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Je pense au Bas-Médoc, je pense à Courrian…

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Comme je l'avais malheureusement subodoré dans la nuit de dimanche à lundi, en racontant les malheurs de Didier Michaud à Château Planquette, une partie du Bas-Médoc a connu un véritable désastre. La grêle qui s'est abattue du côté de Blaignan, Prignac, Ordonnac et Saint-Yzans a fait des dégâts considérables. À l'heure des comptes, on parle de plus de mille hectares dévastés. Les vignes sont d'autant plus abîmées que nous étions en pleine période de la fleur.
J'ai conservé une vieille tendresse pour le nord de la presqu'île, pour ses brumes, pour ses prairies mouillées, ses esteys riches de pibales et d'anguilles, ses ports dont les lavaneaux des bateaux de bois me faisaient penser aux ailes imaginaires du Hollandais volant. Une douce mélancolie, parfois balayée par la colère de l'Océan ou les sautes d'humeur de la Rivière.


Et quand je pense au Bas-Médoc, je pense immédiatement à Philippe Courrian. À Philippe, à mon copain Philippe qui, à l'heure qu'il est, file sur l'autoroute des Deux-Mers pour rejoindre sa terre natale, meurtrie par la Nature. Philippe (avec le pauvre Jean Boivert des Ormes-Sorbet) fait partie de ces types qui, dans les années 80, ont réveillé le Médoc, au delà de leur propre appellation. Gascons inspirés, paysans éclairés, ils ont changé leur Monde.
Aujourd'hui, alors que Philippe Courrian, le Bordelais anticonformiste, donne de l'esprit, de la grâce aux Corbières, ce sont ses enfants, Véronique et Fabien, qui, dans les traces du père, font vivre le Château Tour-Haut-Caussan, un de ces crus qui donnent envie de boire des vins de Gironde. Au téléphone, sans ciller, Véronique m'a confirmé que la récolte 2014 était détruite "à 100%". "On attend deux-trois jours pour être sûr, mais bon…"
Je ne veux pas penser au visage de Philippe quand tout à l'heure, en arrivant, il découvrira les vignes qui grimpent vers son cher vieux moulin, symbole de liberté et d'indépendance.


Parce que je ne suis pas sur place, parce que je ne sais pas quoi faire à part vous demander de mettre à sec tout ce qu'il reste du stock de Château Tour-Haut-Caussan (sûrement un des meilleurs rapports qualité/prix de la presqu'île), je me contente de vous ressortir ce vieux texte écrit il y a six ou sept ans sur "l'oasis en Corbières" qu'a inventée Philippe Courrian. Il y est question d'une certaine "conscience du vin", d'un certain rapport à la Nature, d'une certaine lecture de la vie. De son Cascadais aussi, un corbières* sur lequel vous feriez bien de vous précipiter. Et, je ne vous dis pas seulement parce que c'est mon pote et que je suis triste pour lui…


L'oasis en Corbières

Il faut quitter le monde préfabriqué des pavillons, des conventions, des angles droits. Alors, à l'entrée de sa vallée, juste après un radier africain où viennent se mêler deux rivières cyclothymiques, c'est un petit panneau, lettres rouges sur fond blanc, qui donne le ton : « campagne habitée ». Les deux mots sont importants. « Campagne » : parce que c'est comme ça qu'on dit, tout simplement, avec cette élégante pudeur occitane qui se méfie des ors, des « châteaux » ronflants, des Domaines-Pleins-De-Majuscules ; « campagne », c'est tellement vrai, tellement la vie de l'homme auquel nous rendons visite. « Habitée », aussi : le paradis terrestre, ça marche mieux avec un jardinier, pas un planteur de pétunias ! Un qui écoute, qui regarde avant d'agir.
Philippe Courrian vit ici, loin, si loin du confort intellectuel. Nous sommes à l'épicentre des Corbières, dans les Corbières, quelque part entre Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse et Talairan. À l'intérieur, là où la Méditerranée est encore bien présente, mais sait parfois se faire oublier, se maquiller d'une touche périgordine, provençale, tendance Buoux ou Sivergues.


Vigneron en Médoc « depuis dix générations », bûcheron aussi dans sa jeunesse quand la vigne ne nourrissait pas son homme et qu'en Gironde, le pin faisait riche, Philippe Courrian a acheté cette vallée, à l'opposé de ce qu'on croyait qu'il était, en 1991. Huit hectares de vignes délaissées, un moulin fatigué noyé dans un luxuriant roncier, et au milieu coulait une rivière… N'importe qui aurait rebroussé chemin ; lui, tout content, a couru chez le notaire de Caunes-Minervois. « Bien moins cher qu'une maison à Soulac, ou au Bassin… ». Mais avec un peu de travail supplémentaire…
Ainsi, avec ce qu'il faut de patience, naquit ce jardin anglais où tout est à sa place, sans ostentation. « Si je n'ai rien gâté, c'est juste parce que je n'avais pas assez d'argent » explique-t-il presque en s'excusant. Car, si vous cherchez de l’espante, de la déco, passez votre chemin ! Ici, on ne fait pas trop dans la midinette attardée. Vous êtes dans la thébaïde d’un sage, une sorte de moine-herboriste qui se réchauffe l’hiver en écoutant du grégorien. Demandez-lui après ça de faire « du vin avec une plume dans le cul » ! Il a toujours consciencieusement fuit la mode : dès les années 90, il s’interrogeait sur les excès de l’élevage en barrique (non sans avoir fait préalablement ses propres expériences) et, à l’orée de la décennie suivante, il n’a pas attendu que d’autres se fassent des trous dans l’estomac pour dénoncer les snobismes en vogue, à Paris et ailleurs. De toute façon, il se méfie comme de la peste des bouteilles trop impressionnantes pour être honnêtes. « Il faut boire avec son ventre, dit-il… » 


On songe évidemment à Delteil qui comme épitaphe ne rêvait que d’un mot : « innocent ». J’ajouterai, en bande son, sur le radio-cassette de sa cuisine, Gérard Manset, « il voyage en solitaire ». Et Don Quixote qui toujours lui indique le Nord.
Mais le moine n'est pas un ascète, simplement, on sert chez lui de « la cuisine de palace en espadrilles », des repas de rois que l'on prend sur une toile cirée. J'ai entre autres le souvenir d'un concours de lapins avec le grand Jean-Marie Amat. Ou l'inévitable et succulente recette des anchois minute (avec apéro et sieste intégrée) du maître de maison. Des produits justes, millimétriquement choisis au marché de Lézignan et copieusement arrosés de vin sans étiquette (du Cascadais, of course), parce que, comme disent les copains, « au moins là, on sait ce qu'on boit… »



* Et du Vin de Pays qui va avec, La Roque dansante, que les ivrognes de passage dans la vallée heureuse boivent dans l'été qui suit la mise sans penser aux autres…

-:-:-:-:-

Addenda:
Ce soir, j'ai eu Philippe Courrian au téléphone. Il venait d'arriver en Médoc, il découvrait les vignes familiales, dévastées, près de son cher moulin, à Blaignan. La grêle a tout détruit, il n'y aura pas de Château Tour-Haut-Caussan en 2014.
Les indemnisations? Les réunions à la Préfecture? Au bout du fil, je sentais la colère poindre quand il me racontait les "parasites" qui, après une autre catastrophe suivie d'une demi récolte il y a quelques années, lui avaient généreusement envoyé un chèque d'indemnisation de 59€.
"Tu sais, c'est dur, je n'ai jamais, jamais vu ça. Plus une feuille". Pourtant, il veut y croire, ce que je comprends chez ce mécréant qui aime les églises et le chant grégorien. Il veut y croire mais je me souviens de sa voix tremblant d'émotion alors que lui, vigneron historique de son appellation, se posait la question de savoir si ses enfants allaient pouvoir "continuer".
Amis qui parfois confondez la lecture du petit livre rouge et le choix d'une bouteille de rouge, soyez gentils, ne me parlez pas de "Bordeaux bashing" pendant quelque temps…




Tant qu'à se payer un parapluie…

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L'image a fait le tour des réseaux sociaux. Comme une provocation, ou l'expression d'un profond mépris, quelques semaines seulement après un scrutin qui a montré l'océan qui se creusait entre les électeurs et le personnel politique sensé les servir. Quelques semaines après tant de remords murmurés, de vœux de contrition, de promesses déjà oubliées. Si ce n'est déjà fait, lisez dans Mediapartle texte d'Edgar Morin sur les somnambules qui nous gouvernent.
Le cliché, j'y reviens pour ceux qui ne l'ont pas vu: c'est une photo de Sipa, ça se passait à Paris, au lendemain des cérémonies commémoratives du Débarquement; côte à côte, la Reine d'Angleterre, 88 ans, portant elle-même son parapluie, comme une grande, de l'autre, Son Altesse Fonctionnairissime la nouvelle maire de Paris qui, elle, avait "besoin" d'un agent municipal, d'un "loufiat", pour tenir le dais protégeant son auguste brushing. À la fois ridicule, grossier et honteux. Suffisamment en tout cas pour que dans le Tiers-État contemporain des envies de Carmagnole se fassent jour.


Cette image stupide et répugnante m'est tombée sous les yeux alors que j'entendais le désespoir de vignerons, de paysans du Bas-Médoc auxquels la grêle a tout pris. Ils sont nombreux vers Blaignan, Ordonnac, Prignac et Saint-Yzans (regardez l'image de France 3 ci-dessus) dont les raisins à venir ont été intégralement détruits. Sachant qu'en 2013, ils étaient à demi-récolte et qu'en 2015 (parce que la grêle, la plante la paye à crédit…), ils seront au mieux à demi-récolte, ils n'auront en tout et pour tout, en trois ans, fait qu'une seule vraie vendange. Sans indemnisation bien sûr (pendant que courent les charges). Et même, pour les rares à avoir les moyens de s'assurer, que vaut le chèque de la compagnie d'assurance face aux marchés et aux clients perdus?
Franchement, de nos jours, en France, pays mondialement connu pour ses professionnels de la grève et du défilé, qui pourraient supporter ça à part des agriculteurs?


Si l'image de ce coûteux parapluie m'a choqué à ce moment précis, et si je la mets en parallèle avec le drame de nos amis médoquins, c'est parce que justement, plutôt, que de gaspiller pour des "parasites" comme me disait hier soir l'un deux, plutôt que de financer un nouvel Ancien-Régime (tous bords confondus) dont les fastes sont aussi obscènes que ceux d'avant 1789, nous pourrions leur offrir un vrai et grand parapluie, un parapluie contre la grêle.
Ce parapluie n'est pas une chimère. Il s'agit d'un réseau, d'un maillage du territoire, initié depuis Toulouse par un groupe de scientifiques et d'agriculteurs qui ont fondé l'ANELFA, l'Association Nationale d'Études et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques. Sans entrer dans les détails techniques, il s'agit grâce à une solution d'iodure d'argent dans l'acétone de "dissoudre" les grêlons en formation dans les nuages. L'ANELFA dispose d'antennes dans de très nombreux départements français (dont la Gironde), lesquelles gèrent des postes de lutte, reliés par un système d'alertes automatiques. 
Est-ce que cela réduit à zéro le risque de grêle sur les cultures (et le reste du territoire)? Non. Mais le taux de réussite est aujourd'hui imp
ressionnant, jusqu'à 99%. Une aubaine pour les paysans, bien sûr, mais pour tous ceux, particuliers, industriels, commerçants, collectivités, qui ont a souffrir des dégâts des intempéries.



Le problème est que certaines antennes départementales, en Gironde notamment, n'auraient pas les moyens de mener à bien leur mission. Ce lièvre (un rien nauséabond), c'est Vitisphère qui l'a levé hier soir, affirmant que plusieurs postes de l'ADELFA 33 n'auraient pas, faute de budget, été livrés en iodure d'argent. Information qui m'a été partiellement confirmée aujourd'hui par plusieurs interlocuteurs, m'apprenant au passage que de sombres bisbilles, mi personnelles, mi-politiques avaient conduit à cette lamentable situation. Et comme le confirme cet après-midi le journal Sud-Ouest, une réunion a été convoquée d'urgence afin de régler tout cela au plus vite.
Car enfin, de quoi parle-ton? Le budget de prévention que réclame l'ADELFA33 pour la prévention de la grêle en Gironde s'élève à 275 000 euros. Est-il utile de faire une comparaisons avec les millions d'euros de dégâts des orages du week-end de Pentecôte dans ce département?


Certains, notamment dans le milieu mondainvineux et bien pensant, vont le jeter à la figure que les vignerons girondins sont riches et qu'ils n'ont qu'à payer la facture. Je leur demanderai de gratter un peu le vernis pour se rendre compte que Bordeaux, ce n'est pas qu'une histoire de fils-à-papa qui dilapident, chacun à leur manière, financièrement ou culturellement, un patrimoine bâti de sueur et d'intelligence. Le vignoble bordelais, ce sont des milliers de paysans qui n'ont rien à voir avec quelques têtes d'affiche de Saint-&-Millions et d'ailleurs dont l'image clinquante dessert plus leurs intérêts qu'autre chose. La lutte contre la grêle, même efficace qu'en partie, est une des clés de la survie de leurs exploitations, des emplois et de l'activité économique qui en découlent.
Bref, pour ça et tellement d'autres choses, ça vaut le coup de demander quelques sacrifices aux "aristocrates", aux "princes", au "monarques-énarques" qui nous gouvernent et à leur cour pléthorique, ça vaut le coup de taper dans le somptuaire pour rendre l'argent utile. Car, comme l'écrit aujourd'hui dans El País Roberto Bissio, le fondateur de Social Watch, l'ONG qui recense les promesses gouvernementales non-tenues, "si l'on ne perçoit pas les bénéfices de la Démocratie, alors apparait le populisme".
Alors, tant qu'à se payer un parapluie…




Le restaurant de poisson barcelonais?

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Parmi les très nombreuses demandes d'adresses barcelonaises que je reçois quotidiennement*, il y en a une, récurrente, surtout à l'approche de l'été, c'est celle du restaurant de poisson. Où manger des produits de la mer dans la capitale catalane?
Parce que sur le papier, ça paraît simple. Si l'on se balade dans les "bons" marchés, de la marée, il y a ce qu'il faut: belle matière première, variété et parfois même à des tarifs intéressants. Dans les assiettes, en revanche, c'est un peu différent. La célèbre gamba roja arrive généralement congelée de Thaïlande, le thon (de semi-liberté) tache les doigts et sent l'urée, tandis que le turbot, omniprésent, est nourri aux farines dans des piscines industrielles de l'ouest espagnol, au même endroit que le loup-portion. Et, par charité chrétienne, je ne vous raconterai pas les calamars "a la plantxa" bouillis qu'on nous a servis lundi soir dans un bistrot chic: répugnants, dignes de la mangeoire d'une aire de repos d'autoroute française!


Alors, il y a les classiques. Le Botafumeiro (du nom de l'encensoir de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle), long couloir à l'ancienne du quartier de Gràcia, classique mais toujours efficace. Le Suquet de l'Almirall, sur le paseo bondé qui longe la Barceloneta, accueil enjoué, ça reste une bouée de sauvetage au milieu des pièges à touristes. Rías de Galicia, les associés de Ferran Adrià entre autres à Tickets, mais eux n'empoisonnent pas leurs poissons à la chimie… Plus populaire (en apparence), El Quim de la Boqueria, dans le marché éponyme; grande qualité, attention toutefois à l'addition, on peut vite vous prendre pour un Américain si vous taquinez le goujon!
Ce dernier détail (qui n'en est pas un), demeure une des caractéristiques de ce genre de restaurants: quelques gargotes adorées* mises à part, le poisson, ça coûte bonbon. Moins effectivement à Barcelone qu'à Paris, mais plus qu'à Séville ou Valence!


L'endroit dont je veux vous parler aujourd'hui (soyons clairs, mon chouchou), a longtemps été à l'écart des cheminements touristiques, et des guides qui vont avec***. Pourtant, le lieu a une histoire, et pas n'importe laquelle si l'on se réfère au thème de cet article. Els Pescadors, comme son nom l'indique, était il y a plus d'un siècle le point de rencontre des patrons-pêcheurs barcelonais avec les ouvriers désireux de monter à bord, une sorte de bourse du travail informelle, où les hommes vendaient leurs bras. La taverne de la mer, quoi, La Taverna del Mar, pour reprendre le titre de Lluís Llach. Une taverne installée sur une place bizarre, mêlant les origines et les classes sociales ornée par trois arbres (des herbes géantes disent certains botanistes) dont personne ne connait le nom: trois ombús, plantes bizarres, immortelles, indéracinables, de la pampa argentine, gigantesques arbres gauchos, symboles du melting pot de la Plaza Prim.


À l'époque, c'est-à-dire très longtemps avant que les Jeux Olympiques et les fonds européens ne "forcent" Barcelone à se mirer dans la mer, Els Pescadors avait les pieds dans l'eau. C'était la plage, l'extrémité maritime du quartier populaire de Poblenou, "Manchester barcelonais" du XIXe siècle. Alors, dans les bouillonnantes années 70, tandis que le futur Juan Carlos s'apprêtait à "trahir" le Caudillo, tandis que les notables catalans (la photo est aimablement coupée), plus royalistes que le Roi, continuait d'acclamer le mourant, la taverna del mar est devenue un bistrot, accueillant, comme me l'expliqua un jour son propriétaire, toute l'énergie, toute l'envie de changement des jeunes des environs. Puis dans les années 80, le bistrot s'est transformé en restaurant, en restaurant de poisson évidemment, fidèle à sa tradition maritime.


Els Pescadors est un lieu épatant. J'ose le mot, un lieu romantique. En cette saison, après avoir impérativement réservé, amenez-y votre aimé(e) vers vingt-et-une heures trente, quand L'Eixample est encore collant de la touffeur estivale et des fumées de pots d'échappement. Au téléphone, vous aurez demandé une table en terrasse, plutôt du côté de la taberna antigua (sur la gauche); laissez le comedor moderno aux amateurs de design années 90.


Venons au fait. Que mange-t-on, ici, dans ce restaurant sans attachée de Presse? D'abord, puisque c'est l'été ou presque, on se rafraîchit: à cet égard, mon gaspacho vert, marqué par le concombre sans en devenir écœurant, dopé par une superbe huile d'olive de Tarragone, joue parfaitement son rôle. On picore aussi. Des anchois de Cantabrie, de remarquables croquettes aux aubergines, des légumes grillés à la braise de chêne vert…


Le service est impeccable (d'un tel niveau, c'est rare à Barcelone!), classique, sans dressages ridicules; on vous présente le produit au plat, à la poêle et on découpe devant vous, notamment quand vous commandez à plusieurs un gros poisson. L'autre soir, pour les filles, c'était un magnifique besugo, une "daurade rose" comme on l'appelle improprement, cuit sur un lit de pomme de terres fondantes.
Moi, aux Pescadors, mon plat de référence, c'est le suquet, une des spécialités de la maison. Pour les touristes, il s'agit d'une espèce de bouillabaisse catalane, rustique, franche, identitaire, basée sur la vive ou les poissons de roche. J'en ai essayé un dérivé, à la morue: pas mal du tout. En revanche, ne me demandez pas la photo, un bon suquet, ça ne ressemble à rien!


Que boire avec tout cela? La carte des vins est longue, assez illisible avec son mélange d'appellations, de cépages (une chatte n'y retrouverait pas ses petits!) et un peu "vieillotte": je sais que je suis difficile mais j'aimerais y retrouver, quitte à s'éloigner un peu de la Catalogne, des blancs plus incisifs, moins "technos", des vins de Jerez ou de Montilla aussi, capable de se frotter aux belles saveurs de la mer.
Pour le coup, j'ai glissé sur un rouge frais, El Templari 2011 de Bàrbara Forés, sûrement le meilleur vin de Terra Alta, un vieille connaissance que j'évoquais ici dans un millésime antérieur.


Si l'on excepte la carte des vins, aussi bien pour le charme du lieu, pour la qualité du service que pour ce qu'on y mange, Els Pescadors demeure mon restaurant de poisson barcelonais. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à le penser, certains señoritos des hauts quartiers n'hésitent pas à sortir la Mercedes du garage pour descendre à Poblenou pour emmener leur bourgeoise manger un loup, un besugo, un mérou ou une daurade. Parce que oui, la terrasse de la place aux trois ombúsvaut vraiment le détour!





* À toutes fins utiles, je vous redonne le lien du mini-guide des restaurants de Barceloneétabli à cette intention, il recense, avec les liens correspondants, la plupart des bonnes adresses dont j'ai parlé dans Idées liquides & solides.
** Dois-je vous rappeler l'adresse, même si on n'y sert pas que du poisson, du meilleur restaurant de Barcelone, pourvoyeur de délicieux calamars? Tenez, c'est ici.
*** Par parenthèse, quand je lis ces guides ou ces "reportages", je me demande souvent si leurs auteurs ont déjà mis les pieds à Barcelone…


PS: détail important, Els pescadors est ouvert tous les jours de la semaine, y compris le dimanche; à Barcelone, c'est aussi rare que précieux!


Monastrell gagnant.

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Casillas, le gardien de but espagnol, à genoux sur la pelouse du stade Octávio Mangabeira de Salvador de Bahia. L'image (signée de mon pote "L'Énarque" pour AP) a fait depuis hier soir le tour du Monde de la Presse populaire. Et sûr qu'au Café du Commerce, ce matin, on doit se délecter autour des premiers blancs limés de l'humiliation subie par le goal et les footballeurs espagnols en Coupe du Monde. En France notamment où l'on aime bien voir les champions battus.
Loin des jeux du cirque et de la misère brésilienne, c'est pourtant de victoire espagnole dont je veux vous parler, mais dans un domaine que je maîtrise un peu mieux que le football, le vin. Pour vous montrer une bouteille qui, à mon sens, symbolise un match que nous risquons de perdre souvent contre l'Espagne.


Le vin en question s'appelle Castaño. Il provient de la bodegaéponyme, énorme winery familiale qui possède près de quatre cent cinquante hectares dans la région de Yecla, au sud-est de la péninsule, dans les montagnes arglilo-calcaires qui bordent la région de Murcie; voila effectivement un des secrets de ce vin, il s'agit de vignes d'altitude, cultivées sur de hauts plateaux, entre 400 et 800 mètres au dessus du niveau de la mer. L'autre secret, que la législation espagnole autorise à divulguer sur l'étiquette faciale, c'est que ce vin, mono-cépage, est est élaboré à partir de monastrell. Le monastrell, la monastrell en fait en castillan, n'est autre, vous le savez, que la version ibérique de notre très noble mourvèdre.
Noble? Vous allez vous dire qu'une fois de plus, songeant à de coûteux bandols, je vous parle d'un vin de milliardaire, que personne ne peut s'offrir. Que nenni! Chez le caviste du coin, ici, à Barcelone, ce mourvèdre murcien se négocie 5,20€ Iva incl! Mieux, je l'ai trouvé à 8,24€ à Dortmund, en Allemagne, et à $12.99 à Orlando, en Floride!


Moins de 10€ le mourvèdre bio, qui dit mieux*? Car non content d'être fort agréable à boire grâce à la fraîcheur du mourvèdre grâce à laquelle ses 14° passent comme une lettre à la Poste, non content d'être distribué worldwide, cette monastrell est écolo, certifiée, avec une étiquette bien verte pour ceux qui ne l'auraient pas compris.
Dans une Espagne où la conscience écologique n'en est, soyons honnêtes, qu'à ses balbutiements, il est intéressant de noter que ces bodegas, très à l'écoute du marché international, n'ont pas tergiversé quant à leur conversion bio. Loin des palabres kolkhoziennes, des conservatismes qui, en France, ont trop souvent eu raison de cette bascule pourtant primordiale, les familles néo-latifundistes qui les possèdent ont rapidement tranché (et pas spécifiquement pour des raisons humanitaires): leRound-Up et les saloperies du genre, ça fait tache, c'est has-been!
Ajoutez à cela un bon packaging, sans dorures et anglaises dictées par le commercial à chaussures pointues du supermarché du coin, un marketing solide, une politique commerciale aussi souriante qu'agressive, la volonté (avec les moyens afférents) de développer un œnotourisme de qualité célébrant la méditerranéité du raisin et de l'olive, et vous avez quelques unes des clés de la réussite de ce Castaño ecologico. Un vin grand public, bon marché, propre, bien torché et bien présenté, agréable à boire (j'aimerais bien le placer dans certaines dégustations à l'aveugle…), symbole, alors que la France, fonctionnarisée, dont la croissance patine est encore bloquée en gare avec des grèves de train d'un autre âge, d'une Espagne qui se bat, avec ses armes, contre la "fatalité".



* Attention, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, dans un pays où le salaire minimum "culmine"à 750€ par mois, cela rend les choses "plus simples"…


Vi de vila (vin de village).

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Ce n'est pas une route, c'est une couleuvre. Une longue couleuvre qui durant six ou sept kilomètres serpente entre les éboulis de schiste noir, de llicorella, les carignans sculpturaux et les amandiers taillés. Au sommet de la grande côte, un quart d'heure après avoir dit merde à la vulgarité côtière, cinq minutes après avoir avalé votre (excellente) tortilla matinale au Semafor de Riudecols, vous avez quitté la voie rapide qui file vers Falset pour tourner à droite. Direction Porrera.
Est-ce à cause de ces quelques kilomètres si longs, si beaux que j'éprouve toujours une émotion particulière en arrivant dans ce village? Sûrement. Ce paysage tourmenté, ces parcelles qui puent le travail bien fait, qui sentent la pioche et la sueur, qui racontent une forme d'amour taiseux n'y sont pas pour rien. Tout comme ces modestes cabanots soigneusement passés à la chaux, ces vergers du milieu de nulle part où, par la grâce du sécateur, on vénère l'arbre, quelle que soit son essence, par gratitude, parce qu'on se souvient que son fruit, son huile réchauffèrent le très long hiver qu'a connu le Priorat.


Et puis il y a ce type dans sa Méhari orange. La première fois que je l'ai vu, je crois que j'avais neuf ans. Je ne comprenais pas tout ce qu'il disait, ça sonnait comme le patois du pays de papa, mais je savais qu'il parlait de rébellion, de liberté et d'espoir. Lluís Llach, héros catalan, "revenu"à Porrera; aujourd'hui vigneron abstème, pour moi souvenir d'une époque que les politiciens de sa région font mine d'ignorer.
Je vais vous raconter un truc, il y a plus de dix ans alors que je devais faire des images de commande, en Priorat, j'avais photographié des amandiers pétrifiés par l'hiver du côté de La Villela Alta, sur un ciel défoncé par le froid, et je ne pensais qu'à cette chanson magnifique, éternelle, Com un arbre nu, à cette partie d'un tout que nous sommes. Cette image argentique (dont vous voyez un détail ci-dessous) a voyagé, elle a même failli faire l'étiquette d'un des premiers jus voulus sans violent déchaînement de bois, sans que cette terre puissante ne se dilue dans le chêne, mais elle effrayait, ces amandiers disaient trop la puissante noirceur du terroir, de mièvres cerisiers en fleurs les ont remplacés. L'arbre nu est visiblement un mystère exigeant, qui, en tout cas, peut aisément échapper au tout-venant.


Lluís Llach, je me dis qu'il n'est pas pour rien dans l'ambiance qui règne à Porrera. J'y ai encore passé une merveilleuse journée samedi. De jolis haricots verts, un kilo de tomates mûres, des cerises au marché de la plaça de Catalunya; le détour obligatoire par les voûtes turquoise du petit restaurant charmant qui jouxte le chai de Vall Llach. Vous vous souvenez, La Cooperativa, je vous en avais parlé ici, le bistrot sympa et bien torché qui manque à tant de villages viticoles, l'endroit simple tenu par des gens de goût, par des gens cultivés, où on cuisine maison et où rigole avec les Chinois de la table de derrière.


Tiens, tant que j'y pense, j'y ai bu à La Cooperativa deux grands verres d'un de ces superbes vins de culture catalans, deux verres d'un magnifique rancio* du Priorat de 30 ans. Arrels, une espèce d'OVNI produit dans un autre village, à Gratallops, dans une maison magnifique, immense, "dans son jus", que j'avais eu la chance de visiter de fond en comble il y a deux ou trois ans. Eh oui, vous vous rendez compte, à Porrera, ils sont même capable de servir des vins qui ne viennent pas de chez eux, des vins des villages voisins, et même de pays étrangers! Ça me change des Corbières…


Oui, j'ai la faiblesse de penser que Lluís Llach n'est pas pour rien dans ce que l'on ressent à Porrera, dans cette ouverture d'esprit qui se manifeste à chaque instant. Certes, j'avais le meilleur guide du Monde pour arpenter les ruelles pentues du village, Clio Perrin, qui a travaillé deux mois dans la cave du chanteur, et qui aime d'amour ce coin du Priorat. Avec elle, nous sommes allés saluer la patronne du Cafè Antic (où les mots de Lluís ornent le mur qui sert d'horizon aux joueurs de manille), avons parlé du travail dans les vignes, partagé les derniers potins, caressé les vénérables portes de ces maisons à étages, si hautes, si nobles. Saviez-vous que certains villages du coin, comme La Villela Baixa ont été à une époque surnommés "Nueva York"à cause de la hauteur de leurs édifices?


Bon, je ne vais pas le répéter cent fois, il est rare, notamment en Catalogne, de recevoir cet accueil, simple et franc, direct, de voir ces gens si différents qui se parlent, se mélangent; l'ouvrier agricole sénégalais** rigoler avec la mamie appuyée sur sa canne, le gars du village auquel j'offre une coupe de cava disparaître et revenir cinq minutes plus tard avec une bouteille de rouge et un bidon de cinq litres de l'huile de son olivette… Nous étions si bien sur cette plaça de Catalunya, dans cette cité vivante***, alors qu'un souffle de vent du Nord venait nous rafraîchir de la moiteur barcelonaise, trois heures en terrasse, à trinquer comme au temps d'avant la télé, avec du carignan a granel, du vermut clair, aux amers bien marqués de Falset et de la bière, bitter elle aussi, L'An Jub, montée de L'Èbre si proche. Nous avons presque du nous enfuir…


Vous allez dire, chers lecteurs, que ça y est, je suis tombé sous le charme. Que mon "objectivité subjective" en a pris un coup. Alors, même si les rosiers des potagers de Porrera sont inoubliables, les fleurs, ça suffit! Car, vous le savez, vous qui me suivez, je ne suis pas très fan (euphémisme…) des vins du Priorat.
Et, malheureusement, ça n'a pas changé, à une ou deux exceptions près****, j'ai toujours autant de mal à ingurgiter les jus "à l'Américaine", détruits par le bois, brûlants d'alcool et de volatile, qu'inspirèrent ici les dégustateurs yankees, et notamment le croquignolesque duo Campo-Miller, les Laurel et Hardy de la critique pinardière auxquels j'avais fait quelques misères. Quant à leurs concurrents modernes qui jouent sur la verdeur pour inspirer aux dégustateurs débutants une certaine "fraîcheur" et un "vrai travail du sol"…
Sans parler du culte local qu'on loue aux "cuves à roulettes"; j'ai rarement vu sur une si petite surface autant de déplacement de jus, à un tel point qu'il devient un peu compliqué de savoir qui fait quoi, de quelle origine réelle provient tel ou tel vin. Pour plaisanter, par dérision, il y a quelques années, alors que les "professionnels" me riaient au nez quand je suggérais d'inventer des cuvées plus actuelles, moins "pipe à Pinocchio",  plus buvables, j'avais songé à baptiser un vin Camions del Priorat (clin d'œil à Camins (chemins) del Priorat, une étiquette célèbre de l'appellation), en hommage aux bons vieux camion-citernes qui crapahutent sur les routes tortueuses du Priorat


Pourtant, oui, je me suis régalé, vraiment régalé à goûter un des derniers jus produit ici, à Porrera. Sur la la belle colline "tendance Côte-Rôtie" qui ferme le village au nord-ouest. Celui qui va sortir ça n'est pas exactement un petit nouveau, il s'appelle Saluz Álvarez. Auparavant, justement, il élaborait les vins de Vall LLach; la vie a fait qu'il vole désormais de ses propres ailes et vinifie, dans un bout de cave que lui a prêté un copain, le fruit de ses propres vignes.
Nous avons dégusté trois jus de ce domaine qui s'appellera Dibuix, "dessin" en catalan. Le premier, le plus générique est une pure gourmandise, un carignan augmenté d'un peu de grenache noir, qu'on a envie d'embouteiller au plus vite, tel quel, pour profiter de son fruit éclatant: j'en veux! Le second jus qui rassemble des raisins de plusieurs parcelles du village est plus sérieux, mais encore un peu fermé; à revoir. Le troisième, en revanche, issu d'une seule et même parcelle de vieux carignan, même s'il en conserve pas mal sous le pied, se présente comme une puissante dentelle; pour rire, et surtout à cause de ses frais arômes de griotte, je l'ai comparé à un chambertin! À l'aveugle, je me demande bien d'ailleurs qui irait chercher là la rusticité présumée des tanins du carignan. Celui de Dibuix est aérien et ferait pleurer de bonheur le troubadour de ce cépage, mon camarade Michel Smith, Mister Carignan Story.


Ces trois vins, vous l'avez compris, sont en cours d'élevage dans ce minuscule bout de cave, au sommet de Porrera. Il faut maintenant les finir, et aussi les protéger de la terrible chaleur estivale. Saluz, qui m'a touché avec ses doutes et ses questions, avec cette étonnante humilité pour un type qui a sévèrement bourlingué dans sa vie, en a l'air conscient. S'il conduit ces jus à leur terme, sans trop les toucher, je serai un de ses premiers clients (d'autant que les tarifs devraient être "humains").
Car, au delà de leur qualité intrinsèque, j'aime profondément ce qu'ils symbolisent, le fait que l'on comprennent enfin en Priorat tout l'intérêt de la traçabilité (mot vilain mais efficace). Qu'enfin l'on rapproche le vin de sa vigne (en l'éloignant si possible du bois et de la poudre de perlimpinpin œnologique), bref, que l'on applique vraiment cette réglementation édictée fin 2009 par le Conseil régulateur de la DOq, une hiérarchisation qui intègre la notion française d'appellation communale avec l'apparition du Vi de Vila*****, du vin d'un village.
Et si, en plus, ce village est Porrera, le village de Lluís Llach, ça me réjouit!





* J'ai sous le coude un chronique sur une des plus intéressantes dégustations de l'année, une vingtaine de grands rancios des Pyrénées-Orientales, de Catalogne française. Bientôt, quand je serai revenu de croisière…
** Le Sénégal, c'est d'ailleurs une des histoires d'amour de  Lluís Llach qui a monté une fondation, là-bas, à Palmarin, un projet éducatif expliqué ici.
*** Je ne vais pas revenir sur mon papier de l'autre jour à propos du super bistrot de Roquebrun, et surtout de tous les villages français qui crèvent, mais quand même, rendez-vous compte: à Porrera, commune de 430 habitants perdue au fin fond du Priorat, on trouve deux restaurants, deux cafés, une boutique de vin, deux alimentations, un bureau de tabac, une boucherie, et une pharmacie! Et dix-huit bodegas en plus de la coopérative! À méditer, surtout pour nous, ressortissants du pays des pousse-caddies…
**** Vous vous souvenez de ce fameux Pim Pam Poum? À ce propos, il faut suivre les aventures, entre Priorat et Galice, de Fredi "Fresquito" Torres (qui nous a aussi régalé de son Flow de l'Emporda), il y aura du nouveau dans les mois à venir.
****** C'est assez drôle, car j'avais entendu il y a quelques années une professionnelle barcelonaise me parler avec un profond mépris des vinos de pueblo. Dans sa voix, on lisait la saleté, le côté paysan, bref le contraire de l'idée qu'elle se faisait du "progrès" vinicole.


Mano a mano gascon.

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Pour les jeunes comme moi, en juillet, il faut trouver des jobs d'été. Normes et contraintes administrativo-syndicales aidant, voila, en France, un sport de plus en plus difficile à pratiquer. Et, puis, pour avoir expérimenté une rafale d'emplois saisonniers, je finis par avoir des exigences. Ramasser les melons de Cucuron (ou plutôt en trimbaler les cageots), pousser des disques, vendre des journaux, faire le camelot ou le broc', j'ai déjà donné!
Mais il y a un job d'été dont je conserve un souvenir ému, c'était pompiste. Pompiste dans mon village de baptême, en Luberon, à Lourmarin*, chez le pauvre Dédé Baumas avec lequel, dans la chaude poussière de son garage et les effluves de super, en rigolant un peu des Parisiens (pardon…), nous tenions des statistiques précises sur les caractéristiques techniques des estivantes motorisées. Bashung assurait en voisin la bande-son. C'était hier ou presque, il y a trente-cinq ans.
Fort de cette expérience à laquelle je repense avec tendresse, j'ai décidé de passer le mois de juillet (et d'y embarquer ma femme et mes amis) non pas dans une station-service comme celle de Dédé, mais sur une aire de repos d'autoroute. Et pas n'importe laquelle! Sûrement une des plus belles de France, comme c'est écrit sur la pancarte de l'entrée.


Retrouver cette "aire d'autoroute", c'est, pour moi, pour nous, une joie immense. D'autant plus grande qu'elle est totalement imprévue. Cette chance inespérée, je la dois, nous la devons à un échec retentissant* sur lequel, dès que nous aurons récupéré nos billes (ce qui n'a pas l'air simple vue la mesquinerie de nos ex-"amis"), nous pourrons définitivement tourner la page. Et, bien sûr, comme le chantait si bien ce cher Claude, pour tourner la page, il faut "changer de paysage". Cap sur un de mes pays de cœur et de sang: la Gascogne.
Je vais passer trois semaines, cet été, dans la cuisine d'un des chefs que je respecte le plus. Oh, désolé, pas un de ceux auprès desquels les midinettes (mâles ou femelles) de la fourchette font des selfies, rosissant(e)s, le sourire hésitant entre satisfait et benêt. Pas non plus un de ces produits marketing hipstérisés (tatouages en avant, barbe taillée millimétriquement, tout brushing dehors, négligé chic) qui posent dans Libé ou dans les fanzines de la foodisterie sponsorisés par Nestlé, Monsanto, Métro& Cie. Et encore moins un de ces théoriciens de la déstructuration, de l'enculage de mouche, un de ces politiciens de la casserole opportunément greenwashés, drapés dans un terroir imaginaire, "paysans de la ville", non, juste un cuisinier.


L'affaire de "l'aire d'autoroute", ça s'est fait en quelques mots, sans emphase, presque comme une boutade. Il y a un mois, Valérie, son épouse au, téléphone, apprenant nos déconvenues: "tu n'as qu'à venir faire le commis de Serge…" Serge, c'est Serge François. Je vous ai déjà parlé de son restaurant non répertorié dans les guides à la mode, L'Horloge, à Auvillar, merveilleux village de brique rose aux confins du Tarn-et-Garonne, du Gers et du Lot-et-Garonne, à cinq minutes de l'A 62 (sortie n°8 Valence d'Agen). Dans cette restauration qui se régale de vendre son âme au Diable de la malbouffe, Valérie et Serge sont des atypiques, des extrémistes, des jusqu'au-boutistes". À leur façon, avec l'accent du Sud-Ouest, ils me font penser à ce cher Fred Ménager, le paysan-cuisinier de La Ferme de La Ruchotte: la matière première est leur religion. Serge continue à acheter chez les cultivateurs du coin, à faire vivre les pêcheurs d'alose*** et de lamproie, à vénérer sa bouchère de Dax. "Aubergiste-militant" proclame-t-il sur la carte de visite qu'il fera sûrement imprimer dès que les démons de la com' auront raison de sa modestie naturelle (mais quasi-maladive).
Valérie, elle, parle aux oiseaux et aux herbes. Grande prêtresse du bio, elle nous engueule quand nous nous risquons (rarement!) sur les rives de la gastronomie chimique. Son dernier grand projet, c'est un poulailler de village, projet dans lequel elle a entraîné ses amis d'Auvillar.


Ce village d'Auvillar, perché sur un balcon de Garonne, je l'ai découvert il y a quatorze ans, à l'occasion d'un long article de L'Esprit du Sud-Ouest pour lequel j'avais descendu le fleuve de sa source jusqu'à l'Océan. Connaissez-vous d'ailleurs un des mystères de la source de la Garonne, ce gouffre où ses eaux encore parfumées de montagne se déversent juste après avoir jailli de terre? Ce lieu des Pyrénées espagnoles, découvert par le spéléologue Norbert Casteret, on l'appelle le Trou du Toro.
Un toro justement sera au menu de ce mois de juillet, de ce Mano a mano gascon qui se déroulera sous les platanes de la terrasse. Car, Serge a décidé une nouvelle fois de faire revivre la tradition locale: du 6 au 26 juillet inclus, à L'Horloge, on va donc manger un toro entier, un toro brave. Pas n'importe lequel, celui qui est photographié tout en haut de la page. Castañuelo, enfant plein de caste de la ganadería Cebada Gago, est mort à Pentecôte, avec les honneurs. Il vient d'être élu par les aficionadosmeilleur toro de l'édition 2014 de la Feria gersoise de Vic-Fézensac.
Je sais, certains vont me dire, la corrida… Vous n'aimez pas? C'est votre choix, je le respecte. Moi, en tout cas, je ne laisse pas une carcasse de plus d'une demi-tonne sur le bord de l'assiette. Surtout quand il s'agit d'un bestiau de race, descendant d'auroch, élevé pendant cinq ans, comme un prince, dans un de ces décors dont l'Andalousie a le secret. Et puis, il y a son nom, Castañuelo qui m'évoque un modeste pueblo de la sierra de Aracena, frontalière de l'Estrémadure et du Portugal, vers Jabugo, là où dans la dehesa, les cerdos ibéricos mangent des des glands.
Serge a commencé à cuisiner le toroà Auch, chez Daguin****, où il fut longtemps le bras droit du fratriarche de la cuisine gasconne. Cette viande distinguée, qui aura mûri de cinq à sept semaines, il en connaît tous les secrets, toutes les recettes, crues, braisées, grillées; modeste commis, j'essayerai de lui donner la main pour les ressusciter, les adapter aussi à un autre trésor apporté par les bonnes fées qui se sont penchées sur le berceau de ce Mano a mano gascon: la truffe.


De la truffe? En plein été? Oui, oui, de la pure Tuber melanosporum, pas un succédané habilement noyé sous l'huile "de truffe" synthétique. Et fraîche qui plus est! Un miracle? Oui, d'une certaine façon, la chance de connaître un des plus grands diamantaires du Monde, Jean-Luc Clamens, la maison Gaillard, à Caussade, spécialisée dans la truffe haute-couture. Il importe en Europe des truffes des antipodes, elles arrivent directement d'Australie, où nous sommes bien sûr en hiver, en pleine saison. Je sais, ce n'est pas trop Kilomètre Zéro comme idée, un peu exotique*****, mais la truffe, ça ne se transporte pas à la tonne! Et puis, l'idée de cet incroyable mano a mano, la perspective de vous offrir réunies, au delà du calendrier, ces deux saveurs magiques, toro& truffe, marquées dans nos gènes, nous a enchantés.


Évidemment, avec tout ça (et plein d'autres merveilles sorties du garde-manger de Serge et des campagnes environnantes), il va bien falloir boire un coup. Nous devrions normalement récupérer les super bouteilles des vins de nos copains (toujours élégamment séquestrées par d'anciens "amis"**), quoiqu'il en soit, rassurez-vous, on ne manquera de rien, on boira propre, sain, pur. Et comme on évitera soigneusement l'abus de modération, pas question de se mettre dans le cornet des vins aromatisés au glyphosate ou autres délices chimiques! Non pas un, mais deux sommeliers y veilleront: Jérôme Riols, bien sûr, le sommelier résident (ça fait un peu Dj d'Ibiza!) de L'Horloge, et, pour la première fois en France, Isabelle Brunet from Barcelona (entre autres…). À propos d'Espagne, on s'attend notamment à un autre mano a mano, sur la carte des vins, entre l'élève et le maître, entre les resplendissants riojas et autres arlanzas d'Olivier Rivière et les séveux côtes-du-marmandais d'Élian Da Ros. Et puis plein d'autres choses, des surprises, dans la catégorie "vin qui à quelque chose à dire", de quoi se mettre à la hauteur de la cuisine de culture, de générosité, de vérité préservée, maintenue par Serge François.
Je ne vous en dis pas plus pour l'instant, sachez que plusieurs soirées tapas sont prévues, dont une le 12 juillet ainsi que des repas de gala les 24 et 26. Si ça vous tente, appelez L'Horloge au 05 63 39 91 61. 



* Où il me tarde d'aller m'enfiler une ou deux bouteilles de côtes-du-rhône 2011 "cuvée spéciale" de mon pote Michel Tardieu, une petite bombe de finesse.
** Certains d'entre vous le savaient, avec ma compagne, Isabelle Brunet, ainsi que notre amie Fanny Asco, nous devions ouvrir, le 21 juin dans une petite coopérative des Corbières, un restaurant devenu à la suite d'une rafale de péripéties, de paroles en l'air, d'une bonne dose de renoncements et de ce qu'il faut de manque d'envie et de noblesse, une guinguette saisonnière. À force d'être tiré vers le bas, d'être dilué, ce projet, sans doute surdimensionné, trop ambitieux par rapport à l'endroit où nous devions le faire, a donc fini par capoter. Nous en sommes, encore une fois, désolé pour tout ceux qui avaient réservé ou manifesté leur intention de venir au trou-du-cul-du-Monde faire la fête avec nous.
Après notre refus unanime de continuer dans cette galère, les propositions, les offres ont fusé (merci à tous de votre amitié et de votre soutien!), mais soyons clairs, nous n'avions pas le temps de monter pour cet été un projet cohérent, un projet avec du sens, des valeurs, comme celui que nous avions inventé. Pas question non plus de nous résoudre à faire du bas-de-gamme à la va-vite; des restaurants qui servent du Métro, du Brake& Cie, il y en a suffisamment comme ça, pas besoin d'en ajouter un à la liste.
*** Il s'est même fait un jour coincer pour "trafic d'alose", traiter comme un malfaisant, alors que ces aloses, arrivées à l'Océan, finissent souvent dans les filets des pêcheries industrielles qui en font de la pâtée pour chats!
**** Nous avons d'ailleurs récemment appris avec fierté qu'André Daguin viendrait manger notre cuisine en juillet, accompagnée de sa fille Arianne qui se bat comme une diablesse pour défendre la cause du foie gras aux États-Unis.
***** Dans le même ordre d'idée, nous utiliserons un poivre indien d'une grande finesse, rapporté directement du Kerala, l'occasion de faire un clin d'œil à la belle association Inde Deux Trois qui contribue à scolariser des enfants de cette région du sous-continent. À vot' bon cœur m'sieurs-dames!





La croisière s'amuse !

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La vie n'est pas un long fleuve tranquille. Plutôt un torrent pyrénéen, avec ses sautes d'humeur. Ou quelque chose qui s'apparenterait à la haute mer, qui n'est pas toujours d'huile, qui tabasse parfois, qui réserve au marin son lot d'imprévus, malheureux ou joyeux.
Là, au début du mois de juin, je me préparais à aller amarrer sur Garonne (qui n'est pas non plus un long fleuve tranquille*), au port d'Auvillar où, sous les platanes, pour arroser le toro brave et la truffe noire, le vin des copains coulera à flots cet été. Et, chemin faisant, c'est un vieux frère qui me glisse entre deux verres de syrah du Minervois: "j'ai acheté un bateau en Hollande, viens avec moi le convoyer". Je regarde l'agenda, c'est un peu compliqué, mais, à L'Horloge, je sais que le Chef est prêt, je sais aussi qu'un peu d'air ne peut pas me faire de mal.
De ce voyage dans la lenteur, de cette parenthèse, je vous ramène une "soirée diapos", à l'ancienne, pour rafraîchir votre début d'été. Cap au Nord!

La première étape (il faut bien en passer par là!) mélange le fer et la route. Chargés comme des Marocains de retour au bled, il nous faut "monter" en Haute-Marne, rejoindre l'intermédiaire, celui qui traite avec les Bataves. Juste avant de passer le Rhône, on récupère un marinier à la retraite, Garri, un gamin de Douai, Ch'ti pur jus. Rendez-vous à Chamouilley, un petit bled au bord du canal latéral à la Marne, près de Saint-Dizier, dans une ancienne usine qui aurait séduit Beineix. Le bistrot a l'accent traînant, ambiance Picon-bière; dans la salle-à-manger attenante, on se régalera d'un délicieux pinot noir venu en voisin de Toul, un 2012 (meilleur encore que le 2011 de la photo) tellement pinotant qu'on en achètera quelques bouteilles pour garnir la cave du bateau. Cuisine quelconque mais très beau plateau de fromages du plateau de Langres.


Lever à l'aube. En cette année du centenaire du début de la grande Boucherie, on remonte la Voie sacrée, le cœur serré en pensant à ces paysans qui partirent au charnier, sans espoir de retour. Souilly (le QG de Pétain), Verdun, les reliques des tranchées, les cimetières, croix noires, croix blanches, héros malgré eux, pauvres types, morts ou vivants, leur vie sera broyée. Il faut que je relise La Comédie de Charleroi, ce roman de Drieu qui en racontant la Première explique (presque…) les choix de certains durant la Seconde.


Sans qu'on s'en rende compte, la Belgique arrive, en remontant la Meuse. Un peu fade au début. Heureusement, les Ardennes, avec leurs vallées profondes viennent mettre du relief à tout ça. Comme on s'est levé tôt, l'envie de frites commence à se faire sentir vers dix heures, trop tôt! Mais au passage, je découvre à Aywaille, au bord de l'Amblève et de l'A26, un aimable crémier, à l'enseigne de La Cave du Fromager; on se régalera notamment de la production locale, typée, de Herve et d'ailleurs. Bravo les Belges!
Évidemment, du côté de Liège, pour arroser ça (de vin ou de bière), je me serais bien arrêté à Saint-Georges-sur-Meuse pour saluer la reine des suffragettes pinardières, Sandrine Goeyvaerts, caviste et blogueuse consacrée. Las, le reste de l'équipage est intraitable, cap sur Maastricht. La Pinardothek, ce sera pour une autre croisière, les Pays-Bas nous attendent.


Cap au nord, écrivais-je. De fait, c'est dans les zones septentrionales de la Hollande que nous attend le bateau. Aux confins de la Frise, à Elburg, coquette petite cité balnéaire visiblement prisée par la bourgeoisie d'Amsterdam. Tout y est propre, parfait, les maisons pimpantes, fleuries, charmantes sans ostentation, les supermarchés sont camouflés (prenons-en de la graine en France, nous les spécialistes des verrues d'entrée de ville!), on y sent comme un petit air scandinave. La mode est à la laine, épaisse, aux chandails…


Ça, c'est pour le tourisme. L'aspect nautique est un peu moins étincelant: à notre arrivée, le bateau trône au milieu d'un vaste parking, sur cales. Peinture pas finie, révisions moteur et électricité en cours, rafistolages à la va-vite… On nous avait prévenu, en matière de commerce (surtout nautique), le Hollandais est coquin, malicieux.
Impossible donc d'envisager la mise à l'eau avant le lendemain midi. Au mieux. Je ne sais pas si vous avez déjà dormi dans un bateau posé en équilibre sur des bouts de bois à cinq mètres du sol mais c'est une expérience intéressante, surtout par vent du Nord…
Donc, on nous prête des vélos (dont un vénérable Cortina Tranport, celui des coursiers d'Amsterdam), histoire d'aller manger un stew et boire quelques bières au port.


Comme il se doit, les travaux traînent en longueur. Ça me laisse le temps d'enfourcher le Cortina et de filer du chantier naval au village pour ravitailler. Pas question de partir les cales vides! Poissons fumés, saucisses, beurre, pain, patates, bière… on se la joue locale.
Et puis, on fouine dans les immenses hangars d'Elburg Yachting. Des milliers de mètres carré! Plus de choix encore qu'au Salon de la Plaisance, dans tous les styles, du remorqueur XIXe au voilier de rêve en passant par une vieille coque en bois qui sent encore le Bosphore.

Et, enfin, dans l''après-midi, alors que les dernières emplettes (cartes, gaffes, gilets…) sont terminées, le Sylla, c'est le nouveau nom du bateau officiellement frappé sur sa coque), va goûter à l'eau saumâtre du chenal. Opération de force et de précision, trente tonnes sur la balance.
Car, oui, c'est un gros bateau. Et à moteur qui plus est, deux Volvo de quatre-cents chevaux. Moi, ça me fait un peu bizarre, parce que le frérot je l'ai toujours plus connu à la voile qu'à la vapeur, amoureux fou des "rois des mers". Et voila qu'il ressort sa veste de quart pour me parler de gazole et de canal!
L'explication, pourtant est simple: Sylla sera sa nouvelle maison**. Les murs, les toits, les portails, il n'en veut plus pour le moment, du bâti, il veut prendre le large, respirer un peu. Non pas qu'il ait le mal de terre; la terre, elle va continuer à lui coller aux godasses, mais celle, pure, de ses vignes du Minervois. Le reste, les commérages, les vilénies, les jalousies de village, les délires cyniques du petit Peppone local (un des révolutionnaires aussi mondains qu'approximatifs auxquels on doit le nouveau sac de Béziers…), il les laisse sur la rive. Il largue les amarres.
Sa nouvelle maison, qu'il est allé trouver en Hollande, là où l'on navigue comme on respire, là où l'on naît une barre à la main, nous allons donc la ramener à bon port.

                                                                                             (à suivre…)


* Garonne ma fait immanquablement penser à deux chansons. D'abord celle de Jehan, Gare à la Garonne, écoutez-la ici. Puis, celle du pauvre Claude, C'est une Garonne, dans son enregistrement au bord du fleuve.
** Celle de sa fiancée en fait qui a cassé sa tirelire.

Du morgon de Lapierre? Allez au supermarché…

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Marcel Lapierre va-t-il se retourner dans sa tombe? Peut-être. Car, ce n'est pas une rumeur mais une certitude*, les vins de ses héritiers, symbole d'une certaine viticulture alternative, vont trôner cet automne dans une des "foires aux vins" organisées par la "grande distribution". En l'occurrence, celle de la chaîne bas-de-gamme Franprix, propriété du groupe Casino, et qui distribue notamment les produits Leader Price. Le morgon 2012 (vraisemblablement dans sa version sulfitée) y sera vendu au prix de 16,90€ aux côtés, entre autres, du côtes-de-brouilly de Dubœuf.


Compte-tenu de mon parti-pris anti pousse-caddie, je vais soigneusement éviter de donner mon avis (de toute façon si ce n'est pas du piratage il s'agit de leur libre choix), mais est-ce industriellementétonnant? Non, pas vraiment, quand on voit la stratégie de développement de cette entreprise qui a désormais laissé tomber le format "artisanal". Sans reprendre à mon compte la comparaison assassine Lapierre/Tariquet d'un caviste naturiste citée dans un ancien billet, je ne peux que constater que les volumes vendus aujourd'hui par la SARL MARCEL LAPIERRE (Siret : 439 055 187 00017) vont désormais bien au-delà du petit domaine d'antan. Sur seize hectares de vignes revendiqués en propriété, Mathieu Lapierre affirme produire cent mille bouteilles dont la moitié part à l'export (vingt-sept mille aux seuls USA). Sa distribution aurait également tendance à se rationaliser (comme l'on par exemple vécu récemment en Espagne certains clients historiques).
La seule chose étonnante dans cette affaire, c'est à mon sens le grand écart qui consiste à toujours se réclamer de l'héritage libertaire de personnages comme Siné et d'assumer ce virage (qui je le pense n'a rien d'un accident). Nadia Comăneci n'a qu'à bien se tenir… 




*L'information a été relayée par un blogueur naturiste parisien, et vérifiée depuis.



La France triste.

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Vous êtes dans l'Hexagone? Encore au bureau? Alors, dépêchez-vous, trouvez vite une bouteille de vin, ou à défaut de la bière, du cidre ou du poiré. Et buvez! Buvez jusqu'à plus soif, enivrez-vous! Profitez! Jouissez! Parce que c'est la dernière fois: "pour votre bien", la République des instituteurs, la République des fonctionnaires va vous l'interdire, dès demain. Les pots, les vins d'honneur, tout ça, c'est fini! Terminé. Le Décret no 2014-754* du 1er juillet 2014 modifiant l’article R. 4228-20 du code du travail est paru au Journal Officiel et il entrera en vigueur vendredi 4 juillet 2014. Plus question désormais, sauf dérogation (et énorme prise de risque de l'employeur), de consommer la moindre goutte d'alcool festif sur votre lieu de travail. À défaut de résoudre le problème du chômage, le Ministère du Travail a décidé qu'il était urgent de "protéger la santé et la sécurité des travailleurs, et (de) prévenir tout risque d'accident".
Grande, belle victoire pour les hygiénistes! Triomphe absolu de la France qui légifère, qui réglemente, la France qui interdit, la France qui moralise, la France qui impose, la France qui fait la gueule, la France grise qui ne se grise plus… La France des inquiets, moyenne, tiède, "protégée" de tout et de tous, barricadée, surveillée, infantilisée, fade comme la Suède d'une certaine époque mais sans le pognon, la France des vieux, la France gosse de vieux, la France qui s'emmerde, la France qui avale des pilules, qui regarde la télé…
La France triste.



* Le sens du texte, son esprit est assez évident: la possibilité de consommer du vin sera exceptionnelle. Car, en fait, au delà d'une tolérance de façade, les employeurs n'ont guère le choix, en cas de pépin, c'est pour leur pomme, le législateur, bon prince, leur ayant donné préalablement les moyens d'éviter le dit pépin (en interdisant).
Verbatim: "Dans un contexte où, d’une part, l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée et les consommations ponctuelles importantes ainsi que les ivresses déclarées en augmentation parmi les actifs, et où, d’autre part, la responsabilité civile et pénale des employeurs est particulièrement engagée, le présent décret vise à donner aux employeurs les moyens d’assumer l’obligation de sécurité de résultat qui leur incombe en matière de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs".

Le temps qu'il fait, le temps qui passe.

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Je sais bien que c'est un truc de vieux, on parle du temps (la météo), pour ne pas parler du temps qui passe. Mais comment faire autrement que de parler de ces nouvelles dévastations du vignoble par la grêle? Cette année (et nous ne sommes que le 7 juillet!), ça commence à faire beaucoup!
Car, même si je ne sais pas encore si le vin de 2014 aura, comme celui de 2013 (humour…), de façon inéluctable le "goût de grêle"évoqué par une journaliste parisienne, je sais déjà que pour beaucoup de copains, le millésime aura un goût amer. Il y a eu le Médoc et Cognac, puis le désespoir des Bourguignons de Volnay et de Meursault (une nouvelle fois, je vous embrasse, Alix et Jean-Marc). Hier, c'est le Languedoc qui a morflé, principalement le département de l'Aude, avec un "couloir" qui s'est étendu de la Malepère au Minervois, allant même frôler Saint-Chinian dans l'Hérault. Au total, sur 70000 hectares de vignobles, 15000 ont été touchés et 600 000 hectolitres de récolte seraient perdus. Bref, comme le souligne la Chambre d'Agriculture, il s'agit d'une catastrophe économique, la plus lourde pour ce département depuis les inondations de 1999.


En Malepère, ça a cogné dur vers Arzens où le jeune Frédéric Palacios a vu la récolte du Mas de mon Père détruite. Dans le Minervois, certains villages, comme Tourouzelle, La Redorte, Puichéric, les dégâts sont colossaux, jusqu'à 100% de vignes détruites. J'ai ainsi de mauvaises nouvelles en provenance du Viala, le splendide domaine de Régis Cogranne dont je vous avais parlé ici. En revanche, mes chers coteaux de La Livinière, et la partie carignanesque des balcons de l'Aude, vers le célèbre Clos de l'Azerolle de l'ami Raymond Julien à Badens ont été épargnés.
La grêle a touché jusqu'à la frange septentrionale des Corbières, au nord de Lézignan. À Montbrun, Alexandre They a lui aussi été dévasté, au propre comme au figuré. Comme il le dit, alors que ses vins, parmi les plus gourmands de l'appellation, commencent à être célébrés un peu partout, "je vais passé un été morose". On pense à toi, Alexandre, je me souviens notamment des bons canons que j'avais embarqué chez toi à Vinisud! À très bientôt, mon pote, c'est encore un secret, mais début août, notre chapiteau ambulant, à peine revenu de Gascogne, sera tout près de chez toi, à Félines-Minervois, chez le Sorcier; de sa part, je t'invite à boire un coup avec nous et, surtout, à venir y faire connaître tes beaux corbières!


Mais quitte à passer pour un radoteur, je le répète, interrogeons-nous un peu sur notre façon de vivre, de consommer et surtout de voyager. Que ce nouvel épisode orageux comme on dit dans le poste, et les énormes dégâts qui en résultent nous incite à réfléchir sur les conséquences de nos abus de confort.
Même si concernant la grêle, il faut continuer d'étudier la réelle efficacité des méthodes de lutte, continuer de progresser dans la protection des cultures, pour ce qui est de l'indiscutable réchauffement climatique, nous n'avons pas fait grand chose. Et ce n'est pas que l'affaire des gouvernements! On me traite d'intransigeant, de "Khmer vert", quand (c'est anecdotique certes mais tellement significatif d'un certain je-m'en-foutisme) je me moque des champions du vin "plus propre que propre" qui font des courses de bagnole et se régalent de polluer, ou quand je peste vers les défenseurs de la bouffe chimique, mais il serait temps d'agir réellement et d'arrêter de détruire à tout-va. Il serait temps de se rendre compte que ça dépend de chacun de nous, que ce n'est pas que la faute du voisin, que nous sommes coupables.
Sur ces bonnes paroles, dont j'espère qu'elles ne resteront pas lettre morte, je vous offre en lot de consolation l'image d'un de ces petits bonheurs que le Ciel parfois injuste nous offre quand il mouille la Terre. C'était ce matin à Auvillar, voyons ça comme un message d'espoir. Un rappel à la Nature aussi.




À L'Horloge, se remettre les pendules à l'heure…

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"Les pognes, c'est pas fait que pour tenir des stylos!" C'était une des phrases favorites du sergent-chef Boufill; vous voyez, je me souviens même de son nom. J'avais dix-neuf ans, je prenais quelques "vacances d'hiver" sur une base aérienne lorraine, chez les chevaliers du ciel, le temps de la prépa ÉOR, et ce vieux de la vieille s'en donnait à cœur joie avec la bleusaille d'intellos qu'on mettait entre ses pattes velues. De nos jours, on trouverait ça vilain, brutal, malséant que de bousculer ainsi nos chères petites têtes blondes. Je vois même d'ici la joie des avocats, des association, des psychologues et l'enclenchement des procédures judiciaires pour harcèlement, maltraitance, violences morales, etc, etc…
N'empêche que, tout cocoye* qu'il était, il n'avait complètement tort, le sergent-chef Boufill. Parler, écrire, c'est bien joli, mais comme vous le savez déjà, dans le cadre entre autres de notre Mano a mano gascon, je me suis rangé cet été du côté des hommes d'action! Oh, rassurez-vous, pas pour occuper mes mains et mon esprit avec des armes à feu, juste  avec des couteaux, des spatules et des casseroles. J'ai donc rempilé, je me suis engagé, la fleur au fusil, dans la valeureuse, légendaire, courageuse armée des cuistots "à l'ancienne".


Me voilà donc jusqu'au 26 juillet "commis de cuisine", grilladin surtout, à L'Horloge, à Auvillar, au confins du Tarn-et-Garonne, du Gers et du Lot-et-Garonne.  Pourquoi à cet endroit? Parce que j'y vis, j'y partage la vie de ce que j'appelle un "restaurant normal" (et qui malheureusement ne l'est plus vraiment), la vie d'un restaurant où l'on ne sert pas du prêt-à-malbouffer fabriqué dans une usine. Où chaque produit qui me passe par les mains à une histoire, où je mets un visage sur celui qui l'a cultivé, élevé, pêché, élaboré.


Bon, au niveau des fournisseurs, je vous passe le garçon-boucher de Condom passé la veille avec, sur le paletot, la noble carcasse de notre cher Castañuelo, le splendide toro andalou de la ganadería Cebada Gago, sacrifié (et salué) durant Pentecôte à Vic-Fézensac et qui nous fera le mois, en sashimi, en tartare, en carpaccio, en soupe glacée, en confit, en grillade, en daube… Cinq cent deux kilos sur la balance, le type, regardez sa petite omoplate ci-dessous, on peut voir venir!


Mais, juste pour l'exemple, admirez le défilé de la matinée sur la terrasse de L'Horloge. D'abord, on a eu un éleveur de Cazes-Mondenard, Monsieur Sicard, avec vingt canettes soigneusement rangées dans une grosse glacière bleue (trop) bien connue dans la restauration moderne (vous voyez bien que je suis médisant, c'est utile finalement Métro!). Vingt canettes qu'il nous a fallu ensuite mettre en pièce détachées; "mais tu ne me lève pas les filets, hein? On va les cuire sur le coffre, pour conserver le fondant, ce sera bien avec la crème de girolles. Au fait, tu l'as goûtée, la crème de Caussade?"


Juste après les canettes, c'est au tout de Monsieur Alibert dit "La Sarcelle" de toquer à la porte. Un peu déçu, Monsieur Alibert, de ne pas avoir trouvé de cèpes ce matin. "Attendez un ou deux jours!" Du coup, il nous offre une caisse de ses première figues, on les fera rôtir. Et on attendra jeudi pour les cèpes (on ira quand mêmeavant faire un tour au bois, avec un voisin gendarme spécialiste de ce genre d'enquêtes)


Et puis, histoire de se "remettre l'église au centre du village**", passe un des vendeurs d'ail du coin. L'ail, l'accent du Sud-Ouest, la "truffe du pauvre", en attendant d'aller chercher dans l'après-midi les vrais diamants noirs qui viennent d'arriver à Caussade. Tiens, d'ailleurs, je dois y aller, il faut que je file. Je vous raconterai la suite de mon stage d'été bientôt. Pour me faire pardonner, en attendant les menus, je vous offre la carte des entrées, des plats et des desserts des semaines à venir. N'oubliez pas aussi qu'on se voit à Auvillar samedi prochain, le 12, pour la première soirée tapas toro+truffe. Adiessatz!



* Il s'agissait de l'aimable surnom donné aux hommes des Commandos de l'Air, chargés entre autre de la surveillance des bases.
** Expression déposée par l'ami Milou, le sommelier belge et fou, animateur de l'âge d'or de L'envers du Décor à Saint-Émilien, qui rejoindra la dream-team de L'Horloge pour une ou deux soirées cet été.


Truffe, kilomètre 14487.

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Ici, à Auvillar, aux confins de la Guyenne, du Quercy et de la Gascogne, et d'autant plus en été, on vénère la "truffe du pauvre". Parce qu'on est évidemment en zone de production. Beaumont-de-Lomagne, à une trentaine de kilomètres, terroir de truffe blanche. Et Cadours, un peu plus loin, là, la couleur, c'est violet. Puis bien sûr (et pas que par chauvinisme!), mon chouchou, la truffe rose, quand on file vers le Tarn voisin.
Hier, le papy de Beaumont-de-Lomagne, c'est donc en toute logique qu'il nous porté des manouilles blanches, joufflues, parfumées, qui appelaient la volaille grasse, le tourin jauni aussi…


Car, vous l'avez compris, cette "truffe du pauvre" qui donne tout son accent à la tendre, à la maternelle cuisine du Sud-Ouest, c'est l'ail. L'ail, dans toutes ses couleurs, aromate, aliment, tonique, médicament. L'ail qui donne de l'esprit au foie gras, qui fait chanter le croustet dans le cul du poulet, l'ail qui revigore, qui embaume et qui, finalement, ne fait de tort qu'aux individus et aux vins chétifs.
Pourtant, malgré notre amour immodéré pour la "truffe du pauvre", c'en est une autre, incroyable, mystérieuse, addictive, que nous sommes allés quérir à l'autre bout du Tarn-et-Garonne. D'Auvillar, il nous a fallu franchir Garonne par le vieux pont de Saint-Nicolas-de-La-Grave, puis filer par Moissac, Lafrançaise et Molières, sur les routes ombragées du Bas-Quercy…


Le terme de ce long voyage tranquille au pays du radicalisme-cassoulet, c'est Caussade, où je crois avoir de vieilles racines. Le dealer de champignon magique, une vieille connaissance dont on dit qu'il est un caïd du Milieu, se trouve juste en face de la mairie. 


Chez Jean-Luc Clamens, il faut se faire connaître, frapper au heurtoir, s'annoncer comme chez les diamantaires d'Anvers. C'est un peu le même métier d'ailleurs, à l'antique Maison Gaillard, on joue dans la cour des grands, côté luxe, prestige.
La grande spécialité, c'est la noire, la vraie, la pure, modèle pour cuistots exigeants. Rien à voir avec avec les bouts de bois grisâtres qu'on vous vend ici et là, qu'on râpe généreusement sur votre assiette mais qui ont autant de saveur qu'une rave bouillie. Truffes de Gotland et d'ailleurs, fadasses, mais largement assaisonnés, sauvéesà l'huile synthétique, artificielle. Vous savez cette fameuse "huile de truffe" (hé, les fonctionnaires des Fraudes, vous en pensez quoi?) parfumée au méthyl 2-butanol, un de ces mercaptans qui servent de marqueur au gaz de votre Rosières. Bon, le tour de passe-passe est chimiquement amusant (rémunérateur aussi), ça fait se pâmer les foodistes, mais au prix auquel on prétend vendre ces succédanés, il me semble tout aussi efficace et bien plus avantageux de se payer une bouteille de butane et de la sniffer…


Bon, assez digressé à propos des âneries à la mode. Revenons dans le monde opaque, certes, mais sérieux de l'authentique Tuber melanosporum. Contre toute attente, en plein mois de juillet, c'est ce que nous venons chercher à Caussade. Jean-Luc nous a fait goûter ça l'été dernier, de la vraie truffe noire, fraîchement ramassée, de la vraie truffe d'hiver. 
L'hiver, vous suivez? L'hiver, en juillet, c'est of course aux antipodes que ça se passe, en Down Under,. En Australie très exactement, tout au sud-ouest du continent, entre Margaret River (connue pour ses chardonnay et ses cabernet-francs) et Albany. La ferme se trouve très exactement à Manjimup, ses propriétaires (qui produisent également du vin) sont passionnés de truffe; ils étaient encore l'été dernier (pardon l'hiver pour nous!) dans le Sud-Ouest, l'un deux est d'ailleurs venu dîner à Auvillar, à L'Horloge pour qu'un spécialiste lui mette le nez sur la Tuber de chez nous.

 
Je sais qu'on va me tomber dessus comme la vérole sur la bas-clergé, moi, le défenseur du terroir, de la cuisine de proximité en train de vanter les mérites d'une truffe qui à presque fait la moitié du tour de la terre. Car, mine de rien, les diamants noirs que vous voyez ci-dessus ont parcouru 14487 kilomètres entre la ferme de Manjimup et le restaurant d'Auvillar! C'est sûr qu'à cet égard, la doctrine du Kilomètre Zéro en prend un sérieux coup dans les gencives, pas très écolo comme approvisionnement…
Mais en même temps, soyons réalistes: on parle là de Tuber melanosporum, et donc de quantité plus qu'infimes à côté des centaines de millions de tonnes de fruits, de légumes (parfois même vendus comme bio!) et qui arrivent, frais ou transformés, de Chine, du Kenya ou du Brésil,. Sans parler du flux ininterrompu de primeurs espagnols ou marocains qui encombrent nos autoroutes. Bref, en matière de signature carbone, on est dans l'epsilonesque, dans l'insignifiant, pas au niveau des épices* mais presque, loin en tout cas derrière les accros des week-ends en avion. On fera donc la fête avec nos truffes (et notre toro!) sans arrière-pensées, ni sentiment de culpabilité.


Reste la question cruciale**: l'intérêt olfactif et gustatif, au delà de la bizarrerie d'en manger en été, de cette truffe du bout du Monde. Très franchement, après quelques essais (même si ça nous chagrine un peu…), elle nous semble, le chef et moi, très comparable à une bonne truffe française du Quercy ou du Périgord. Le nez est peut-être un peu moins puissant, et sa tenue à la cuisson moindre; sur ce dernier point, il suffit de la travailler différemment, d'adapter les recettes. Ça d'ailleurs, je vous le montrerai bientôt, notamment en association avec un cochon d'exception dont nous venons de rentrer une pépite. Vous allez voir que ça a du jus la truffe d'Aussie!




* Ça me fait penser qu'il faut que je vous parle bientôt de notre merveilleux "poivre humanitaire"!
** en plus du prix, comparable à celui de la bonne truffe locale.



Un décret bricolé à la maison…

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Mais que fait la Ministre de l"Écologie? Elle aurait pu aujourd'hui nous gratifier d'une saine indignation, car enfin, va-t-on arrêter de couper des arbres pour rien? Vous imaginez les tonnes de pâte à papier gaspillées pour imprimer des décrets parfaitement inutiles comme celui que vient de promulguer le Journal Officiel et qui entre en vigueur aujourd'hui?
Le décret no 2014-797 du 11 juillet 2014 relatif à la mention « fait maison » dans les établissements de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés (NOR : ERNI1416278D) ne sert à rien. Il ne change rien ou  presque. Et le logo ci-dessus que les restaurateurs consciencieux ont le droit d'apposer sur leurs menus pour indiquer qu'ils cuisinent vraiment ce qu'isl servent flirte avec l'escroquerie.
Très simplement, pour prendre un exemple parlant, un cuistot qui utilisera une pâte feuilletée achetée chez Métro ou Leader Price, sur laquelle il posera (délicatement bien sûr…) des abricots en boîte de chez Trans Gourmet ou Promocash, pourra apposer sur sa carte des desserts la mention fait maison. Est-il besoin d'ajouter quoi que ce soit, si ce n'est qu'il s'agit juste de bricoler, de faire de la politique à deux balles, en essayant vaguement de calmer les détracteurs de la malbouffe tout en légitimant les industriels? 
"Pourquoi s’escrime-t-on à servir des produits bruts et frais s’ils sont mis au même niveau que des produits bruts sortis des usines ?" s'interroge le restaurateur Xavier Denamur. "On se fiche du consommateur" s'indigne-t-il dans Rue89 tant il est vrai que ce texte, symbolique de la mollesse, de la veulerie politiques ambiantes depuis de nombreuses années en France, au contraire de clarifier la situation entre les découpeurs de sachets et les authentiques cuistots, va ajouter "du flou au flou".
Et pendant ce temps, toujours en proie à une crise d'industrialo-fonctionnairite aigüe, on continuera dans ce pays à traquer les méchants restaurateurs qui s'obstine à dervir des produits naturels, de circuit court mais non normés comme les cèpes que l'on voit ci-dessous. Navrant…


Allez, juste pour rire, parce qu'il faut toujours savoir de quoi l'on parle, je vous propose de découvrir le texte gouvernemental signé par Arnaud Montebourg et Manuel Valls dans son intégralité.

"MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DU REDRESSEMENT PRODUCTIF ET DU NUMÉRIQUE Décret no 2014-797 du 11 juillet 2014 relatif à la mention «fait maison» dans les établissements de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés NOR : ERNI1416278D

Publics concernés: établissements de restauration commerciale et entreprises de vente à emporter de plats préparés. Objet: définition et modalités de mise en oeuvre de la mention «fait maison». Entrée en vigueur: le texte entre en vigueur le 15 juillet 2014. Notice: le présent décret vise à définir la mention «fait maison» et ses modalités de mise en oeuvre dans les activités de restauration ou de vente à emporter de plats préparés. Le «fait maison» permettra de mieux informer le consommateur sur les plats qui lui sont servis et de valoriser le métier de cuisinier. La mention «fait maison» valorise les plats cuisinés entièrement sur place à partir de produits bruts ou de produits traditionnels de cuisine. Les plats «faits maison» seront mis en valeur sur les cartes, les menus et les autres supports d’information à l’aide d’une mention ou d’un logo défini par arrêté du ministre du commerce. Références: le présent décret ainsi que les dispositions du code de la consommation qu’il crée peuvent être consultés sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr). Le Premier ministre, Sur le rapport du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, Vu le code de la consommation, notamment ses articles L.121-82-1 et L.121-82-2, Décrète: Art. 1er. – Il est créé au chapitre Ier du titre Ier du livre Ier (partie réglementaire) du code de la consommation une section 10 bis ainsi rédigée: « Section 10 bis Définition et modalités de mise en oeuvre de la mention “fait maison” « Art. D. 121-13-1. – I.–Un produit brut, au sens du deuxième alinéa de l’article L.121-82-1, est un produit alimentaire n’ayant subi aucune modification importante, y compris par chauffage, marinage, assemblage ou une combinaison de ces procédés. «II.–Peuvent entrer dans la composition d’un plat “fait maison” les produits qui ont été réceptionnés par le professionnel: « – épluchés, à l’exception des pommes de terre, pelés, tranchés, coupés, découpés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus ou broyés; « – fumés, salés; « – réfrigérés, congelés, surgelés, conditionnés sous vide. «III.–Peuvent également entrer dans la composition des plats “faits maison” les produits suivants: « – les salaisons, saurisseries et charcuteries, à l’exception des terrines et des pâtés; « – les fromages, les matières grasses alimentaires, la crème fraîche et le lait; « – le pain, les farines et les biscuits secs; « – les légumes et fruits secs et confits; « – les pâtes et les céréales; « – la choucroute crue et les abats blanchis; « – la levure, le sucre et la gélatine; « – les condiments, épices, aromates, concentrés, le chocolat, le café, les tisanes, thés et infusions; 13 juillet 2014 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 13 sur 69 « – les sirops, vins, alcools et liqueurs; « – la pâte feuilletée crue; et « – sous réserve d’en informer par écrit le consommateur, les fonds blancs, bruns et fumets. « Art. D. 121-13-2. – Un plat est élaboré sur place lorsqu’il est élaboré dans les locaux de l’établissement dans lequel il est proposé à la vente ou à la consommation. «Un plat “fait maison” peut être élaboré par le professionnel dans un lieu différent du lieu de vente ou de consommation uniquement: « – dans le cadre d’une activité de traiteur organisateur de réception; « – dans le cadre d’une activité de commerce non sédentaire, notamment sur les foires, les marchés et lors de manifestations de plein air et de vente ambulante. « Art. D. 121-13-3. – Les professionnels indiquent de manière visible par tous les consommateurs la mention suivante: “Les plats «faits maison» sont élaborés sur place à partir de produits bruts.” «I.–Lorsque l’ensemble des plats proposés par le professionnel est “fait maison”, la mention “fait maison” ou “maison” ou le logo défini par arrêté du ministre chargé du commerce peuvent figurer à un endroit unique visible par tous les consommateurs. Cette disposition s’applique de plein droit aux maîtres-restaurateurs. «II.–Les mentions ou le logo figurent, le cas échéant, pour chacun des plats sur les supports utilisés pour les présenter ainsi que sur les autres supports de commercialisation du professionnel, notamment en ligne. «III.–Un plat composé d’un produit non mentionné à l’article D.121-13-1 peut être présenté comme “fait maison” dès lors que la marque du produit ou le nom du professionnel qui l’a fabriqué est expressément indiqué.» Art. 2. – Le présent décret entre en vigueur le 15 juillet 2014. Art. 3. – Le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique et la secrétaire d’Etat chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 11 juillet 2014.
MANUEL VALLS, Premier ministre
Le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ARNAUD MONTEBOURG La secrétaire d’Etat chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, CAROLE DELGA."


Faire maigre…

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Je le répète sans cesse, en matière de gastronomie ou de vin (entre autres), il faut se méfier comme de la peste des idées reçues et des vérités officielles. De ses propres préjugés également. Bref, comme pour toute activité humaine, il faut éviter de s'endormir dans ses idées, de s'embourgeoiser.


Le morceau de viande que nous venons de manger est une bonne illustration de ce propos. D'habitude, vous le savez, pour le bœuf, je fais gras. Vous avez déjà vu ici et dans Idées liquides & solides des images des côtes de bœuf, des entrecôtes ou des misères que je préfère: blanc, c'est blanc! J'aime le persillé, et je ne m'en cache pas. Sans toutefois tomber dans le gras pour le gras, comme on le voit dans certains "wagyūs espagnols" que j'ai souvent trouvé fadasses. Le wagyū (l'authentique, celui qui comme le nom wagyū l'indique provient du Japon) va d'ailleurs tenir lieu de figure de style obligatoire, de motif imposé d'émerveillement des trois mois à venir chez les plus panurgiques des foodistes parisiens: difficile d'échapper au grand tintamarre de marketing qui accompagne la récente autorisation d'exportation de ce coûteux symbole de la gastronomie japonaise.


Cette double côte à l'os, taillée "petit côté", façon T-bone steak, elle ne provient pas d'un bœuf (ni même d'une vache de travail comme on le vend généralement maintenant en Galice, autre terroir branché), mais d'un toro, un taureau de combat, un taureau brave, un descendant d'auroch. Il s'agit, vous vous en doutez de Castañuelo, ce Cebada Gago sacrifié à Vic-Fézensac dont je vous ai parlé ici. C'est-à-dire d'une bête qui a vécu dans des conditions de luxe totalement incroyables, inaccessibles à un animal de boucherie, fut-il originaire de Kobé, qui ne vivra jamais (même s'il finit dans les mains d'un chef médiatique) qu'une courte vie de prisonnier.


Castañuelo (ci-dessus) était un prince, il a vécu comme un prince. Nous mangeons un prince. Cette bête a mis plus de cinq ans, en quasi-liberté dans la dehesa, au cœur du paradis andalou, pour bâtir sa demi tonne de carcasse, pour distiller une viande totalement différente de ce que nous mangeons d'habitude. Une viande évidemment bien plus maigre que celle que nous mangeons d'habitude (c'était un athlète!), mais à la fibre serrée, dense, une viande goûteuse, pleine de caste sans jamais tomber dans l'excès de puissance.
En témoignent les tartares que nous nous régalons de cuisiner avec, à peine rafraîchis d'un peu de tomate de Garganvillar, rehaussés de câpres de Pantelleria, d'anchois basques, d'une goutte de vinagre de Jerez et d'huile de Baena. Et plus encore, c'est en "sashimi" qu'on prend conscience de la qualité de cette chair de toro, juste assaisonné de quelques grains de sel et d'huile du Priorat. Qu'on redécouvre le plaisir éphémère, le temps d'une saison, de "faire maigre"…




On en mangerait…

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C'est de “nouvelle cuisine” dont je vais vous entretenir aujourd'hui. Une “nouvelle cuisine” très en vogue au pays de Vatel et d'Escoffier, en ces temps d'économies d'échelle sur la masse salariale de restaurants reconvertis en mangeoires marketées. Une “nouvelle cuisine” malheureusement mise en avant aussi bien par des enseignants en hôtellerie, par des “meilleurs ouvriers de France” que par les politiciens absents qui, la main dans la culotte de l'industrie agro-alimentaire, ont pondu l'impayable décret sur le “fait-maison” dont on a parlé ces derniers jours. Car, oui, au nom du patrimoine gastronomique et culturel français, au nom de la préservation du goût, les politiciens auraient du agir, vraiment, fortement, ne pas se coucher une nouvelle fois devant le tout-libéral et le fric à tout prix. Parce qu'enfin, sinon, à quoi servent-ils? Pourquoi les paye-t-on si grassement, pourquoi leur offre-t-on ce train de vie de monarques?


Afin de mieux vous expliquer le meilleur des Mondes, le Monde parfait, normé, aseptisé que la démission de beaucoup (et la nôtre aussi parfois en tant que consommateurs) nous fabrique, j'ai parcouru une des bibles de cette "nouvelle cuisine", de cette "cuisine du petit camion": le catalogue, pardon, le Guide des Produits de Davigel. Davigel, vous ne connaissez pas forcément, est un des leaders de sa branche d'activité, filiale de la célèbre entreprise philantropique Nestlé (très impliquée dans l'écologie et la gastronomie…). Selon son directeur-général, Davigel répond "aux exigences de la restauration de demain”. Pour parler simple, cette usine géante, cuisine à la place des cuisiniers et leur livre en surgelés ce qu'ils auraient du vous préparer eux-mêmes.


Allez, c'est parti, tournons les pages, mais, attention: tout ressemblance avec des produits ou des plats qu'on vous a servi dans des restaurants existants (y compris étoilés) n'est absolument pas fortuite.


Les amuse-bouches, pour ceux que ça amuse encore, voila sûrement une des façons les plus esthétiques de "mettre les petits plats dans les grands". Là, on mange des couleurs. Parfois, je me demande d'ailleurs pourquoi on ne les fait pas en plastique, ça pourrait resservir d'un buffet à l'autre…
Le conseil du chef: la profusion, plus y'en a, mieux c'est!


La “gambas” (avec un S même au singulier…), reine incontestable du camping. Rien à voir évidemment avec l'exceptionnelle roja dont je vous avais ici expliqué le mode d'emploi. Origine forcément floue dans l'assiette alors que facilement repérable malgré son camouflage espagnolasse; on sait pourtant que d'une façon quasi systématique, dans plus de 90% des cas, elle provient d'élevages industriels basés originellement en Thaïlande et à Taïwan, et plus récemment à Madagascar.
Le conseil du chef : la servir bien cramée pour que le fumé passe sur les fins arômes de farines animales.


La marée. Très important, ça plaît aux dames ! Même à Sedan ou à Mouthe, on ne peut imaginer une carte sans trois ou quatre poissons hauturiers, mollusques & Cie. De toute façon, n'ayez pas de complexes, ce n'est pas à l'intérieur des terres mais au bord de la mer que la version surgelée de ces produits du bout du Monde est la plus surconsommée. En témoigne cette enquête où l'on voit que le littoral méditerranéen s'en est fait une spécialité.
Le conseil du chef: soignez l'assiette et le dressage, noirceur et dépouillement. Et préférez les nouvelles références, "avec peau" comme le saint-pierre, c'est plus nature!


Les légumes. Pourquoi continuer à se salir les mains avec de la terre? Pourquoi s'ennuyer avec ces paysans infichus d'être réguliers dans leur approvisionnement? Le maître-mot, c'est régularité. Sans parler de la qualité de présentation: c'est quand même beaucoup plus pro.
Le conseil du chef : en matière de couleur, insistez sur le vert, ça fait bio!


Le canard. Quelle merveille ! Que de progrès accomplis depuis qu'André Daguin, à Auch, a inventé le maigret (pour un Gascon, deux Parisiens ou quatre japonais comme le spécifiait la carte de l'Hôtel de France). Fabriqué en usine, "très bien placé niveau prix", le canard d'aujourd'hui a réponse à tout, du tartare à l'éventail, du duo au carpaccio. En cuisine, on ne s'en lasse pas, il est devenu le plat français le plus populaire, et souvent très loin de la Gascogne…
Le conseil du chef : noyez-le dans une sauce "genre" gasconne, landaise ou périgordine. Ou essayez le sucre, la figue, faites diversion.


Le poulet, un des rois de la table. Chez Davigel, le chef-maison, un M.O.F., vous le garantit de la meilleure origine. Mais, surtout, on vous le cuisine, façon moderne ou façon terroir. Une paire de ciseau, un micro-onde, et ça marche! Ne méprisez pas non plus la "volaille", appellation "nouvelle cuisine" de la dinde.
Le conseil du chef : n'oubliez pas de marquer les volailles avant le micro-ondes, sinon, ça se voit trop (ça m'est arrivé récemment dans un restaurant plébiscité par la critique…).


Le jambon, c'est bon, bien sûr. Sauf quand on vous le sert en tapasà Valenciennes. Alors là, on se dit que même si la France est, comme c'est écrit dans le journal et vu à la télé, championne du Monde du jambon grâce à Patrick Duler, on a encore du boulot pour mettre nos assiettes à niveau. En revanche, comme vous le voyez ci-dessus, avec un peu de "bon goût", on peut faire de superbes présentations de ces pièces de cochons!
Le conseil du chef : insistez sur les mots serrano et pata-negra, ça ne mange pas de pain, ne veut rien dire et, en prime, ça fait plus castagnettes…


Le tartare de bœuf. Au couteau, évidemment. Symbole de la dextérité du boucher ou du chef ; en le commandant, on imagine le feulement des lames sur la planche, tranchant avec précision la viande fraîche d'une bête qui quelques semaines auparavant broutait l'herbe parfumée de la Chalosse, du Nivernais ou du Poitou. Oui, on imagine, parce que le "minerai", ça ne fait rêver que les chercheurs d'or! L'avantage, me direz-vous, avec la version Davigel, c'est qu'on économise sur la boîte à pharmacie et les pansements…
Le conseil du chef : le servir avec des frites congelées, “rustiques”, non épluchées, puisqu'en principe, ces dernières échappent au désopilant décret gouvernemental sur le “fait-maison”.

L'agneau, que Darwin n'avait pas songé à voir comme le descendant de la souris. Son gigot, bien sûr, est cuit sous-vide, en usine, à la sonde. Mais ce qui étonne le plus, c'est la multiplication, quasi-christique, des souris évoquées plus haut. Au sens propre, on vous les sert à toutes les sauces, néo-zélandaises de préférence.
Le conseil du chef : rapidement demander au représentant Davigel de lui fournir un vin en poudre de l'Otago, ce qui constituerait un splendide accord de terroir.


Les desserts. Là peut s'exprimer la fantastique créativité du chef. Que de couleurs, quelle variété!Il y a les desserts de cette grand-mère qui déjà, mai 68 oblige, ne portait plus de soutien-gorge et avait rencontré monsieur Alsa, le dragueur des supermarchés : ah, l'île flottante au carraghénane et à la vanilline, j'en ai la larme à l'œil… Et puis, il y a les douceurs modernes, inventives, en pipettes ou en tubes, c'est très d'jeun' !
Le conseil du chef : proposer ses merveilles dans la formule très banlieue, très galerie marchande, du “café gourmand”, on a ainsi la chance de se croire sur TF1 sans allumer le poste.

Allez, bon appétit, si vous êtes à table!





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La vie est injuste. En apparence en tout cas. Imaginez ce qui sépare un individu lambda qui chaque matin passe sur la place que vous voyez ci-dessus, et celui qui frôle les murs de béton gris dont les brillants architectes des années soixante voulaient faire la cité idéale de "l'homme de demain". Imaginez le décalage entre un gamin qui a la chance de grandir dans cet environnement et un autre qui ne côtoiera que la crasse et la laideur; bien avant les dégâts de l'enseignement à plusieurs vitesses, il est difficile de ne pas penser que cette inégale éducation du regard aura un impact sur le futur adulte.


Ce présupposé ne doit pas nous faire oublier que nous sommes tous acteurs de notre cadre de vie. La mocheté n'est pas qu'une fatalité, on peut en être victime, certes, mais aussi, trop souvent acteur. Par défaut d'éducation et de culture, on y revient, mais aussi par manque de curiosité, d'altruisme, par paresse ou négligence aussi.
Les exemples abondent. Ce sont ces as de la tronçonneuse qui débitent en un clin d'œil des arbres centenaires, "pour faire propre". Les champions de la maçonnerie qui vous ravalent des façades sculptées par le temps à l'enduit synthétique de chez Brico Dépôt, arrachant au passage la vigne vierge plantée par l'aïeul. Les génies de l'embellissement municipal qui détruisent les vieux bancs publics, les panneaux naïvement historiques, la grille du cimetière et, tels des Panzers de l'urbanisme, vous mettent tout ça aux normes. Les rois du bâtiment qui rasent les potagers, les bois et les vignes pour y implanter un amoncellement de pavillons pourris. Le visionnaires de la distribution qui égaye l'entrée de son bled d'un supermarché de merde. Le chantre de la culture qui fait tomber une relique médiévale "parce que les murs menaçaient de s'effondre et que c'était dangereux". Etc, etc…
La liste, l'énumération de toutes les horreurs que nous faisons subir a notre belle France est loin d'être exhaustive, et grâce aux progrès des techniques d'enlaidissement, elle augmente de jour en jour, car, oui, ce n'est pas une fatalité, l'enlaidissement naît de décisions, individuelles ou collectives, toutes nées de la facilité, d'un zeste de bêtise et d'une bonne dose de manque de respect du patrimoine commun. Le tout induisant un imparable cercle vicieux pour l'avenir, pour les générations futures qui, peut-être, grâceà notre égoïsme ne profiteront pas à leur tour de ces paysages, de ces images qui nous semblent naturelles.


J'ai la chance effectivement ces temps-ci, grâce à mon poste de commis à L'Horloge d'Auvillar, de vivre dans une carte postale. Dans ce splendide village, où l'on ne sait plus poser les yeux tellement tout est beau, et aux alentours, dans ce magnifique coin du Sud-Ouest qui mélange les influences du Quercy, de la Guyenne et de la Gascogne. En deux coups de volant, vers le nord-est, voila l'incroyable bande dessinée du cloître de Moissac, puis, après la butte de Lauzerte et un calcaire blanc qui déjà sent le cahors chéri de Montcuq, les truffes du caïd de Caussade. Au sud, en suivant le Chemin de saint Jacques, vous filez à Lectoure, embarquez au passage quelques bouteilles de Chiroulet et un pot d'armargnac, revisitez les Bleus (pas les crétins millionnaires qui tapent dans un ballon, les Bleus de Gascogne, ceux du pastel…).
Ici, tout n'est que luxe, calme et volupté. Tiens d'ailleurs, à propos de luxe, j'ai déjeuné dans un maison de rêve, à Marsolan, un autre de ces villages où l'on a bâti des remparts contre le moche, c'était chez un collègue mousquetaire; la merveille, avec ses jardins suspendus, sa vue qui porte loin, sa "munificence discrète", est en vente* (pas cher en plus, malheureusement, je ne suis pas assez riche…).


Cette région merveilleuse, généreuse, ce pays de cocagne n'est pas le seul à garder la tête haute dans une France qu'on défigure. Loin des parkings de grandes surfaces et des zones pavillonnaires, des délires administrativo-politiques, subsistent des témoignages, villes, villages ou monuments, de la grandeur de ce pays, des lieux encore préservé des hilotes et des vandales.
Pour autant (et ce n'est pas mon propos), vivre dans une carte postale, ce n'est pas obligatoirement vivre dans un musée. J'en veux pour preuve cette cité d'Auvillar qui m'accueille en juillet: bien que classée parmi "les plus beaux villages de France" (un classement qui vaut ce qu'il vaut comme tous les classements mais qui se trompe guère), elle n'en demeure pas moins vivante. On vient s'y balader, y manger, visiter, voir des expositions et même, pour les initiés, y acheter des couteaux de collection, des coupe-cigares et des rabots à truffe**.  Car, refusant toute "fatalité rurale", tournant le dos au défaitisme, sans attendre l'aide d'un bon Dieu étatique imaginaire (et de toute façon bien fatigué), ses habitants se démènent comme de beaux diables pour animer leur commune. Des fêtes, des marchés, des brocantes, des célébrations, jusqu'à relancer dans le cinéma de plein-air***…
À croire que la beauté des lieux leur donne du tonus, de l'énergie, de l'envie. Les incite, comme Garonne qui coule à leurs pieds, à regarder devant. Plus loin.





* Comme on dit dans les agences immobilières, pour plus de renseignements, nous consulter…
** Ceux de Robert Losson, photographiés ci-dessus. Le RaboTruffe quant à lui est une arme indispensable.
*** Petit coup de pub: l'association Les Tontons flingueurs (dont les membres ne boivent pas que de la pomme) et l'ASCEAU (créatrice d'un poulailler de village) fêtent ce samedi 19 juillet les cinquante ans (quel bel âge!) de L'Homme de Rio. Le film sera évidemment projeté en plein-air, place du château à Auvillar. Pour l'occasion, le chef et moi sommes réquisitionné pour cuisiner brésilien; ça va nous changer du canard, des cèpes et du toro!


Émouvant !

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Un ingrat, voilà ce que je me suis dit. Je feuilletais les pages d'Idées liquides & solides, glissant de bouteilles en plats, de restaurants en caves, pour me rendre compte, in fine, que je ne rendais que médiocrement hommage à l'alcool emblématique de ce Sud-Ouest qui me rappelle chaque jour sa généreuse noblesse: l'armagnac.
Et pourtant! Car si je ne suis pas très amis de l'alcool fort qui généralement "me brûle", si les douceurs du cognac me laissent de glace tout comme les coquetels que les rappeurs américains ou les golden boys chinois bricolent désormais avec, si les marcs souvent m'indiffèrent, l'aygue ardente me parle. Il y a une part d'habitude dans tout cela, un zeste de chauvinisme et beaucoup d'histoires, de souvenirs personnels.
L'armagnac, pour moi qui, par parenthèse, ait été créé mousquetaire, ce n'est pas qu'un digestif, c'est un bout de pays et tout son art de vivre, toute sa culture qui me coulent dans le verre. L'armagnac, c'est un instant, la fin d'un repas, d'un repas où l'on a mangé vraiment, de la viande, du gras, du bonheur. L'armagnac, c'est le soir, ou le début d'une nuit que l'amitié allongera.
Ma part gasconne aime s'y frotter, j'aime quand il se présente, que je regarde sa couleur, puis que, doucement, le haut du verre vient doucement se poser sur mon nez.


Vendredi dernier, c'était sur le balcon de Garonne d'une soirée d'été. Nous avions mangé quelques escargots, grillé du chevreuil frais. Il faisait doux, pas trop chaud, à nos pieds, vert émeraude, le fleuve décourageait l'orage de venir perturber le cours des choses.
Quand son heure est venue, qu'il faisait nuit noire, que les poules étaient couchées, il ne nous a pas fait de grands discours. Une vieille connaissance, racé, marquis certes mais d'un immense maintien, pas hâbleur pour un sou. Profond. Et vif! Soutenu par une remarquable acidité, celle des prunelles ou de la guigne, adoucie par des arômes de fève de cacao. 78, précisait l'étiquette de cet alcool de vin du grandissime terroir landais de Lacquy*, nous le voyions plus âgé, peu importe, il était droit comme un i, pas fatigué ni putassier pour un sou. Ses éthers, domptés, n'empêchaient pas de poser le nez sur le bas du verre. Il était calme, mais triomphant. Émouvant !




* Cet armagnac a une histoire puisqu'en son temps a été élevé en dehors de l'aire d'appellation, dans un chai de la famille Boisséson, à Bardigues, à une poignée de kilomètres d'Auvillar où je me trouve. Dans les Landes, on trouve sous l'étiquette Château de Lacquy des eau-de-vies produites par la même famille.


Métro, c'est trop !

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Au début, j'ai cru que c'était de l'humour. Quelque chose d'un peu sarcastique, un peu mordant pour cette gastronomie "moderne", "jeune", cathodique qui, de MasterMachin en Chef-Bidule, oublie souvent avec allégresse les fondamentaux. En fait, pas du tout. C'était du premier degré, pur jus, pur sucre.
De qui s'agit-il? Nicolas Gautier, cuistot dans le Nord-Pas-de-Calais, dont j'apprends au passage qu'il est un des initiateurs de l'appBaladovore qui traîne quelque part sur mon iPhone et qui recense les bonnes adresses de producteurs des chefs.
Où? Sur Facebook, où il a fait part de son indignation (vu le ton…) face à ce qui lui semble apparemment être un des maux de la Restauration.


Afin d'éviter tout malentendu, tout contre-sens, j'ajoute un extrait de la suite de cette conversation entre professionnels des métiers de bouche. Comme vous le voyez, c'est bien de normes d'hygiène dont il s'agit, et de rien d'autre.


Pour le reste (je suis vraiment un gros naïf!), aller faire ses courses chez Métro quand on est un chef étoilé, estampillé terroir, ça ne pose de problème à quiconque, on est dans le "normal", dans "l'habituel", le conventionnel.
Ne voyez ici aucun règlement de comptes, je n'ai aucune acrimonie contre ce cuistot en particulier (contre aucun autre d'ailleurs) qui est sûrement un brave type. Je ne le connais pas, je n'ai jamais mangé ce qu'il sert, le seul lien (si ténu!) que j'arrive trouver entre lui et moi, c'est qu'il exerce actuellement à La Laiterie, une maison que je "connaissais" par le biais de Benoît Bernard, Ben dont je vous avais parlé ici, dans ce billet (qui d'ailleurs se moquait un peu de l'excès de normes), alors que nous courrions les marchés de Barcelone en quête de produits qui se mangent, sains, propres, artisanaux. Le Baladovore Nicolas Gautier (ci-dessous dans une interview à Atabula) aurait  sûrement apprécié cette balade gourmande entre gambas rojas crues, morue nacrée et foies de lotte.


Mon grand âge me permet d'avoir connu temps où les chefs, et plus encore les chefs étoilés, c'est au marché qu'on les rencontrait, en buvant le coup avec le tripier ou le chevrotier. Ou dans des cours de ferme. Quant aux premiers restaurateurs qui ont franchi le Rubicon, aux novateurs qui, dans les années 90, ont commencé à jouer au pousse-caddie, ils se cachaient plus encore que pour aller au bordel!
Alors, je sais, on va me dire de tout, que chez Métro, on n'y va que pour acheter des bêtises, des compléments, des papier-cul. Qu'il ne faut pas se fier aux apparences. et qu'en plus, on trouve de magnifiques produits dans ces beaux entrepôts de banlieue, le top, le must! Et que de toute façon, aujourd'hui plus personne ne fait la différence. Ben, voyons… Dans ce cas-là, il faut arrêter les émissions télé gastro-folkoriques grand public durant lesquelles les chefs posent en veste de cuisine justement (l'hygiène! l'hygiène!) aux côtés du petit paysan du coin, du pêcheur à la ligne, les pieds bien ancrés dans le terroir. Oui, il faut arrêter ce cinéma: les reportages gastronomiques de demain, sponsorisées par la pieuvre de la grande distribution, il faut les tourner au "p'tit bar" de chez Métro, là où, en feuilletant le journal (pardon, les derniers catalogues…), on se fait offrir le café du matin. Comme au bon vieux temps. Comme aux halles.


Ce post somme toute anecdotique de Nicolas Gautier sur Facebook réveille en moi le malaise que je ressens la plupart du temps au restaurant, ce décalage entre les mots et les actes, entre l'assiette et le discours. Mais, est-ce mon malaise ou celui de cette vieille restauration gastronomique française qui n'a pas su évoluer? Qui a banalisé la malbouffe et s'est couchée devant l'industrie agro-alimentaire. Qui parfois même a vendu son âme comme le montrait ce billet récent sur le "fait-maison".
Il y a beaucoup d'ingrédients, souvent de médiocre qualité qui entrent dans cette mauvaise recette: une certaine déconnexion du réel, la religion des belles paroles, du bio à tout prix, la difficulté de travailler et de faire travailler. Bien sûr que l'État, ce gros dépensier ventru qui ne sait jamais dire non aux pleureuses et aux colériques, avec son armée mexicaine de fonctionnaires semblable au clergé de l'Ancien Régime, n'est pas pour rien dans cette misère: les entreprises de restauration commerciale sont pressurées de tous les côtés, sans parler des normes idiotes qui leur sont imposées, grâce au lobbying (euphémisme…) des multinationales de la malbouffe. Bien sûr, mais ça n'excuse pas tout.
Car, même au pays de l'hypermarché roi, franchement, là, Métro, c'est trop!




Métro, resto, bobo : la fatalité ?

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C’est parti! Je savais bien que mon billet d'hier sur la banalisation de la Métronomie dans la restauration française ferait quelques vagues, eh bien, je ne suis pas déçu. Principalement sous forme de messages privés (on se mouille mais pas trop…), on explique au débile que je suis que désormais “tout le monde va chez Métro”, que "c’est impossible de faire autrement”, me donnant au passage une leçon sur les fonds de sauce*. Bref, me dit-on, quand on a décidé de ne pas décongeler du Davigel afin d'élaborer du "fait-maison", il n'y a aucun autre moyen pour nourrir ses clients que d'aller pousser des caddies dans une zone industrielle (en achetant au "rayon frais" des petites fleurs à mettre dans les assiettes pour faire écolo…).


Je ne reviendrai pas sur le contexte économique, relisez mon texte d'hier. Mais j'ai vraiment l'impression d'entendre les mêmes arguments, les mêmes justifications bien franchouillardes qu'on me balançait à la figure lorsque que, par exemple, j'affirmais qu'il fallait vraiment être un plouc pour aller acheter ses tomates au supermarché en été. Une candidate d'un des jeux de gastro-réalité m'était tombé dessus pour m'expliquer, là encore, qu'il était impossible de survivre aujourd’hui sans fréquenter Leclerc, Carrefour ou Lidl. Bref, le grand refrain de la fatalité, des choix que l’on fait à notre place, de l’irresponsabilité collective. Ce refrain qui fait, pour sortir du monde de la malbouffe, que "de Dunkerque à Tamanrasset", nos pavillons pourris ont le même horrible portail en plastoc, poussé par des types habillés avec le même survêtement bengali, qui regardent le même match de foot sur le même écran à cristaux liquides en buvant la même bière accompagnée des mêmes chips.


C'est la nouvelle Internationale: tous unis par la standardisation, éventuellement par la mocheté et la malbouffe, par le made in ailleurs, et surtout par le made in n'importe où, avec n'importe quoi, n'importe comment et par n'importe qui. Au mépris, ça va de soi, de l'emploi, du tissu social, de l'urbanisme et de l'écologie…
Eh bien moi, excusez-moi, cette fatalité, j'ai la faiblesse (le romantisme diront certains) de ne pas y croire. Et même si j’y croyais, je me dirais que le minimum syndical, y compris dans un des derniers pays communistes de la planète, où l’État doit nous sauver de tout, c’est de la combattre, de résister.
C'est de se remettre à faire des choix. De lutter contre la banalisation et l'industrialisation de cet incroyable patrimoine culturel que représente la gastronomie française. Et encore plus quand on est étoilé!


Cela étant, heureusement, des restaurants où l'on refuse le rouleau-compresseur de la grande distribution, l'univers du moins-disant et de la gambas de camping, où l'on n'a pas envie, comme des moutons, de servir les mêmes plats, les mêmes produits que le voisin, ça existe encore! Ces "farfelus", ces "hurluberlus", ces "arriérés", il me semble en parler de temps à autres dans ce blog; vous voulez que je vous raconte de nouveau l'histoire de La Ferme de La Ruchotte en Bourgogne, de l'auberge de Patrick Duler au Domaine de Saint-Géry dans le Lot, des poissons libres de Villa Más et de La Menta en Espagne? Et des "résistants", il y en a d'autres, beaucoup d'autres, je le sais, qui ne vont pas au marché que pour se faire photographier, qu'il me tarde de visiter comme Le Sillon de Bretagne près du Mont-Saint-Michel, chez Virginie et Charles Xerri dont le discours me parle, d'autres aussi qui à leur tour décident de rejoindre le maquis des produits comme en témoigne ma dernière conversation avec le Barcelonais Guillem Oliva, de Monvínic.
Allez, pour conclure, comme un pied de nez optimiste à la "fatalité" du pousse-caddie, je vous offre en cadeau la liste (intégrale) des fournisseurs de l'aubergiste-militant du Sud-Ouest chez lequel je fais commis de cuisine depuis trois semaine. Et il ne fait pas manger ces produits qu'à des types qui arrivent en Bentley ou en Ferrari, même les marcheurs des Chemins de saint Jacques (vous savez, les types qui ont des bâtons de ski en été) y ont ont droit, je vous promets, même si ça leur fait bizarre au début, ça leur change les habitudes, surtout quand on leur dit qu'on ne vend pas de Caca-Cola


Voila, tout simplement, parce que des produits sains, solides ou liquides, pas forcément hors de prix, nous en avons besoin pour remplir les rayons de notre bibliothèque des goûts et des saveurs. Une bibliothèque qui pour trop de consommateurs (et de cuistots) commence à s'appauvrir dangereusement, hésitant entre l'album à colorier et le dernier numéro de Voici




* À ce sujet, dans un style moins beauf', plus Guide des Pneus, j'ai vu hier la magnifique plaquette haut-de-gamme sur papier glacé (ci-dessous) des nouveaux fonds gastronomiques en poudre de chez Nestlé (l'ami des cuistots de luxe), la gamme Chef, du 100% naturel, "l'essence de l'authenticité", élaborés suivant un "procédé comparable à une fabrication traditionnelle". Mais en usine…   



Dans le même sac.

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Évidemment, la réalité agace. La réalité de cette restauration française qui quand elle ne découpe pas des sachets Davigel pousse des caddies chez Métro (mes derniers billets ici et ) ne fait visiblement pas partie des "vérités bonnes à dire". Et pourtant…


On m'accuse, comme par exemple Nicolas Brousse du bistrot Monsieur Mariusà Toulouse (où j'ai déjeuné il y a quelques mois), de mettre tous les cuisiniers "dans le même sac". Bien au contraire! Ce que je cherche, c'est de mettre en avant les irréductibles Gaulois qui refusent le progrès concocté par les fonctionnaires et les industriels. Je ne mets "dans le même sac" que ceux qui s'y mettent eux mêmes. Cette saloperie de "sac", de poche en plastique de la grande distribution, des entrepôts et des hypermarchés. Ce sac honteux de ceux qui mettent à sac le patrimoine culinaire hexagonal en y cachant des produits calibrés, normés, standardisés issus des multinationales du prêt-à-bouffer, des Nestlé-Monsanto& Cie. La gastronomie française, celle dans laquelle on se drape, est enfant d'une agriculture savante, précise, qui a su profiter d'un terroir (au sens climatique, culturel notamment) d'une richesse inouïe et le sublimer. Les tenants de la malbouffe détruiront tout cela car ils s'en tapent comme de leur première stock-option.


J'entends aussi que je donne ainsi des arguments aux méchants "étrangers" qui ont lancé un vilain bashing de la gastronomie française, se délectant (comme le NYT ci-dessus) de sa "décadence". Non, j'exerce simplement mon droit de client, de consommateur: je veux qu'on arrête de me mentir, qu'on arrête de me prendre pour un con ou pour un gogo. À cet égard, j'aimerais bien aussi que la Presse, les "guides" jouent un minimum leur rôle, nous aident à démêler le sac de nœuds de la restauration contemporaine, aillent jeter un coup d'œil dans les chambres froides et aux factures, "fassent les poubelles" (au propre comme au figuré), comme les grand-reporters de jadis quitte à prendre des grands noms la main dans le sac.


Pour ce qui est des restaurateurs, je reprends à mon compte la proposition du trublion Xavier Denamur, que chacun d'entre eux qui prétend cuisiner naturellement, sainement, en évoquant le terroir nous offre en entête de sa carte la liste exhaustive de ses fournisseurs. C'est assez simple à mettre en place et à contrôler. Si je précise "exhaustive", c'est parce que j'ai plus d'un tour dans mon sac et que je je connais la technique militaire du rideau de fumée: on balance (devant les journalistes de préférence) le nom d'un petit producteur d'huile de noisettes, de fromages de chèvre, d'herbes aromatiques bio ou d'un apiculteur chevelu, et on fait l'impasse sur le gros des troupes. Dans le monde d'aujourd'hui vampirisé par la GD, je veux connaître le type qui fournit la viande, le poisson, les légumes…
Bref, afin d'éviter de "mettre tout le monde dans le même sac", j'ai besoin, comme la plupart des consommateurs de restauration, comme tous les clients face au restaurateur-roi, d'un tout petit peu de transparence.





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