C'est une drôle d'histoire pinardière dont on m'avait rapporté des bribes il y a quelque temps et que raconte le webmagazine branché Munchies. Ça se passe tout au sud de la France, dans le vignoble de Banyuls, trois "citoyens du monde" plutôt berlinois ont décidé de faire du vin masqué*. Leur société (un GIE qui vient de changer de statut**) s'intitule Collectif anonyme.
Pour communiquer, Collectif anonyme utilise le web, Facebook, Twitter (d'où sont extraites toutes ces images)… Et annonce la couleur sur son site. C'est avant tout de politique qu'il s'agit, tendance gauche alternative, ou extrême comme vous préférez. "Tous les profits sont réinvestis dans l’entreprise, explique leur manifeste, afin de poursuivre nos projets de conservation. Nous apprécions et valorisons les différences culturelles; nous sommes féministes, anti-racistes et, bien sûr, anti-fascistes".
Au sujet de leur anonymat, ils précisent qu'ils ne nient "pas que l’individu joue un rôle important dans la production d’un vin. Cependant, nous voulons attirer votre attention sur le fait que le vin, comme tout produit, est produit socialement, et n’est surtout pas issu du travail d’une seule et unique personne. Nous restons anonymes afin de mettre en valeur la nature nécessairement sociale de la production de vin. Et nous nous protégeons ainsi contre le développement d’une hiérarchie au sein de notre groupe, qui mènerait inévitablement à des inégalités". Même la bande-son de leur entreprise est évoquée, StereoLab.
D'un point de vue plus technique, l'accent est mis sur l'écologie, la permaculture, le traditionnel et le bio; les vignes sont d'ailleurs actuellement en conversion.
Bon, l'anonymat, même écrit en gros sur leur camionnette Mercedes noire, ça va bien un moment. Une enquête rapide nous apprend que trois associés sont derrière ce Collectif anonyme: Julia Dallmer, Kristopher Munro et Jacqueline Newman. Julia, qui vient de terminer les vendanges, m'explique que leur vin n'est pas très distribué pour l'instant en dehors de leur siège social, installé à Port-Vendres. "Mais on en trouve à Perpignan, dit-elle, à deux adresses, le bistrot Via del Vi et la cave Aux Vins 4 Canons". On essayera donc de goûter ça à l'occasion, même si le prix des bouteilles est un peu moins prolétarien que le discours***.
Ce qui m'a frappé en revanche dans cette histoire de vin né sous X, c'est l'aspect ultra marketé de la démarche. Bien plus que dans la plupart des domaines ostentatoirement "alternatifs" et qui tiennent un discours identique. Bien plus aussi que ne le laissent penser leur campement de fortune et leurs vieilles caravanes perchées dans le vignoble de Banyuls****. De belles étiquettes, "dessinées par une amie", qui me rappellent un peu l'ambiance du Kreuzberg de la grande époque et, comme avec ce Mouton noir californien dont je vous avais parlé, une gamme de produits dérivés lookés "antifa", à l'image des hoodies , des T-shirts ou des sacs à commissions. Appelons ça le punk marketing?
* Le Vendangeur masqué, ça ne vous rappelle rien?…
** Le registre du commerce indique toujours une cessation d'activité du GIE au 9 septembre dernier. Cet après-midi, Julia Dallmer m'a assuré qu'il avait en fait redémarré sous une autre forme juridique.
*** De 18 à 24 euros départ propriété.
*** De 18 à 24 euros départ propriété.
**** Et qui agacent fortement la mairie de Banyuls.