré de côtes qui n'ait pas fait les Chemins de Saint-Jacques à l'envers. On en trouve même chez Métro qui agite le drapeau galicien, et donc dans les restaurants étoilés.


Alors, moi, toujours un peu benêt mais me souvenant que j'ai été journaliste, je me renseigne. Au plus court, au plus simple. Je consulte les chiffres pour tenter de trouver l'explication de cette hausse aussi exponentielle que rapide de la production de bœuf de Galice. Oui, rapide, parce qu'à mon dernier séjour dans cette sublime région, on m'expliquait que la vraie viande galicienne, on avait du mal à en trouver, qu'il fallait bien chercher. Et là, seconde surprise de la journée, Los datos económicos de los sectores de las carne de vacuno, ovino, caprino y aves correspondientes al año 2013 del Ministerio de Agricultura, Alimentación y Medio Ambiente m'apprennent qu'au contraire, la production de viande bovine est tombée de 5,24% depuis un an dans cette communauté autonome, et que cette baisse est constante depuis neuf ans. Bizarre…


Inquiet, je songe à l'épais brouillard qui enveloppe le monde opaque de la viande, compulse les chiffres, voit ces importations de bovins qui en Espagne font jeu égal avec les importations. Pour me rassurer, vous me dites, qu'on ne peut pas tricher sur les races. Les races galiciennes sont spécifiques, identitaires, c'est marqué dans les magazines, même les blogueurs le confirment, c'est ce qui fait la réputation de cette région.
Alors, parlons de race, car effectivement voici un bel élément de traçabilité. La grosse majorité des bêtes élevées en Galice appartient à une race dite autochtone, la rubia gallega.  Elle arrive en France sous le nom de "rouge de Galice"; même sur le site d'un des "bouchers stars" de Paris, Yves-Marie Le Bourdonnec, pourtant un grand professionnel, on trouve cette drôle d'appellation*. Drôle parce que, erreur ou brouillage de piste, en espagnol, rubia, ça ne se traduit pas par "rouge", mais par "blonde", il s'agit donc d'une blonde et non d'une "rouge" de Galice. Et cette blonde de Galice n'est autre que la bonne vieille blonde d'Aquitaine, arrivée là-bas on ne sait pas trop quand: à la préhistoire selon la légende commerciale locale, beaucoup plus tard selon d'autres sources; ce qui est sûr, c'est que, comme le montre ce site spécialisé, les blondes d'Aquitaine continuent de voyager de France en Espagne. Elle est parfois croisée, pour améliorer sa viande, avec de la simmental ou de la brown swiss.


Parce que la blonde d'Aquitaine, c'est une gentille bestiole, polyvalente, mais qui n'est pas vraiment considérée comme une grande race à viande, en termes organoleptiques. Créée en 1961 (ce qui invalide la légende commerciale sus-citée) à partir de plusieurs vaches du Sud-Ouest, on la qualifie de race "moderne", comprenez à très haute productivité. Personnellement, je l'ai toujours trouvée un peu molle, aussi bien en goût qu'en texture. Je ne lui ai en revanche rien trouvé qui justifie que je paye son entrecôte jusqu'à cent euros le kilo, comme c'est le cas quand elle est estampillé du sceau galicien! Pour ne rien vous cacher, je préfère le bœuf de Chalosse (en limousine ou bazadaise) de la Maison Ayméà Dax, la brune parthenaise ou sa cousine d'Aubrac, de la montbéliarde d'une demi-tonne au moins, ou pour son inégalable persillé, la simmental de mon boucher toulousain favori. Voire le toro de combat andalou, maigre mais goûteux, que nous avons sacrifié cet été.
Tout ça pour dire… qu'on n'en saura pas plus sur le mystère de la multiplication de la vache qui joue de la gaïta (cornemuse galicienne). Qu'on peut même y trouver de jolis chuletons, mais qu'on ne saura jamais s'il s'agit de bétail élevé en Galice, passé par la Galice, "fini" en Galice, abattu en Galice, ou même à quelques centaines de kilomètres de la Galice**. La viande bovine, c'est un sport aux règles encore plus compliquées que le rugby quand le Board cherche à les simplifier.


En revanche, plutôt que de faire la fashion victim (se faire couillonner étant consubstantiel de cette condition), si vous voulez vraiment goûter au mysticisme de ce terroir celte d'Espagne, dans sa pureté, sans coquinerie, précipitez-vous sans plus attendre sur les rouges de Galice: les vrais, les vins! Il y a du blond, pardon du blanc aussi, mais en rouge, comme je vous l'ai déjà raconté à plusieurs reprises***, nous sommes là face à un des terroirs espagnols qui, un peu comme le Priorat il y a dix ans, passionnent le plus les amateurs internationaux. Le très avisé correspondant d'Oncle Bob dans la Péninsule, Luis Gutiérrez, va d'ailleurs leur offrir en décembre un gros coup de projecteur planétaire dans le Wine Advocate (ce qui ne va pas arranger les choses pour en trouver, les quantités n'étant pas énormes!) Pourquoi ce coup de foudre? Tout simplement parce que contrairement à beaucoup de régions espagnoles, on y produit des vins équilibrés, fins, qui parfois, sans un grain de syrah, évoquent le Rhône septentrional ou la Loire, très loin du style lourd, cuit (et en option ultra-boisé) qui triompha à une certaine époque.


Un signe qui ne trompe pas, au delà de l'engouement international dont bénéficient ces vins, l'arrivée en Galice des jeunes loups de la viticulture haut de gamme espagnole qui ont bien compris l'énorme potentiel de ce climat (au sens bourguignon): les deux derniers en date, et pas des moindres, le riojano Olivier Rivière, à  Ronsel do Sil et Fredi Fresquito Torres, connu en Priorat (et en Suisse) mais de sang galicien, à Amandi. Tous les deux se frottent désormais à la mencia, au merenzao, au godello et autres cépages ancestraux dans la très spectaculaire et très qualitative Ribeira Sacra, sorte de Douro sauvage et frais. Leurs premiers tintos gallegos? On ne tardera pas à les goûter, patience! Je vous offre juste, en attendant, quelques images des vendanges 2014 que vient de me faire parvenir Fredi Torres.
Bon voyage au pays du (vrai) rouge de Galice!




* Détail intéressant, d'ailleurs, quand on clique sur la photo de ce qui devrait être de la "rouge de Galice", on tombe sur une page qui nous donne le titre de cette photo: "burgos.png". C'est peut-être une erreur de titre, toujours est-il que Burgos, ce n'est pas la Galice mais la Castilla y León, vaste région voisine, très différente de la Galice et première productrice de viande d'Espagne (21% de la production totale selon les chiffres 2013 du Ministère de l'Agriculture). C'est d'ailleurs vers Burgos, dans de gros élevages très performants, qu'on produit le fameux "wagyū" d'outre Pyrénées (cherchez l'erreur), de l'Angus également, des viandes souvent plus persillées que celles que l'on trouve en Galice. D'une façon plus générale, cette traduction fantaisiste se retrouve même sur le site parfois faux ami Wikipédia, en français, et en anglais, qui confondent les deux les blondes et les rousses…
** Si vous gagnez au loto, une bonne adresse de viande "galicienne". Pour le coup, ce n'est pas très loin, en Castilla y León, mais sur les terres de l'ancien Royaume de Galice, la "Bodega de carne" El Caprichoà Jiménez de Jamúz, près d'Astorga; on y vend par correspondance mais à des prix parisiens de la vache, du bœuf rassis ainsi que quelques produits dérivés dont une belle cecina de León.
*** Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous ici, ici, ici ou encore .


Délicieuse…

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Ça s'est passé en Australie, à Brisbane. Un cuisinier, Marcus Peter Volke était marié avec un travesti revenu avec lui de Bali. Elle/il s'appelait Mayang Prasetyo et faisait fondre les hommes. Malheureusement pour eux deux, le chef, Marcus, était jaloux. Alors, il découpa Mayang en morceaux et la fit mijoter dans ses casseroles du restaurant. Avant de retourner son couteau contre lui.
C'est News.com qui raconte ce fait-divers gastronomique. Si ça vous intéresse, la suite est ici.
On ne sait pas si le mari a dégusté le ragoût de sa compagne, et à quelle sauce*, mais, désolé pour le coq-à-l'âne, cette horrible histoire me ramène à une réflexion que je me fais souvent quand je vois l'opacité organisée, confortée parfois par les pouvoirs publics, du marché (du trafic?) de la viande. Ne finira-t-on pas, comme dans Soleil vert, par manger de la chair humaine? Oh, pas telle quelle, en bifteck ou en rôti. "Déstructurée", comme on dit dans les restaurants où l'on a tout intérêt à ce que l'on ne reconnaisse plus, dans l'assiette, la matière première. Sous forme de farce ou de hamburger, de lasagnes, de tacos, de goulash ou de chili con carne. Via la Roumanie, l'Inde ou la Chine…
Bon appétit !



* Pas terrible apparemment. plutôt de la chimie.


Le vin, le cul, les poils…

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Oui, je sais, les grincheux vont dire que j'ai encore trouvé un truc pour faire monter l'audimat d'idées liquides & solides… Mais le cul fait-il vendre? Ça fait longtemps qu'on se pose cette question dans les agences de pub. Moi, je pense qu'utilisé à bon escient, oui. Y compris dans le domaine du vin, où il faut toutefois marcher sur des œufs, pour des raisons légales. Remarquez, en France, sur l'image ci-dessus, ce n'est pas tant à cause de cette exquise amorce d'aréole que vous risquez de vous faire serrer mais juste parce que la dame est prise en flagrant délit de consommation de pinard. Cachez-moi ce verre que je ne saurais voir! Si l'on s'en tient au texte de la Loi (Évin), l'image suivante est plus réglementaire, car elle ne boit pas, le verre est posé à distance, comme un élément de décor. Sauf que la cigarette…


Grande question, donc : le vin a-t-il le droit de parler de cul? Oui, bien sûr. Est-ce de bon goût? Ça, ça regarde chacun d'entre nous. Moi, j'ai toujours trouvé que Bacchus et Vénus formaient un beau couple. Une bodega des îles Canaries a d'ailleurs décidé de fêter une nouvelle fois leurs épousailles à la fin de ce mois*. Ce thème, j'y avais d'ailleurs consacré un ouvrage**, il y a douze ans, rapidement épuisé; on m'en a fréquemment réclamé une suite.
Ce mariage, de l'amour, du sexe, et du vin, est fréquemment célébré sur les étiquettes. Pour le meilleur et pour le pire. J'avais tenté le coup au début des années 2000, avec un grenache que j'adorais dans une coopérative du Languedoc. Retoqué. Le point G avait choqué le kolkhoze et n'avait obtenu l'imprimatur. Ce qui est amusant, c'est que comme à chaque fois, la censure est contournée puisqu'un voisin des Corbières avait récupéré le nom pour s'en faire une cuvée (qui elle bizarrement contenait aussi de la syrah et du mourvèdre). C'est la vie… Le point G a d'ailleurs depuis fait sa réapparition dans la Loire au Domaine de Montrieux, chez Émile Hérédia dont j'adore le pineau d'Aunis, avec du (G)amay à la place du (G)renache.
Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, s'il vous intéresse, vous en aurez un aperçu (naturiste, ça tombe bien…) sur les blogs de Sandrine Goeyvaerts et Antonin Iommi-Amunategui, des seins énigmatiques de Brigitte Lahaie au Grololo paillard de Pithon-Paillé. De toute façon, en France, au rythme où ça va, on ne va plus s'embarrasser longtemps avec le design des étiquettes, le Sinistère de la Santé va sûrement trouver un truc pour éradiquer le Mal, et imposer rapidement des mentions "informatives" sur les bouteilles de ce produit diabolique qu'est le vin.


Ce qui me rassure, en tout cas, c'est de voir que nous sommes nombreux à vouloir perpétuer ce mariage de l'amour et du vin. Jusqu'à nos chers (au sens de coûteux) amis les nouveaux prohibitionnistes. À leur façon, ils nous confirment le bien-fondé de cet accord entre Bacchus et Vénus. Je suis tombé sur une des leurs nombreuses œuvres, car les bougres, gavés à l'argent public, sont prolixes: il s'agit d'un texte publié sur le site Web d'une des officines départementales de l'ANPAA, l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie. Il y apparait clairement qu'après être allés fourrer leurs regards inquisiteurs au fond de nos verres, voilà qu'un rien voyeurs, ils inspectent désormais nos alcôves et nos petites culottes.
Remarquez, finalement, ce soudain coming-out, ce soudain intérêt pour le sexe explique peut-être les propos dérangeants de leur chef de file, Patrick Élineau, qui il y a quelque temps s'était lancé dans un logorrhée douteuse, amalgamant vin et pédophilie. Vous ne vous souvenez pas? C'était ici.


Dans ce texte de l'ANPAA du Var, très inspiré par une certaine pensée psycho-moraliste américaine controversée, il n'est plus du tout question d'alcool ou de drogue, mais de sexualité. On y évoque les "déviances", les sex-toys, la masturbation, l'échangisme, le sado-masochisme, le fétichisme (heureusement que l'homophobie est un délit pénal, sinon à mon avis…), mélangeant allégrement des pratiques sexuelles alternatives mais parfaitement légales dans les pays civilisés à des crimes comme la pédophilie ou le viol. Bref, comme d'habitude chez ces malades (j'assume le terme), on amalgame et on sombre dans un puritanisme morbide qui me semble à la longue consubstantiel de leur démarche.
En un mot comme en cent, de la part d'une association financée par l'État français, tout cela me semble malsain, infiniment plus que le fait de se taper une bonne bouteille ou de s'offrir une partie de jambes en l'air. Alors, avant qu'il ne soit trop tard, avant que vos névroses ne vous dévorent, songez-y, mesdames, messieurs les hygiéno-moralistes, faites-vous du bien. Le vin, le cul, les poils, ça détend. Ça purge le radiateur…




* Ça s'intitule Wine & Sex (site Web ci-dessous)et ça se déroulera le 25 octobre prochain, à Tenerife, aux Bodegas Monge. Une sorte de bacchanale à la sauce espagnole, vous pouvez réserver ici.
** D'amour & de vin, LA PRESQU'ÎLE, 2002, Bordeaux. J'en avais posté des extraits ici et


Le souffre fait soufrir le vieux con !

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Bon, évidemment si pour vous l'haurtografe, la seintaquse ne sont que des pertes de temps, des trucs qui ne servent à rien, passez votre chemin. Idem, si une crise de jeunisme aidant, vous trouvez le langage SMS tellement plus efficace. Ou si, en voyant la magnifique berline jaune Ferrari photographiée ci-dessus, vous vous dites: "C la R12 a kevin ki es monté sur narbone poure voire jenifer la frangine a jérémy vidal".


Pour les autres, trop tard! Oui, vous l'avez compris, vous êtes tombés au beau milieu d'une chronique de vieux con. Mais rassurez-vous, ça va être rapide, juste quelques lignes. Le vieux con, donc, n'a pas envie de se moquer des faiblesses des autres, de "stigmatiser" comme on dit aujourd'hui, mais en a plein le dos de voir en permanence la langue française massacrée dans bon nombre de textes consacrés au vin, singulièrement (pour des raisons que j'ignore) dans des textes consacrés au vin naturel.
Et, le vieux con, comme tous les gâteux de son espèce, en a particulièrement ras-le-bol de voir écrire "soufre"(oui, vous savez, le minéral, ce produit jaune, jaune comme "la R12 a kevin ki es monté sur narbone", etc…) avec deux F. Le vieux con, à force, ça le fait souffrir, mais là vraiment avec deux F! Jusque dans les pubs que les gros cons du pousse-caddie lui envoient pour faire de la retape dans sa boîte à lettres…


Parce que c'est quand même incroyable de passer sa vie à parler d'un produit et ne pas être foutu d'orthographier correctement son nom. Soufre, symbole chimique S, avec un seul F. Capito? Je ne sais pas moi, si vous vous intéressez au vin naturel, lisez Chauvet, comme je le conseillais il y a quelques jours; lui, il savait l'écrire le mot soufre! Et tant d'autres mots! Tous sauf un primate monosyllabique. Un délicat, un précis du Verbe.
Dans ce milieu, je me demande parfois si ce n'est pas devenu un snobisme d'estropier le Français; pour faire genre, d'jeun', branchouille… Sans parler, dans un autre registre, de ces pitres qui forcent leur nature, masquent leur accent pour nous sortir du "faut z'y goûter à c'p'tit saint-aubin", pour faire du cru, un peu comme Montebourg qui joue au paysan bourguignon devant les caméras*…
Je commets des fautes, comme tout le monde. Pas, je l'espère, au point de devenir inintelligible. L'orthographe est notre bien, notre patrimoine commun. C'est aussi grâce à ses règles que nous parvenons à communiquer, à échanger, à nous comprendre. Pourquoi ne pas faire un petit effort, lequel serait une façon de respecter son interlocuteur, ou son lecteur.


Pour en revenir au soufre, on va en profiter, au delà de l'orthographe, pour s'offrir un petit cours de révision pluridisciplinaire, utile à ceux que le vin et ses composants intéressent, ainsi que pour tous les vignerons de la ville.
Le soufre, donc, c'est cette poudre sèche, jaune R12 ou Ferrari, qui pique les yeux, surtout quand il y a du soleil. C'est le plus ancien pesticide connu (fongicide, acaricide), on le saupoudre (on dit poudrer) sur la vigne au printemps, au moment de la floraison notamment, pour la protéger de l'oïdium. Le terme consacré est "soufrer", on ne l'utilise que pour ça.
Le soufre peut être également mouillable, et associé à du cuivre, ce qui permet en plus de lutter contre le mildiou, une des autres vermines qui empêchent le vigneron de dormir. Contre ce même mildiou, on sulfate, ce qui signifie que l'on traite au sulfate de cuivre, autre pesticide (algicide et fongicide) fabriqué par neutralisation d'une solution de sulfate de cuivre avec de la chaux éteinte. Le mélange obtenu, baptisé bouillie bordelaise, est de couleur bleue. Oui, "bleus mé plu claire ke la 504 a jacky selui ka été sur Montpellier, com lé voiturs d'edf" (désolé, c'est juste un procédé mnémotechnique).
On soufre, donc, on sulfate, puis, on sulfite. Sulfiter, c'est ajouter de l'anhydride sulfureux (du SO2 quoi!), à une vendange, à un moût ou à vin. 
Voilà. Je sens déjà que le vieux con va un peu moins souffrir…




* Étonnant de voir, d'ailleurs, que Le petit Journal de Canal+ a gentiment retiré cette vidéo où Arnaud Montebourg était parfaitement ridicule.

Coïncidences…

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J'adore la photo de gauche. J'en avais eu une reproduction il y a quelques années, perdue depuis. Impossible, malgré Internet, de remettre la main dessus. Elle m'est arrivée de sa ville natale, la ville natale de son auteur en tout cas, Madrid: il s'appelle Chema Madoz, et a produit beaucoup d'autres clichés, des images (apparemment) simples, souvent efficaces, pleines de poésie. Foncez sur son site internet, c'est ici.
Cette image, en la recherchant, je suis tombé sur par mal de mauvaises copies, parfois vulgaires, généralement moins bien ficelées que l'original. Étaient-ce vraiment des plagiats, je ne sais pas. Faute de preuves, mettons ça sur le compte de l'air du temps. Ça peut arriver après tout d'avoir les mêmes idées au même moment. La dernière en date est un dessin, paru dans le numéro de juillet de Terre de Vins, un dessin de Michel Tolmer, connu dans le monde du vin pour sa série Glougueule. Avait-il vu la photo de Chema Madoz? Je ne sais rien, et ce n'est pas mon problème.


En revanche, je me suis senti un peu plus concerné en apercevant la couverture d'un bouquin paru en 2007 à Beauvais et qui reprenait non seulement le titre mais aussi la structure d'un livre que j'avais sorti cinq années auparavant (et dont je vous parlais dans ma chronique d'hier). Tant qu'à y être, la couverture convertissait en dessin la photo de Chema Madoz. Et, sincèrement, sur le coup, avec toute la meilleure bonne volonté du Monde, j'ai eu un peu de mal à croire à un accident, à un effet coquin de l'air du temps.
"Les cons, ça ose tout, et c'est même à ça qu'on les reconnaît" faisait dire Audiard à Lino Ventura dans les Tontons flingueurs. Là, les cons, je les repérés, une maison d'édition tendance bab' mais visiblement bien emmanchée politiquement, membre du Centre Régional du Livre et de la Lecture en Picardie, L'iroli, à Beauvais. Des cons, oui, des sales cons. Des vampires, des coucous; appelons un chat un chat: des voleurs.
Alors, j'ai eu une pensée pour Ophélie Neiman, qui elle aussi s'est récemment mise très en colère en se rendant compte qu'on lui avait fait un enfant dans le dos. Mais, là encore, je sais qu'il se trouvera des gens pour lui dire que c'est l'air du temps, juste une coïncidence…








À quoi ça sert un Masterchef ?

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Pour être honnête, moi qui ne suis pas très au fait de la formidable actualité de la boîte à cons, quand j'ai entendu pour la première fois ce terme de MasterChef, j'ai cru que c'était encore une nouvelle marque de robot de cuisine. Afin que je ne passe pas pour un homme des cavernes, on m'a tuyauté, il a même fallu que je me tape un quart d'heure de télé-réalité, pardon de gastro-réalité pour comprendre ce que je savais déjà, qu'il s'agissait d'une énième déclinaison de ces émissions débiles qu'on regarde en rentrant de chez Leclerc ou Lidl, en mangeant une pizza surgelée sur le canapé.
Depuis, cette franchise planétaire est même arrivée en Espagne avec un animateur habillé en Barbapapa orangé. Enfin lui, c'est peut-être la franchise concurrente, Top Chef, je ne sais plus, ça n'a pas grande importance.


Le décor est planté, il n'a d'ailleurs aucun intérêt, tout comme le scénario et les acteurs (ne devrait-on pas dire les figurants?). La seule question que pose ce théâtre surjoué, c'est pourquoi TF1, M6, c'est-à-dire les chaînes les plus populistes (ce n'est pas une coquille) de France perdent de l'argent à montrer en prime-time des types en train de massacrer des produits qui ne méritaient pas mieux?
Eh bien, évidemment, (pour reprendre l'expression consacrée) afin de vendre du temps de cerveau humain disponible à leurs annonceurs. Ça tombe bien, l'industrie de la malbouffe est un annonceur essentiel, qui en plus n'encaisse pas trop mal la crise: dans un monde où, timidement, une conscience environnementale se fait jour, ces petites séances grand public de légitimation gastronomique de la tomate en hiver et de toutes les saloperies de grandes surfaces tombent à pic.
Les acteurs, les figurants de ces shows de télé-réalité se font donc les complices de cette entreprise. Vu le niveau, difficile de dire si ces chevaux de Troie gominés de la malbouffe en ont conscience ou pas, tout éblouis qu'ils sont de leur nouveau statut de vedette, de cette soudaine célébrité dans les loges de concierges, qui n'est pas sans rappeler celle des Miss(es) France de madame de Fontenay.

J'ai mangé une ou deux fois, par obligation, dans le sud, au restaurant d'un de ces types qui "ont fait MasterChef", ou TopChef, comme d'autres le Vietnam ou les Dardanelles. C'était moyen, très moyen. En bouche, ça sentait un peu la cantine, le frigo, le sous-vide, les cuissons plates et le fond Métro, mais avec dans l'assiette, dans l'apparence, une pointe de maniérisme, du chichi, de la déco qui se voulait branchée mais qui faisait pavillon de banlieue. On a avalé nos plats, puis le MasterTopChef est venu discuter avec nous. Pas pour parler du repas, de sa cuisine, de ce que nous en avions pensé. Juste (le pauvre pensait sûrement épater la tablée) pour parler de la télé, des coulisses, de tout un tas de gens qu'il appelait par leurs prénoms et que je ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam. Et dont je me fous éperdument.


Et l'après MasterChef, l'après TopChef ? Ça aussi, c'est important pour répondre à la question de "l'utilité", de la "destination", du "mobile" de ces émissions de télé-réalité. La plupart de ceux qui sortent de là songent bien sûr à ouvrir un ou des restaurants, à l'image de ce jeune dont je parlais plus haut. Avec plus ou moins de succès. D'autres tentent de monnayer autrement leur gloire médiatique, en donnant des cours de cuisine, en écrivant, en participant à des émissions. Beaucoup, surtout, tissent des liens étroits avec les enseignes de grande distribution (on en a même vu vendre du vin aux dernières foires), les fabricants d'électroménager ou l'industrie agro-alimentaire.
Ainsi Marc Boissieux, vainqueur de MasterChef 4. Il est devenu ambassadeur de Charal, le n°1 français de la viande, filiale du groupe Bigard. Il organise des repas, des ateliers, médiatise la marque, élabore des recettes. Car la stratégie de Charal n'est plus vraiment de vendre de la viande brute. cette entreprise a été une première à mettre un nom, un marque sur la viande: l'objectif est qu'on n'aille plus acheter une entrecôte mais tel ou ou tel produit de Charal, dissocié du produit de base, préparé, bidouillé diront certains.
Il se raconte même qu'un autre ancien de MasterChef, le Toulousain Simon Carlier, vendrait à son tour son nom à l'industriel de la viande : il aiderait à lancer, dans les jours à venir, une espèce de truc concocté dans les laboratoires des usines de Cholet, le Tendre de bœuf®. Ce n'est pas un steak, pas un hamburger, on ne sait pas trop de quel morceau il s'agit, ce sont des tranches façon carpaccio, agglomérées. "Une innovation sans précédent" claironne-t-on chez Charal, une "innovation" qui permettra, j'imagine, d'apporter pas mal de la valeur ajoutée.


Comme beaucoup de ses collègues de la gastro-réalité, Simon Carlier conserve visiblement des liens avec l'industrie agro-alimentaire. Tout en dirigeant deux restaurants dans la Ville rose (très orientés terroir, très "nature" me dit son fan-club), il écrit des livres de recettes et n'hésite pas à s'afficher (cf. image ci-dessous) avec des marques hautement symboliques de l'univers de la malbouffe. À l'image de Philadelphia, cette "crème de fromage" américaine qui a envahi les linéaires des hypermarchés depuis quatre ou cinq ans et compte bien devenir leader sur le marché français. Je ne sais pas si vous avez goûté cette merde (il n'y a pas d'autre mot!), mais il faut le faire comme on va voir un film d'horreur.
Banalisé (notamment) par la gastro-réalité, de Philadelphia est effectivement désormais partout. Un site spécialisé consulté hier après-midi relevait, rien que dans les blogs foodistes français 945 recettes contenant cette saloperie! On se demande vraiment comment on a pu vivre sans, avant, quand on s'empoisonnait encore avec ces sales fromages artisanaux au lait cru…


Alors, pour en revenir à nos moutons, on me dit dans le fond de la salle que la gastro-réalité incite les gens à cuisiner. Ah bon? Vous me permettrez d'être un rien dubitatif. Inciter à cuisiner grâce à des modèles nés du jus des couilles de la boîtes à cons qui aiment tellement la cuisine, la gastronomie qu'à la première occasion, au premier chèque, il filent les trahir en copulant avec les tenants de la malbouffe. Si le but est de pousser les gens à cuisiner, il y a sûrement mieux à faire que ces concours de singes savants! Et on devrait le faire, ne serait-ce que pour des raisons de Santé publique.
Car au delà de la rigolade, des arrangements moraux des uns et des autres, ce n'est plus de petites bouffes entre copains dont on parle, de dressages d'assiettes pseudo-artistiques, ni même de l'égo démesuré de cuistots qui se prennent pour des artistes. On parle de la survie de de notre patrimoine gastronomique, d'une agriculture et d'un artisanat qui y sont liés, des paysages qui vont avec, d'un art de vivre, d'une culture, d'une richesse touristique, et, éventuellement d'écologie. C'est tout cela que ce genre de shows de télé-réalité contribuent à détruire. Plus que d'audimat, c'est de politique dont il est question.



Very bad Trip (Advisor).

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Vox populi, vox Dei ? C'est que l'on fait mine de croire quand on s'en va sur Trip Advisor tenter de trouver le "meilleur" restaurant de la ville ou du village que l'on va visiter. Comme si ce "vote" n'était pas sujet à caution, entre les trucages* et un échantillonnage de "jurés" pas forcément représentatif de la clientèle réelle des restaurants. J'imagine que vous connaissez un paquet de gens qui fréquentent les restaurants et qui n'ont jamais posté le moindre avis sur le site américain. Personnellement, j'en connais beaucoup, à commencer par moi. 
N'empêche que, se fondant sur la "voix du Peuple", Trip Advisor vient de publier la liste des "10 meilleurs restaurants de France"? Si, si? J'ai reçu le mail. Avec, par parenthèse, la photo d'un restaurant espagnol pour illustrer ce palmarès fantoche.


Bon, je ne vais pas vous faire poireauter des heures, ce grand classement, ce Top Ten des restaurants français, le voici, brut de décoffrage, tel qu'il est servi par Trip Advisor.

1er : Maison Lameloise, Chagny.

2e :Épicure, Paris.

3e : Restaurant Guy Savoy, Paris.

4e : Christopher Coutanceau, La Rochelle.

5e : Le Cinq, Paris.

6e : Taillevent, Paris.

7e: Le grand Véfour, Paris.

8e : Restaurant Mariette, Paris.

9e : Paul Chêne, Paris.

10e : Le Channel, Calais.

No comment, comme au dit dans le patois du pays de (Bad) Trip Advisor


Vox populi, vox Dei ? Peut-être faudrait-il, comme me l'avait enseigné un professeur de Philosophie, prendre la citation dans son intégralité, telle qu'on la trouve dans sa plus ancienne mention, celle d'une lettre du savant Alcuin à Charlemagne: "Nec audiendi qui solent dicere, Vox populi, vox Dei, quum tumultuositas vulgi semper insaniae proxima sit." Ce qui signifie: "Et ces gens qui continuent à dire que la voix du peuple est la voix de Dieu ne devraient pas être écoutés, car la nature turbulente de la foule est toujours très proche de la folie." Ce n'est peut-être pas le nombre et ses émotions, ses impulsions qui marquent la justesse, la qualité du raisonnement. Sinon, à ce tarif-là, TF1 ou M6 (cf. ma dernière chronique) vaudraient mille fois mieux qu'Érasme ou Cervantes.
Et surtout, de quoi parle-t-on ? Du choix d'un restaurant, de quelque chose qui fait appel au goût de chacun, à quelque chose de très personnel. Il faut vraiment un esprit simple pour penser que, tel des petits robots, nous allons tous nous diriger d'un même pas vers le même point, que nous avons tous envie de la même chose au même moment. Il n'est question évidemment et encore une fois que du choix d'un restaurant, mais il y a quelque chose de totalitaire là-dedans, quelque chose qui écrase, même pour une petite chose aussi simple, la possibilité de l'Individu.




Sommes-nous ces petits robots que veut faire de nous Trip Advisor ? Gardons-nous en ! Le meilleur restaurant (comme le meilleur vin ou le meilleur livre), ça n'existe pas. Le meilleur pour qui? Vous avez le même goût que votre voisin, vous? Oui, votre voisin, celui qui vous réveille à sept heures le dimanche matin en tondant sa pelouse en pantacourt. Ou l'autre, qui pendant ce temps va laver sa voiture en survêtement, le même survêtement qu'il met pour regarder les matches de foot sur son canapé taché de bière? Nous sommes tous différents, en bien ou en mal, à chacun de voir, et devons le rester notamment au moment de choisir un restaurant.
Ce raisonnement court bien sûr à l'inverse des "plans" d'une grosse machine comme Trip Advisor qui se veut le passage obligé, pire, le péage de nos réservations futures. Car le fond de son business est là, dans ce rôle d'intercesseur que l'entreprise américaine tente de mettre en place, intention confirmée il y a quelques mois par le rachat de La fourchette et de ses filiales européennes (700000 réservations par mois!). Le tout assorti à terme d'un forte éventualité de racket du restaurateur qui risque d'avoir à mettre la main à la poche pour faire artificiellement monter sa côte. Very bad Trip



* Est-il besoin de revenir sur ce monument de ridicule qu'avait été le plébiscite fait sur Trip Advisor pour un grand restaurant britannique qui n'avait jamais existé? La Presse française a largement occulté l'info, mais dans le monde anglo-saxon, elle a plutôt bien circulé.




Vive l'immigration !

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Eh oui, encore un vin américain! Directement venu du pays de Caca-Cola* et de la barrique neuve. Attendu plus d'une décennie, histoire de voir ce qu'il avait vraiment dans le ventre. Je sais, vous allez me dire que l'âge arrondit bien les angles, et que, tant qu'à sucer Pinocchio, autant le sucer un peu vieux, le bois, ça se patine…
Plaisanterie mise à part, cette syrah de l'état de Washington, millésime 2002 (douze ans donc au compteur) est tout sauf caricaturale. Infiniment moins, par exemple, que certaines production franco-françaises d'un Michel Chapoutier à la même époque (vous souvenez tous de cet ermitage parkerisé qui avait servi à déboucher les tuyauteries).  Là, aucune vulgarité, des notes empyreumatiques, un très joli fruit, de la profondeur, une belle longueur épicée, un certain dynamisme même malgré ses 14,6% by Vol. Presque un petit genre côte-rôtie d'année solaire. Peut-être un poil moins élégante que la Californienne dont je parlais il y a quelques mois, mais pas mal du tout, très séduisante, altière et gourmande à la fois**.


Ce qui est amusant, et j'étais à mille lieues de m'en douter en goûtant ce joli jus, c'est qu'il s'agit en fait d'un vin français! Enfin, d'un vin élaboré par un Français. Il s'appelle Christophe Baron et est né dans une famille de vignerons champenois, de Charly-sur-Marne très précisément. Son apprentissage l'a conduit en Bourgogne (où son amour du pinot noir lui a fait tresser des liens d'amitié avec des types de l'Oregon) puis en Australie, Nouvelle-Zélande, Roumanie puis en Oregon. Et c'est un peu par hasard qu'il est tombé, à la frontière de l'état voisin, en Walla Walla valley, sur des terres qui lui ont tapé dans l'œil en 1997.
Bionic Frog est donc une syrah de galets roulés, vinifiée en levures indigènes, élevée en barriques bourguignonnes, issue du premier domaine de la région conduit en biodynamie (depuis le millésime 2002). C'est d'ailleurs un autre Français, un vigneron de Châteauneuf-de-Pape, Philippe Armenier de l'excellent Domaine de Marcoux, qui a épaulé Christophe Baron dans cette conversion (qui lui a permis de passer pour un doux dingue). Le terroir est assez particulier, un sol de galets roulés, un "champ de cailloux", c'est d'ailleurs de la prononciation par un autochtone, par un Américain du mot français "cailloux" qu'est né le nom du domaine: Cayuse.


On l'oublie parfois, mais ils sont nombreux, ces Français de l'Étranger, à réussir dans le vin. Ces émigrés font même partie de ceux qui, tout en apportant au pays dans lequel ils se trouvent, contribuent à faire rayonner la "marque France"**. Leurs ambitions, leurs styles, leurs moyens sont évidemment très divers. Rien qu'au Chili, un des nouveaux Eldorados: quoi de commun entre l'imposante Casa Lapostolle, cet important domaine matriarcal qu'est devenu Las Niñas, et des aventures plus modestes comme celle de l'Alsacien André Ostertag au Refugio (intéressant pinot noir) et de ses associés ou encore de Louis-Antoine Luyt et Baptiste Cuvelier, disciples de Marcel Lapierre?


Les immigrés français du Monde du Vin, on ne va pas en dresser la liste ici, c'est impossible, il y en a partout! C'est un sujet de livre en soit. Certains sont vignerons ou consultants, d'autres marchands de vins, d'autre encore sommeliers, wine ambassadors ou F&B (comme notre copain Arnaud Échalier à Macao). Il ne se passe pas une journée sans que l'on en découvre ou que l'on en croise un, témoins d'une France aventureuse, conquérante, qui bataille plutôt de que de geindre.
Tiens, il y a quelques temps, j'ai reçu dans un joli colis en provenance de Nouvelle-Zélande des bouteilles de pinot noir étiqueté "nature", expédiées par Jean-Benoît Vivequain, un enfant de Picardie émigré sur l'Île du Sud. Il achève son apprentissage de vigneron à Partington Vineyards (et a même sorti depuis un "pinot noir primeur" dont je suis près à parier que le style est plus "français").


Alors, ce fameux "génie français" se manifeste-t-il à tout les coups, aux quatre coins de la planète? Franchement, je ne sais pas, il y a d'ailleurs déjà eu de fameux ratés. Ce qui est intéressant, en revanche, c'est de noter que parfois, "quelque chose" se passe; le vin du Frenchie a un petit truc en plus. Question de culture? D'apprentissage réussi? Difficile à dire.


J'ai même eu l'impression il y a quinze jours de voir un cas de symbiose. Ça ne se passait pas aux Antipodes mais tout près de la France, en Espagne, pays de vieille tradition viticole. Face à face, deux bouteilles, trente-et-un an d'écarts. Viña Real 1981 de CVNE, un joli millésime d'un domaine dont je vous ai déjà dit ici tout le bien que j'en pensais. Face à lui un autre rioja, un gamin de 2012, Ganko, le vin d'un copain, Olivier Rivière. Beaucoup de différences entre ces deux vins, mais un énorme point commun: une grâce, une harmonie, une buvabilité que, l'américanisation des esprits aidant, beaucoup de crus ont perdues en Espagne. Comme si le Français, le gabacho avait, avec ses idées fraîches, son sang neuf, régénéré l'esprit de La Rioja, lui permettant de retrouver un chemin trop oublié. De revenir aux sources. Joli exemple d'immigration positive, d'immigration choisie. À méditer.




* J'en profite pour vous livrer un de mes sujets quasi-quotidiens d'étonnement, il m'arrive fréquemment d'avoir encore plus de lecteurs aux États-Unis qu'en France. Expatriés? Francophiles? CIA pinardière? Je n'en sais trop rien.
** Seul petit défaut, le prix de ce Bionic Frog: comme souvent avec les beaux jus américains, dans les 200€ la bouteille pour ce 2002, ça fait un peu cher du voyage.
***À propos de rayonnement de la France, merci et bravo à nos deux récents Prix Nobel, Patrick Modiano et Jean Tirole. Si seulement le personnel politique hexagonal pouvait enfin se montrer digne, au niveau de tant d'honneurs…

Bordeaux: retour aux racines ?

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La publicité a ses modes, ses gimmicks, ces trucs qu'on trouve amusants la première fois, mais qui à la longue lassent. Quand ils n'horripilent pas. On a eu ainsi, très 80's, la "passion". Tout était passion, des bagnoles au pinard, mais la passion, par essence, ça ne dure qu'un temps. Plus récemment, c'était "l'expérience", un rien anglo-saxonne d'approche, qui vous transformait en cobaye le temps d'aller manger au restaurant, de boire un vin ou de monter dans une voiture
Depuis quelques années, le concept à la mode, l'image qui porte, ce sont les racines. Il y en a partout. Comme si les racines, à l'instar de la terre (Maréchal, nous voilà…) ne pouvaient pas mentir. À Barcelone, un photographe-illustrateur, Jordi Garrigosa est même spécialiste du genre, il a notamment créé des publicités pour le métro de la capitale catalane.


Les racines, partenaires officielles du greenwashing, ont également trouvé leur place dans nos assiettes. Racines en français, Raíces en espagnol, Roots en anglais, quel beau nom pour un restaurant!
 

Dans le vin, aussi, évidemment, les racines triomphent. Ce qui peut sembler logique tant la vigne, et le pouvoir qu'on lui prête d'aller grâce à elles puiser la vérité du terroir, se prête au jeu. Alors des racines, on en voit partout, et notamment sur les étiquettes.


D'où mon étonnement quand j'ai aperçu ce matin la première des nouvelles affiches publicitaires du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux: une bouteille, et… des racines! Eh oui, encore et toujours des racines.


Au delà de ce clin d'œil racinaire (mais avec les budgets du CIVB on aurait peut-être pu innover davantage…), la campagne*, créée par l'agence anglaise Isobel, reprend, en les édulcorant, en les lissant, les codes utilisés depuis une décennie par le nouveau monde du vin**, des codes moins conventionnels, plus alternatifs, créatifs, presque un poil "nature". À l'opposé en tout cas de l'univers de com' habituellement utilisé en Gironde, qui malgré quelques tentatives gentiment rock n'roll, sombrait généralement dans un BCBG plus genre que chic, tendance kermesse de Janson de Sailly.
Je préfère y voir une note d'optimisme, le symbole en tout cas d'une volonté, de la part des marketeurs du cours du XXX-Juillet, de revenir aux fondamentaux, à la terre, au vin, aux racines, à ce qui fait la richesse du vignoble bordelais. Un vignoble dont l'image, à force de bling-bling et de prestige à deux balles, est aujourd'hui infiniment moins bonne que les vins. Un vignoble dont la richesse est occultée, au lieu d'être portée, par une poignée de marques, de grands crus, qui font parfois preuve d'un talent fou pour le rendre détestable.



* Une campagne internationale qui débutera le 27 octobre dans le métro de New-York.
** Par parenthèse, quand les grandes agences commencent à s'emparer d'un style, ça signifie qu'il est temps d'en changer…


Mange ta viande, Adolf !

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Quand on écrit, parfois de façon engagée et singulièrement sur la Toile où l'interactivité est de mise, il faut s'attendre à des retours. Rien que de très normal. Susciter le débat, donner à réfléchir, éviter les autoroutes de la pensée liquide & solide constituent une des raisons d'être de ce blog. Et, franchement, je devrais plus souvent vous remercier, vous qui avez la patience de me lire, de votre régulière attention, de vos commentaires et de vos gentillesses.
Il existe cependant une catégorie de followers qui m'a fait rire un temps et dont je me passerais volontiers aujourd'hui: les animalistes. Attirés par l'odeur de la viande, certains d'entre eux sont même devenus de "fidèles lecteurs". Et j'ai vu débarquer, sur ce fil et sur les réseaux sociaux (où se publie l'essentiel des commentaires*), des flots de haine, des écrits d'une violence inouïe, quand ils ne tombent pas carrément dans le psychiatrique. Pour tout vous dire, je suis désormais obligé de censurer, de filtrer les commentaires sur ce blog, afin de ne pas véhiculer des délires qui relèvent parfois de l'incitation au meurtre.


Les animalistes, je vous en parlé à deux ou trois reprises, de leur refus de la notion d'humanité, quand la Presse s'est fait l'écho, avec un zeste de complaisance, de leur exploits. Principalement au sujet du foie gras**. Leurs larmes de crocodile, waltdisneysques, viennent d'ailleurs d'être officiellement récompensées par la Cour Suprême des États-Unis d'Amérique qui a confirmé le bien-fondé juridique de l'interdiction du foie gras en Californie.
Auparavant, avant qu'ils ne me tombent dessus comme la vérole sur le bas-clergé, j'avais une image plutôt paisible des défenseurs des animaux, végétariens et autre vegans. J'ai même déjà partagé un moment de ma vie avec une adepte de ce mouvement, qui ne sortait ni banderole, ni Калашников*** quand je faisais griller mon entrecôte!
Pour le reste, je ne dis pas qu'il n'y avait pas eu un jour un ou deux frottements à la sortie d'une corrida. Ou cette histoire de procès qu'on m'avait intenté (et que j'avais gagné) pour un article sur mon amour des petits oiseaux. Mais globalement, rien à redire.


Les Torquemadas de l'anti-viande que j'ai découverts au travers des conséquences de ce blog m'ont en revanche ouvert les yeux sur un milieu assez hallucinant, un univers de forcenés d'une agressivité folle, comme nourris de détestation, de rancœurs et de frustrations. J'ai rarement vu, à part des des nationalistes ou des intégristes, des interlocuteurs d'un tel fanatisme! Tout le contraire de l'image du végétarien un peu bab', plus porté sur la fumette que sur la baston.
Il semblerait que cette agressivité, cet aveuglement soient comme une signature des activistes de l'animalisme. Ou peut-être (humour), l'effet sur leur caractère d'une carence alimentaire… En France, je suis tombé un jour sur un type de la boîte à cons, un certain Aymeric Caron, auteur d'un de ces nombreux ouvrages manichéistes où l'on ne voit aucune troisième voie entre le hamburger industriel américain et le végétarisme: qu'il parle de viande ou de politique, on a envie de lui demander de se calmer, de se poser, ne serait-ce que pour ne pas nuire à ses idéaux. Mais ce Caron n'est rien à côté d'un autre allumé du cigare, bien plus célèbre, dont on se demande en le lisant s'il ne relève pas du cas clinique.


Steven Patrick Morrissey, l'ancien chanteur des Smiths****,  est un des hérauts de l'animalisme mondial. Il faut dire que ses déclarations pleines de nuances ne peuvent que séduire les forcenés dont je reçois la prose! C'est ainsi qu'il affirme le 5 janvier dernier à un journal israélien: "Je ne vois aucune différence entre manger des animaux et la pédophilie*****. Ces deux actes renvoient au viol, à la violence, au meurtre." Pour rester dans le ton, et pour prouver sa délicatesse et sa connaissance de l'Histoire de la nation du média qui l'interroge, Morrissey ajoute qu'à ses yeux, empêcher les animaux d'être tués dans des abattoirs revient à "soutenir les victimes d'Auschwitz".


L'actualité aidant, il est évidemment tentant, afin de rester dans le même registre des comparaisons (plus que) douteuses, de tomber dans le simplisme infantile des ayatollahs du végétarisme, et de se vautrer dans leurs sales procédés et leurs odieux amalgames. Pourquoi pas? Tenez, regardez, c'est facile et ça ravira les amateurs de "Loi de Godwin".
Savez-vous qu'il existe un jeu très prisé dans les magazines people qui consiste à afficher des portraits de stars et assimilés ayant arrêté (ou affirmant avoir arrêté) de consommer de la viande? Ça fait hyper hype, surtout au pays de McDonald, Caca-Cola, Monsanto& Cie. Alors, je pense qu'il faudrait conseiller à Morrissey (dont certaines déclarations sur le racisme sont équivoques) de demander qu'on ajoute à cette galerie de portraits celui d'une "star" dont ils sont généralement moins fiers Adolf. Adolf Hitler. On savait qu'Adolf avait arrêté la peinture (une chance pour l'art, moins pour l'Humanité), peu qu'il avait aussi très tôt (en 1911 estiment certains historiens) mis un terme à sa consommation de viande.


Le végétarisme d'Hitler, maintes fois démenti par les tenants de la cause animale, a une nouvelle fois été confirmé dans un documentaire diffusé il y a quelques jours par la télévision allemande. Par une femme qui malheureusement a pu à l'époque le vérifier de très près: Margot Woelk était durant la guerre, contre son gré, une des goûteuses du dictateur, lequel craignait d'être empoisonné par les Anglais. Et, elle le répète, il ne mangeait pas de viande. Pas plus d'ailleurs qu'il ne buvait d'alcool.
Cette révélation ne prouve rien, évidemment, évidemment des vices et des vertus du régime végétarien. Hitler à mon avis n'avait pas besoin de se priver de viande et de rester abstème pour avoir un grain! Mais bon, au cas où, ce grand dépressif de Morrissey devrait peut-être arrêter les cachets qui font mal à la tête (si, si, lisez The Independent du jour!), boire un coup et de manger une belle entrecôte. On ne sait jamais, ça peut marcher…


Et, plus que des comparaisons douteuses, puisque Morrissey se pique de littérature, je voudrais lui offrir ainsi qu'à tous les forcenés qui polluent ma boîte mail, un joli texte inspiré par un boucher, plein de désir, ce bel extrait, sensuel, du Boucher, d'Alina Reyes.
"La chair du bœuf devant moi était bien la même que celle du ruminant dans son pré, sauf que le sang l'avait quittée, le fleuve qui porte et transporte si vite la vie, dont il ne restait que quelques gouttes comme des perles sur du papier blanc. Et le boucher qui me parlait de sexe toute la journée était fait de la même chair, mais chaude, et tout à tour molle et dure ; le boucher avait ses bons et ses bas morceaux, exigeants, avides de brûler leur vie, de se transformer en viande. Et de même étaient mes chairs, moi qui sentait le feu prendre entre mes jambes aux paroles du boucher. "



* Je n'ai pas d'amour particulier pour Facebook ou Twitter*, ce sont de simples outils, mais l'interactivité avec ces réseaux fait aujourd'hui partie, de façon incontournable me semble-t-il, de la vie d'un blog ou de tout autre publication numérique.
** Comme je l'avais souligné à l'époque, ils n'avaient d'ailleurs pas forcément tort en s'indignant du fait que des cuisiniers renommés, multi-étoilés, se fournissent chez des industriels du gavage. Sur ce point, celui de la condamnation de la viande de batterie, je suis parfaitement d'accord avec leur point de vue. Et pas que pour des raisons sentimentales…
*** AK-47, Kalachnikov, quoi…
**** Groupe de rock alternatif du début des années 80.
***** La comparaison avec la pédophilie, par parenthèse, ça me rappelle notre ami Patrick Élineau, le chef de file des prohibitionnistes subventionnés français. Vous vous souvenez de sa somptueuse sortie? Non, c'est ici.



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