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Le crédit qui bricole.

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Contrairement à ce que peut laisser croire une actualité française récente, il n'y a malheureusement pas que le Front National qui se fasse refuser des crédits. Les paysans, vignerons notamment, en savent quelque chose qui se cassent parfois (souvent?) le nez sur le guichet de la banque dite verte, anciennement mutuelle, qui était jadis censée être la leur et désormais leur préfère d'autres catégories socio-professionnelles, aux ongles plus nets.
Le problème du crédit aux entreprises, aux entreprises viticoles particulièrement, n'est pas nouveau. On est souvent passé de trop à pas assez. Tout allait bien tant qu'on était dans une logique années cinquante, ultra-mécanisée et productiviste, un peu moins semble-t-il quand on s'attache à une agriculture plus fine, plus précise, plus délicate.


Ainsi sont apparus ces derniers mois deux initiatives dans l'air du temps qui tentent d'apporter une réponse à ce problème, en facilitant l'accès à ces crédits d'appoint qui font souvent défaut aux vignerons. Deux plateformes de crowdfunding pour reprendre le terme patois en vogue. J'avais assez longuement discuté avec leurs promoteurs respectifs avant le lancement, qui s'est produit à quelques semaines d'intervalle, fundovino.com d'abord, social-wines.com ensuite.


L'idée est de mettre le vigneron directement en contact avec son public, avec ses fans et, pour lui,  d'échanger un don contre du vin* ou un accès privilégié au domaine. Et, preuve que le monde du vin bouge, se renouvelle et commence à surfer, ça marche! En une paire de mois, certains projets ont déjà abouti. Oh, évidemment, pas d'œuvre pharaonique pour l'instant, mais du concret, comme ce foudre dont avait besoin les Champenois Francis Boulard et sa fille ou ces vingt ares de vigne que souhaitait acquérir le caviste parisien Thomas Noël à Canon-Fronsac.
Pour que le système fonctionne, il faut, me semble-t-il, que le demandeur bénéficie d'une certaine notoriété, et/ou soit bien connecté aux réseaux sociaux. Avantage donc aux bons communicateurs, et à ceux qui inspirent de la sympathie. Mais nous n'en sommes qu'aux balbutiements de ce système


Vous voulez vous lancer? Voici donc un exemple, spécial copinage. Parce que j'aime le type, j'aime ce qu'il fait et la façon qu'il a de le faire. Je vous ai déjà parlé de lui, Régis Cogranne, au Domaine du Viala, dans le Minervois. Durement frappé par la grêle cette année, il voudrait replanter du grenache et du carignan. Il demande donc un coup de main sur une de ces deux plate-formes, social-wines.com. Vous voulez aider Régis? Cliquez ici. Pour vous rembourser, Régis vous propose du vin (du genre que j'aime boire-sans-soif) voire même de dormir au domaine qui est, pour moi, un des plus beaux endroits du Monde (du Monde mondial comme disent les Espagnols)!
Tiens, d'ailleurs, une idée en passant. Et si on s'offrait des actionsfundovino.com ou social-wines.com pour Noël? Ce serait aussi l'occasion de tourner le dos à ce vilain Père Fouettard qu'est devenu pour les paysans le Crédit Agricole. Pardon, le crédit qui bricole…



* Un système qu'avait mis en place il y a bien longtemps un copain pour un autre domaine du Minervois, La Tour Boisée.


L'été en hiver (sans transports en commun).

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Oui, nous sommes encore en automne, mais ça sent l'hiver! Quoi de plus normal quand on a passé le dix décembre? Vous remarquerez d'ailleurs que ceux qui se plaignent aujourd'hui du froid sont les mêmes qui ronchonnaient contre la canicule. Trop froid, trop chaud…
Et puis, si vous voulez vous réchauffer le moral, moi, j'ai un bon truc. Si, si! C'est un peu coûteux, mais tellement moins qu'un billet d'avion pour les Maldives, le Sénégal ou le Cameroun. Et moins polluant aussi. Quoique…


En fait, le truc n'est pas de moi. C'est juste mon beauf' qui m'a envoyé un carte postale d'aujourd'hui. Enfin, oui, vous savez, ces photos d'ailPhone qu'on poste non pas dans des boîtes de ferraille jaune ou à la poste centrale de Yaoundé, mais sur Facebook. Au passage, j'ai vu que depuis sa plage ensoleillée, il avait bien picolé le salopard! Des grandes étiquettes, des bordos comment disent les amateurs de bojonovo, mais pas que de l'étiquette, du bordo tendance pomerol. "Et glou, et glou, et glou, il est des nôoooootres…"


Mais là où j'ai vraiment cru qu'il était sous les tropiques, le beauf', c'est quand il m'a montré son plat principal. Oui, je sais, c'est bizarre de poster une photo d'assiette; il me l'a envoyée parce qu'il déjeunait dans un grand hôtel de son pays de sauvages, un hôtel au nom de papier ou de carte de visite, je ne sais plus, peu importe. Et vous savez ce qu'il mange, le beauf', alors que nous, nous sommes condamnés (quelle douce peine…) aux légumes d'hiver, aux racines, aux courges, aux choux? Vous savez ce qu'on lui a servi dans son palace, là, au Velin, ou au Canson, au Vergé, je ne sais plus? Des tomates et autres joyeusetés du mois d'août! Un dix décembre! Ça ne doit pas être facile pour le chef (qui est français de métropole dit-on) de s'adapter ainsi à des pays sans saison!
Vous ne me croyez pas? Regardez la photo ci-dessous. J'espère au moins que pour le dessert, il a eu des abricots et des cerises.


Ah zut! Ça y est, j'ai enfin retrouvé le nom de l'hôtel, c'est le Bristol. Ce qui est bizarre, moi qui croyait que mon beauf's'éclatait au Sénégal, c'est qu'il paraît que cet hôtel où on mange l'été en hiver est installé à Paris. Il doit sûrement y avoir un micro-climat…




Avec mon p'tit panier…

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J'y pensais ce matin en filant au marché. Sur le chemin de La Boqueria, il y avait un Caprabo ou un Mercadona, je ne sais plus, un de ces pousse-caddies à la sauce espagnole, d'où je voyais sortir des ménagères chargées de sacs plastiques eux même débordants d'emballages et de sur-emballages du même matériau. Dans mon panier, deux blocs réfrigérants et quelques boîtes recyclables, pour aller embarquer chez ma gitane blonde du rond des poissons de quoi faire un fumet de gambas rouges.
Ma gitane blonde, ceux qui connaissent ma cuisine la connaissent aussi. Un peu voleuse sur les bords, mais toujours prête à négocier, davantage adepte de l'effectivo que de la tarjeta (allergie au plastique?), c'est une des spécialistes des crustacés du grand marché des ramblas de Barcelone. Plus encore que les touristes contre lesquels elle lâche ses peones, Cristina déteste les photos, c'est donc un grand honneur qu'elle ait accepté de poser pour moi devant son bel arrivage de Palamós.


Ce à quoi je pensais, en même temps qu'à ces luxueuses gambas que je m'apprêtais à lui commander pour ce samedi, c'est à ce chiffre effrayant, incroyable, lu au petit déjeuner dans Le Figaro: "près de 269000 tonnes de déchets plastiques flotteraient à la surface des océans dans le monde". 269000 tonnes, ça vous parle? Tenez, voici l'intégralité de la dépêche:
  • "La pollution par des micro-plastiques est observée avec différentes concentrations dans tous les océans de la planète, mais les données sont insuffisantes pour estimer avec précision le poids total de ces détritus de micro et macro-plastiques qui flottent en surface, expliquent des scientifiques dont les travaux paraissent dans la revue américaine PLOS ONE.
  • Pour tenter de faire une estimation plus précise, ces experts de cinq pays ont utilisé les données collectées au cours de 24 expéditions effectuées pendant six ans (2007-2013) à travers les cinq grands gyres subtropicaux (tourbillons de confluence des principaux courants océaniques), la côte australienne, la baie du Bengale et la Méditerranée.
  • Les données portent sur les micro-plastiques récupérés dans des filets et sur les grands débris de plastique observés de visu. Toutes ces informations ont été utilisées pour calibrer un modèle informatique de la répartition de ces déchets sur les océans. A partir de ces données et de ce modèle, les chercheurs ont chiffré à au moins à 5.250 milliards le nombre de particules de plastique dans les océans, qui pèseraient au total près de 269.000 tonnes.
  • Les grands morceaux de plastique paraissent être abondants près des côtes, et se réduisent en micro-plastiques dans les cinq grands gyres, expliquent les auteurs. Ils ont constaté que les plus petits micro-plastiques étaient présents dans des régions éloignées des zones habitées, comme les zones subpolaires, ce qui les a surpris.
  • Cette répartition des micro-plastiques dans des zones éloignées pourrait suggérer que les grands gyres agissent comme des broyeurs des gros morceaux de plastique, après quoi les micro-plastiques sont éjectés par les courants partout dans les océans. "Les cinq gyres subtropicaux dans lesquels s'accumulent les déchets plastiques ne sont pas la destination finale mais les micro-plastiques qui en résultent interagissent avec tout l'écosystème océanique", explique Marcus Eriksen, directeur de recherche à l'Institut 5 Gyres, en Californie, un des responsables de cette recherche."

Comment ne pas penser à ces gyres, à ces tourbillons de saloperies en train de coloniser les océans alors même que je déambulais dans le rond au poissons? Un peu plus loin, près des bouchers, je me suis même pris à regarder d'innocents acheteurs, poche en plastique à la main, comme des monstres, des ennemis. Parce que même sur les marchés, de nos jours, le plastique inutile a fait son trou.
Mais que représentent ces quelques sacs de La Boqueria et de tous les marchés du Monde par rapport à la masse hideuse des emballages inutiles que dégueule chaque jour la grande distribution? Rien ou presque. La Communauté européenne a pris des mesures, qui ne concernent malheureusement que les poches plastique. Ici et là en Allemagne ou à Bordeaux**, se sont montées de moyennes surfaces qui proposent des produits en vrac; excellentes initiatives mais si frêles face à la Pieuvre des pousse-caddies. Que faire? Interdire les hypers et les supers? C'est peut-être l'unique solution.
En attendant, avec mon petit panier, je me suis dit que j'avais tout sauf l'air d'un con…




* Oui, samedi soir, chez mon pote Xavier Plégades qui tient le bistrot-caviste Célestin, à Narbonne, j'ai dans l'idée, pour fêter Noël avant l'heure, de marier ces trésors marins espagnolsà la chair ferme de beaux poulets de La Piège
** Cliquez sur ce lien.



Mademoiselle, Mon Plaisir et la police de la Pensée.

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Mademoiselle. J'adore ce mot. Sa musique, d'abord, qui varie suivant les accents, pour devenir plus canaille à Paris, plus enjôleur à Aix-en-Provence. Mademoiselle… Et tous ces doutes, ces sous-entendus, ces questions en suspens. Une vraie demoiselle? Il y a tellement plus de mystères chez une demoiselle. 
Ce mot, sublime, a colonisé d'autre langues, publicité chantante, par exemple en anglais, pour un art de vivre à la française. Que de rock rauque dans le "mademoiselle" d'Iggy Pop. On en fait des chaussures, des parfums, du marketing bien sûr mais aussi le souvenir troublant d'émois tremblants, de "rendez-vous" où elle finit par se rendre.
Mademoiselle, pourtant, est désormais prohibé sur sa terre natale, biffé des indigestes formulaires administratifs. Disparue des paperasses, la demoiselle à la peau blanche et fine, à la sueur délicate. Au nom d'un féminisme qui sait pourtant détourner efficacement le regard d'autres atteintes infiniment plus flagrantes, plus odieuses, plus monstrueuses à la condition des femmes ici et ailleurs. Féminisme de pacotille, moralisme déguisé, qui se dresse sur ses ergots, gesticule pour un charmant (et académique) "Madame le Président" et se voile la face par ailleurs, là où ça fait mal. Que l'on me traite de macho pour cette poignée de mots, je m'en contrefous et pense plutôt aux sourires de ces demoiselles fières de l'être et qui m'en remercieront.


Je ne vais pas lister ici toutes les folies, tous les gadgets politiques mis en place par les crétins malchanceux arrivés par hasard au pouvoir dans ce beau pays de France. On pensait avoir touché le fond de la piscine précédemment, il restait visiblement quelques brasses. Je passerai sous silence la stupide interdiction des feux de cheminée décidée par une bande de bas-de-plafonds (lire ici l'article de Que Choisirà ce sujet) et qu'on s'apprêterait heureusement à remettre en cause. J'éviterai d'évoquer la réglementation crétine bientôt appliquée sur l'intitulé de la viande dans les pousse-caddie (j'en parlais l'été dernier).
Mais avant qu'il ne soit trop tard, comment ne pas évoquer le dernier coup de folie des prohibitionno-moralistes de l'Association Nationale pour la Prévention en Alcoologie et Addictologie, la tristement célèbre ANPAA, qui tentent d'inciter nos gouvernants* à commettre une bêtise de plus?


C'est le site Vitisphère qui révèle l'affaire. Le président de l'ANPAA, Alain Rigaud, "a rencontré le 3 décembre le député PS Olivier Véran, rapporteur sur la loi de Santé publique (qui devrait être débattue en mars ou en avril à l'Assemblée Nationale). Au cours de ce rendez-vous, le président de l'ANPAA a présenté neuf amendements soutenus par l'Association, faisant preuve d'une certaine dextérité à s'adoner à l'exercice de lobbying. Si la plupart des amendements reprennent les positions traditionnelles de l'association, il en est un qui est une véritable surprise. Il s'attaque en effet aux noms des cuvées, dont certaines sont accusées de contourner la loi Évin en évoquant de trop près le champs lexical lié à l'hédonisme. Jamais l'ANPAA n'avait affiché une telle volonté de contrôle et d'intrusion. Elle souhaite "revenir à l'esprit originel" de la loi Évin, fait-t-elle savoir mais, avec cette proposition, l'ANPAA va incontestablement plus loin et s'attaque à la liberté des entreprises de choisir le nom de leurs vins."


Des cuvées qui "évoquent de trop près le champs lexical lié à l'hédonisme"? Ce thème avait déjà été évoqué récemment par le Ministre de la santé, j'en avais parlé ici.
"Le champs lexical lié à l'hédonisme", ça nous conduit où, ça dans la tête de ces grands malades grassement subventionnés? Bon évidemment, l'étiquette de Ganevat, ci-dessus, ça saute! J'en veux!!! Et puis quoi encore? L'envie, le désir, le plaisir ne sont qu'addictions pour cette bande de frustrés que je finis par trouver, de ce point de vue là notamment, effrayants**.
On songera également à supprimer toutes les cuvées, tous les écrits, les intitulés qui évoquent la joie, la bonne humeur, la convivialité. Finis les Miss Glou-Glou, les délires tire-bouchonnesques de Rémy Bousquet, , les épaulé-jetés de Tolmer/Breton et compagnie! Eh oui, "le champs lexical lié à l'hédonisme"… Je ne vous parle pas non plus des photos ou des dessins. Dans le même ordre d'idées, il faudra traquer l'humour. C'est dangereux l'humour. D'ailleurs, ne voit-on pas les gens qui ont trop bu rire ensemble? Le rire est aussi un ennemi.


Mais ce n'est pas tout! Au delà de cette communication plus moderne du vin (on faisait bien pire du temps du Postillon et de Kiravi…), "le champs lexical lié à l'hédonisme" il faudra aussi vérifier qu'il ne se terre pas dans la toponymie de notre bon vieux pays, et donc sur les étiquettes. Ce cher Clos de Mon Plaisir murisaltien, il faut vite que j'appelle Jean-Marc Roulot pour lui dire que ça aussi, c'est terminé! "Mon plaisir", tu n'y penses pas, Jean-Marc? Comme tous les autres Monplaisir, Mondésir, Les Amoureuses. Censurons le cadastre et la carte d'état-major! Interdisons gaiement! Va savoir, interdire, ça leur procure peut-être du bonheur dans la culotte à nos amis prohibitionnistes?
In fine, on s'en prendra à nos bonne vieilles appellations contrôlées. En commençant par le saint-amour. Parce qu'en matière de ""champs lexical lié à l'hédonisme", ce beaujolais égrillard, vicieux, conjugue lui deux motifs d'addictions, l'alcool et le sexe, une honte! Et on se débarrassera au passage de la petite IGP Vallée du Paradis, au cas où…


De toute façon, car le Diable se cache dans les détails, il faudra inventer et mettre en place une véritable unité de traque de tout ce qui pourrait  de près ou de loin s'approcher de ce fameux "champs lexical lié à l'hédonisme". Allons, n'ayons pas peur des mots, une "police de la Pensée", méthodique comme celle de Beria, qui traquera l'envie et le désir, ainsi que tout ceux qui peuvent les générer. Afin de poursuivre la grande œuvre des prohibitionnistes subventionnés (grâce notamment aux impôts de l'industrie vinicole), fonctionnarisés: l'éradication du vin dans son pays d'élection.




* Pensez à en parler à votre député avant qu'il ne soit trop tard…
** Lisez ou relisez cette chronique qui expliquait leur tentative de s'en prendre aussi à notre vie sexuelle. Au tracers des dérapages de certains de leurs hiérarques, comme ici, je finis vraiment par les trouver un peu bizarres, à l'image du roi de la censure hollywoodienne dont je vous avais parlé un jour. 

Noël étouffe-chrétien.

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C'est en pénétrant sur la place Sant Jaume que j'ai remarqué cet attroupement. Juste au pied de la Generalitat de Catalunya (sorte d'équivalent d'un conseil régional français mais avec des possibilités de corruption améliorées). Apparemment, ce n'était pas une manifestation; elles sont nombreuses, quasi-quotidiennes, sur cette esplanade pavée, cœur historique, administratif et politique de la Catalogne, où se trouve également l'ajuntament, la mairie de Barcelone.
Beaucoup de locaux, mais aussi une foule de touristes dans cet attroupement surveillé par des agents de la Guardia Urbana plus débonnaires que d'habitude. Pas de doute, il ne pouvait s'agir que d'un évènement officiel.


Pas de cris, pas de heurts, tout le monde était là pour voir, photographier la crèche de Noël 2014. Une crèche organisée comme chaque année par la municipalité. Pour ce millésime, le thème (comme spécifié sur son site Web) est de célébrer la Barcelone, la Barcino romaine où, catalanisme oblige, l'on a décidé de faire naître le Christ.
Ne comptez pas sur moi pour ajouter mon grain de sel à ce débat-rideau de fumée qui a mobilisé les politiciens, les préfets, les médias français et qui a permis d'éviter une fois de plus de parler des problèmes majeurs. Moi qui suis religieusement sang-mêlé, mi-luthérien, mi-jésuite, j'ai passé mon enfance dans une maison sans crèche sans être dérangé le moins du monde par celle des voisins. Pour ce qui est de l'Espagne d'où je vous parle, les règles y sont différentes, surtout dans cette très cléricale, très traditionaliste Catalogne. Bref, vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà…


N'empêche que si l'on se met, du côté français des Pyrénées, à expurger la fin décembre de tous les symboles chrétiens, il va y avoir du boulot. D'abord et avant tout, finis les congés de Noël. Pour les agents de l'État en priorité, puisqu'administration et laïcité, c'est sacré… En suivant, ce serait amusant quand même une grève de la CGT pour demander le respect de la tradition religieuse, non?
Au niveau de la déco municipale, on songera aussi à interdire toutes les guirlandes lumineuses, et tous les sapins de Noël, éminent symbole religieux, sorte de "crèche protestante"*. Y compris ceux des petits malins qui, comme à Paris, déguisent le leur en gigantesque plug anal.


Tant qu'à y être, et comme on est dans un pays où les fonctionnaires aiment bien faire la loi (cf.ma chronique d'hier), autant réglementer les menus de réveillon. Enfin de ce qu'il en restera. Là, je dois dire que ça m'arrange plutôt. On prononcera l'interdiction, sous peine d'amendes, du saumon de merde et de la dinde d'usine. Pour les truffes, on reviendra au rythme naturel, ce qui fait qu'on ne sera plus obligé de se taper en décembre des tuber melanosporum pas mûres, maquillées à l'huile de butane**, juste pour frimer sur Facebook.
Et, comble du bonheur, miracle de la Nativité (pardon…), l'État prohibera un dessert dont j'ai une sainte (re-pardon…) horreur: la bûche de Noël. Oublié, ce pensum lourdingue, synthétique, cet amoncellement pseudo-artistique (tendance peintre-cheminots)! Oublié l'étouffe-chrétien! Hosanna!
— vous en prendrez bien un petit morceau?
— non, non merci, désolé, je suis au régime. En plus, je suis devenu allergique au gluten…


Moi, en tout cas, je sais par quoi je vais la remplacer, la bûche. Par un de ces délicieux desserts d'hiver moches selon les pom-pom girls de la foodisterie, un de ces desserts qui servent davantage à être mangés que photographiés. Un dessert moins créatif, certes, mais où le goût n'est plus relégué au rang subalterne de variable d'ajustement. Un pain perdu. Avec du bon pain qui ne pue pas la chimie. Un pain qui sent le travail, rassis comme il faut, surtout pas frais! Et des œufs de ferme. Et du lait d'étable, cru, du bon beurre cru, lui aussi, tout comme la crème fraîche. Sans oublier cette vanille rapportée en fraude par un Roi-mage qui constituera, dans son formidable exotisme, dans sa munificence, mon seul, unique et merveilleux cadeau de Noël. Avec juste un peu de vin de paille. Qui me rappellera la paille de la couche du petit Jésus.




* Le sapin de Noël est le pendant luthérien de la crèche catholique, son opposé même. Cette tradition venue d'Allemagne s'est propagée avec la Réforme : les protestants abhorraient les représentations des personnages bibliques, à commencer par Jésus et Marie. Les santons ne pouvaient donc être utilisés, le symbole de Noël est donc devenu le sapin, même si la célébration est d'origine païenne. C'était le sapin protestant contre les santons catholiques. En France, dans un premiers temps, cette tradition se limite à l'Alsace. Après la guerre de 1870, les familles alsaciennes fuyant leur région font connaître la tradition de l'arbre de Noël dans toute la France.
** Pour les explications quant au méthyl 2-butanol et à l'huile "de truffe" bidon, c'est ici.

La mort des vendanges humaines.

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Je vous en avais parlé ici. Comme d'habitude, on m'avait dit que j'exagérais, les attachés de Presse (officiels et officieux) m'avaient conseillé d'attendre, de ne pas me précipiter, de "mettre de l'eau dans mon vin".
Pourtant, depuis aujourd'hui, c'est officiel, le "contrat-vendanges" est mort, enterré par une majorité de députés de l'Assemblée nationale*. Oh bien sûr, on me dira que ce dispositif existe toujours. Oui, en apparence seulement, puisque, comme le souligne La Vigne, "il vient de perdre son principal intérêt: la loi de finances 2015, et avec elle l’article 47, supprime les exonérations de charges jusque là accordée", et qui bénéficiaient aux vendangeurs. Il n'était déjà pas simple de trouver des vendangeurs en France, ça va carrément devenir impossible!


Car concrètement, que signifie ce vote? Tout simplement la condamnation à mort des vendanges manuelles, des vendanges humaines dans beaucoup d'appellations (sauf le Beaujolais et les effervescents où elles demeurent obligatoires). Dans un pays dont la courbe du chômage, contrairement au reste de l'Europe, refuse de s'infléchir, c'est en soi une idée géniale. Pour promouvoir l'image et la qualité de nos vins (la filière représente le second exportateur français derrière l'aéronautique), c'est également une belle trouvaille.
Messieurs nos chers élus (chers au sens de coûteux), j'espère que les fabricants de machines à vendanger penseront à vos étrennes, vous le valez bien. Voilà en tout cas encore un joli geste** dont nous nous souviendrons aux prochaines élections.


* Le Sénat lui avait proposé hier encore que ce dispositif soit maintenu.
** Vous trouverez au bout de ce lien la liste des députés qui ont voté pour cette Loi de Finances.



La mouche et l'or vert.

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2014, année de la mouche? Un peu, oui. D'abord, il y a eu celle qui a frappé dans les vignes, celle au nom de moto japonaise, la Suzukii dont on a souvent découvert trop tard les dégâts, du Languedoc-Roussillon à la Bourgogne et l'Alsace, en passant par la Suisse. On sait qu'elle a coûté aux vignerons de précieux hectolitres, dans un millésime de belle facture pour pas mal de régions.
Mais voici qu'est apparue, fille d'un hiver trop doux et de beaux jours pas si beaux que ça, l'autre mouche. Bactrocera oleae de son petit nom. Elle, c'est la mouche de l'olive. Tout aussi redoutable que sa copine Suzukii, elle tourne autour des fruits encore verts pour les piquer et y pondre sa larve, laquelle au bout d'un mois a creusé des cavités qui rendront l'olive impropre à la consommation; elle tombera d'ailleurs d'elle même.


Récemment, les oléiculteurs français, provençaux et languedociens, s'en sont émus. Sur une récolte prévue de cinq mille tonnes, ils comptent n'en récolter que quinze cents. C'est catastrophique, comparable à 1956, l'année noire, l'année du gel. Attendez-vous à des quantités d'huiles minimales l'an prochain, et sûrement à des hausses de prix.
Mais, sans mépris aucun pour les producteurs français, la vraie grosse mauvaise nouvelle est arrivée ces jours derniers d'Espagne, avec une baisse de la production estimée à près de 50%, aux alentours de 643.000 tonnes. Car en Andalousie aussi, la mosca de la aceituna a frappé, favorisée par l'humidité et la chaleur. Et l'Andalousie, notre olivette géante, pèse jusqu'à 80% de l'huile d'olive espagnole, plus d'un quart de la production mondiale à elle seule. Là, ça ne rigole plus.


Je vois d'ici les gros malins, un rien franchouillards, qui vont, narquois, m'expliquer qu'eux s'en tapent le coquillard car ils ne mangent pas de cette huile-là. Ouais, ouais…
Revenons aux chiffres. En année normale, la France produit 5000 tonnes d'huile, l'Espagne, 1.350.000 tonnes. Vu? Juste pour le plaisir, j'ajoute l'Italie 450.000 tonnes et la Grèce, 310.000 tonnes. 
Pourtant, on consomme beaucoup plus d'huile d'olive qu'avant dans l'hexagone, quatre fois plus qu'il y a quinze ans, il y en a désormais dans tous les pousse-caddies, avec de splendides étiquettes pagnolesquesà souhait. Ah, Puget& compagnie, leur accent chantant, la Provence, sauf que la plupart de ces huiles de marques ont autant l'accent des Baux ou d'Aix que Manolete ou Camaron de la Isla. Au mieux, elles débarquent de Jaen, de Cordoue, mais certaines n'ont pas hésité à traverser la Méditerranée.
Pour faire simple, on importe en France 95% de l'huile qui y est consommée. Rassurez-vous, les Italiens ne sont pas en reste avec leur Carapelli et autres trucs du genre.
Tout ça pour dire qu'en 2015, grâce à la mouche, nous allons vraiment savoir ce que c'est que "l'or vert"…



In Web Veritas.

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J'ai eu la chance de naître dans l'amour des livres. En plus de l'odeur du papier, des librairies, mon univers olfactif s'est enrichi par la suite de celle de l'encre, ce parfum particulier des imprimeries (souvent associé pour les calages à la saveur, atramentaire, du mauvais café de machine). J'évoquais il y a deux jours, à propos des crèches et des sapins de Noël, ma part de racines luthériennes. Comment, fort de cet héritage culturel, ne serais-je pas sensible à ce que l'imprimerie a apporté à la civilisation? En diffusant le savoir (et la Bible dans sa nudité), le caractère mobile métallique de Gutenberg ne fut-il pas finalement le vrai moteur de la Réforme?


J'aime les livres, les journaux. J'aime ce qu'ils m'ont apporté, les souvenirs qui s'y rattachent. Mais, au delà des sentiments, comment ne pas comprendre que les temps ont changé? Il ne s'agit pas de tourner le dos à la chose imprimée; de nombreux ouvrages, pour peu qu'ils s'inscrivent dans le durable, ont toute leur place dans nos bibliothèques, mais le reste, les Merci pour ce moment, les romans de gare et toutes les denrées rapidement périssables de ce genre?
C'est dans cet état d'esprit que j'ai reçu ce matin le courrier (numérique) de Philippe Stuyck, le rédacteur-en-chef du magazine belge In Vino Veritas, fondé en 1992 et édité jusque là sur papier:
  • "Nous défendons une viticulture propre, saine, proche de notre "patrimoine Terre", écrit-il; la majorité des viticulteurs qui paraissent dans In Vino Veritas, s’ils ne s’attardent pas toujours à revendiquer le "bio", travaillent dans ce sens.
    Écologiquement, un éditeur-papier n’est plus crédible !
    Il y a le papier, les encres, les invendus, l’empreinte carbone …..
    Cela suffit, me suis-je dit !" 


In Vino Veritas met donc un terme a sa version imprimée. Pour des raisons économiques, sûrement, en partie, mais surtout en se posant les bonnes questions, dans un souci de cohérence. Car, en 2014, comment ne pas être d'accord avec Philippe Stuyck? Un journal, un magazine, un guide, un catalogue, une notice, un annuaire sur papier, c'est vrai qu'outre le fait que ce soit vraiment ringard, c'est une profonde marque de mépris, une extravagante insulte à la Nature! Répétons-le, le papier, l'encre, les transports, le stockage, le recyclage…
Le numérique, lui aussi, pollue, consomme de l'énergie, mais remporte forcément le match écologique pour ce type de publications. Tout n'est pas réglé pour autant, les modèles économiques du Web sont encore instables, le problème des contenus, de leur financement et du revenu des auteurs restent à débattre.
Pour le coup, je fais mienne la pensée de Kierkegaard*: "on ne peut comprendre la vie qu'en regardant en arrière, on ne peut la vivre qu'en regardant en avant.



* Exhumée par mon copain Hervé Bizeul pour fêter aujourd'hui son cinquante-cinquième anniversaire.


Pin-ups liquides.

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Les calendriers, c'est devenu un marronnier des fins d'année. Je veux parler de ces calendriers qui mettent en scène les membres de telle ou telle profession, de telle ou telle association, plus ou moins dénudés. C'est ainsi qu'on est arrivé, par exemple, sur les traces des Dieux du Stade, à une sorte de calendrier Pirelli des Tattooed Hippie Pirate Mommas, un groupe de "mamans non-conventionnelles" comme elles se définissent, fondé au Texas et qui depuis essaime à travers le Monde, au travers notamment de sa page Facebook. Plus conventionnel, le calendrier 2015 des taxi-drivers new-yorkais se la joue black-latino. Si le souvenir de Robert de Niro vous hante, il vous en coûtera $14.99(+ les frais de port) en cliquant ici.


Le mondovino n'échappe pas évidemment à la mode. Dans la lignée des Dieux du Stade, on a eu en 2011 Les Dieux de la Vigne de Prébois (ci-dessous), dans les Alpes, en Trièves, tandis que l'année à venir nous offre un regard sur les vignerons champenois de l'Aube, mais ça reste très sage, tout comme le millésime 2013 des vigneronnes cubzaguaises. On est loin des paysannes olé-olé de Suisse romande ou d'Allemagne qui nous rappelaient le bon vieux temps des calendriers d'huile moteurs ou de tronçonneuses des ateliers d'antan.


Dans un style plus rustique, les Corbières fournissent depuis 2006 une vision du calendrier Pirelli qui ne manque pas de sel. L'initiative revient à un groupe de viticulteurs du village de Talairan, rassemblée autour de la coopérative dans l'association Les dessous de la viticulture. Les photos sont de Gilles Fournier, âmes sensibles s'abstenir…


Revenons enfin au rayon dames avec un rendez-vous devenu  depuis 2006 un must: le calendrier des vigneronnes autrichiennes transformées en pin-ups. Bon, disons-le tout net, c'est moins rock n'roll que les Tattooed Hippie Pirate Mommas, c'est plus propret. Si j'étais mauvaise langue, je dirais, à l'image des vins autrichiens. Mais, faites-vous une idée par vous même, voici un court extrait (janvier, mai, août, octobre) de l'édition 2015 du Jungwinzerinnen Kalender.




Les pesticides ne sont plus cancérigènes !

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Moi, je ne suis pas médecin. Michèle Delaunay, si. Médecin spécialiste, cancérologue, responsable de l'unité de dermatologie-cancérologie du CHU de Bordeaux. Michèle Delaunay, pour ceux qui ne la connaissent pas, fait aussi de la politique, elle a sa carte au Parti socialiste; aux législatives de 2007, elle avait même eu la chance (c'est son titre de gloire) de battre Alain Juppé dans la 2e circonscription de la Gironde. Fervent soutien de Ségolène Royal puis de François Hollande, elle a été nommée ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de la Dépendance sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
Si je vous parle de cette dame, c'est parce que, comme le relate Antonin Iommi-Amunategui dans Rue89, elle vient de faire une publication médicale de la plus haute importance, fruit d'une découverte (encore secrète) qui va à l'encontre de ce que pensaient nombre de scientifiques internationaux. Bizarrement, pour une publication de ce niveau, elle n'a pas choisi The Lancet ou je ne sais quelle revue médicale mais Twitter. Oui, Twitter, le réseau social qui gazouille. Que voulez-vous? On n'arrête pas le progrès.
Tenez, lisez, c'est un moment historique pour la Médecine et l'Agriculture que vous avez la chance de revivre en léger différé:


"Les produits de la culture (sic) de la vigne ne sont plus cancérigènes". Que veut-elle dire? Un peu interloqué par ce qui ressemble à un scoop médical, Antonin Iommi-Amunategui demande cet après-midi à l'ex-ministre de préciser sa pensée.


Si le sujet n'était pas aussi grave, concernant des dizaines de milliers de vignerons et de travailleurs de la vigne, on pourrait presque en rire. On pourrait en rire si l'on n'avait pas lu l'inquiétant rapport sur les pesticides et la santé publié le 13 juin 2013 par l'INSERM. Le 13 juin 2013, Michèle Delaunay était encore ministre délégué, sous l'autorité du ministre de la Santé.
Oui, on pourrait en rire si, une fois encore, un élu, un ancien ministre de surcroît, n'avait pas ridiculisé sa fonction. Si une fois encore un politicien français n'avait pas fait le pitre, discréditant un peu plus, si c'est possible, la parole publique.




Absolutely fabulous !

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À mon grand désespoir, je n'ai qu'un copain Lord héréditaire, un fieffé ivrogne, d'ailleurs, il faudra que je lui demande son avis sur l'affaire qui fait scandale outre-Manche. Vous n'avez pas lu? Même Le Monde en parle dans son joli magazine: "les pairs britanniques ont refusé de fusionner leur service de restauration avec celui des députés pour préserver la qualité de leur champagne". Splendid! "Absolutely Fabulous!" comme dirait Patsy! Évidemment, là où ça coince, c'est que la période est plutôt aux économies. Et on ne parle pas de petites économies, parce qu'aussi bien chez les parlementaires de base que chez les Lords, on ne lésine pas sur la bulle. Depuis 2010, ces derniers ont acheté, pour leur consommation au bureau, 17000 bouteilles de champagne, pour un montant de £265770.


Mais comme l'explique The Guardian, plus encore que la Reine et leur petit confort, leurs Altesses aiment les marques. Normalement, alors qu'à la Chambre des Communes, on se contente de champagne à façon (qu'on boit également en quantité), à la House of Lords, on biberonne du Taittinger. Que voulez-vous? Les habitudes (plus encore les mauvaises que les bonnes), ça a la peau dure, surtout chez les vieux. Remarquez, c'est facile (agréable aussi, avouons-le) de se moquer de l'Anglais, mais je pense que si l'on allait faire le récup'-verre du Sénat ou de l'Assemblée, on ne serait pas déçu…


Histoire d'aider ces chères (coûteuses?) Altesses à surmonter ce cap difficile, je ne saurais trop leur conseiller d'emboîter le pas de leurs équivalents pinardiers, les Masters of Wine. Car mine de rien, les Maîtres du Vin viennent le mois dernier de découvrir l'eau tiède en matière de bulles. Plus punk que Sid Vicious lui-même, énorme coup d'audace, ils ont organisé pour la première fois une dégustation de champagnes produits non pas par des wineries ou des coopératives, les champagnes de marque, industriels, mais par des vignerons, des growers.
 

Ben oui, chers lecteurs, vous savez, les champagnes que nous aimons et que nous buvons, meilleurs et éventuellement moins chers, qu'on trouve même dans des bistrots d'apache, comme ci-dessus à Barcelone, à L'Ànima del Vi où il faut penser à aller se fournir pour les réveillons. Les Boulard, Vouette & Sorbée, Prévost, Laval, Gerbais (auteur de la célèbre Franckequette qu'adore Woody Allen, PJ), Tarlant, Selosse, Brochet, etc…
 


Harper's n'en est pas encore revenu de tant d'audace, oser boire autre chose que la bulle des aéroports, des Novotels et des pages de pub sur papier glacé, il faut être dingue!
Rassurez-vous, mon pote Bertie, lui, les champagnes de vigneron, il n'a pas attendu les MW pour s'y mettre le museau. Mais il faudrait qu'il en parle à ses collègues, rapport aux économies de la buvette de la Chambre.
Allez, champagne, Mylord ! Et cours, le vieux Monde est derrière toi…







Éjaculation précoce & tomates en plastique.

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C'est grossier, mais c'est devenu une habitude de l'époque, comme les zaricots et les coups de téléphone à table: désormais, on vous la souhaite bonne dès décembre. Avant même que l'année nouvelle n'ait poussé ses premiers vagissements (lesquels éventuellement peuvent ressembler à des rots de mauvais champagne). Donc, depuis quelques jours, à l'amerloque, nos boîtes-à-lettres numériques s'encombrent de sourires commerciaux qui ne devraient pas changer grand chose à 2015 mais dans lesquels on sent poindre comme un soupir de soulagement. Celui de s'être débarrassé d'une corvée.

Le joyeuses-fêtes-bonne-année du jour qui m'a fait rire ce matin, c'est celui de l'Adrià's Company, dont l'intitulé commercial est BCN 5.0. Cette structure rassemble les mangeoires barcelonaises (dont des étoilées) de l'ancien chef d'El Bulli et de son frère Albert, Tickets, Pakta, Bodega 1900, Hoja Santa
Bon, la première information, c'est qu'ils ne sont pas rancuniers, surtout après le compte-rendu que j'avais fait de mon intoxication chez Tickets. La seconde, même si elle n'est qu'une confirmation, c'est que ces gens-là ont une culture, une connaissance et un amour du produit au moins aussi considérables que celui d'un guichetier de McDonalds.


Parce qu'enfin, qui à part des valets de Monsanto, oserait encore dans le Mondogastro identifier sa cuisine aux saloperies de tomates en plastique qui ornent cette carte de vœux précocément éjaculée? Des tomates de décembre, ça va de soi; quand on est "un des plus grands chefs du Monde", la saison, forcément, cette petite chose ridicule, n'existe plus. On est bien au-dessus de ça.
Quoiqu'il soit, cette image vaut mieux qu'un long discours. Nous sommes là en plein dans la doctrine des cuistots créatifs d'aujourd'hui*, hors-sol, asservis à l'Internationale de la Malbouffe, mélangeant business douteux et ambitions cantinières. Dans celle de la poursuite du grand projet de déstructuration de notre patrimoine biologique et gastronomique. En plein aussi dans cette tradition espagnole, remontant à Franco, qui a fait de l'agriculture productiviste ibère la fille aînée de l'Amérique**. À l'image de Tickets et des autres restaurants des Adrià, maqués entre autres avec Caca-Cola.



* La tomate en plastique est d'ailleurs toujours très tendance, puisqu'il s'agit, je l'écrivais il y a peu, d'un des grands produits mis en avant par Omnivore.
**Lire ou relire ce billet où l'on révélait le rôle joué par un secrétaire d'état espagnol, Josep Puxeu, pour tenter d'imposer les OGM en Europe, contre l'avis de la France.


Images cochonnes, fétichisme, bondage, outrage, blasphème… #1

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La luxure. Y penser. Résister. Attendre. Tenir.

Images cochonnes, fétichisme, bondage, outrage, blasphème… #2

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(suite de #1)
Cette peau. La finesse de cette peau. Cette pureté, cette blancheur que l'on va martyriser, brûler, souiller.

Images cochonnes, fétichisme, bondage, outrage, blasphème… #3

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(suite de #2)
Passer sous la peau. S'immiscer. Fouiller. Aller aux entrailles. Humer ce ventre frais. Un Bacon. Pas du bacon! Non, on ne petit-déjeune pas chez les mufles. UN Bacon! Majuscule.

Images cochonnes, fétichisme, bondage, outrage, blasphème… #4

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(suite de #3)
On ne parle pas assez de l'odeur. Le nez, le groin. Oui, il faut sentir la viande, on en apprend plus là que dans un livre. Ce nourrisson ségovien de trois mois sent encore le lait. Si loin de l'odeur de pisse des vieux porcs mal élevés qu'on sert aux gastronomes anosmiques (ou urolagniques)…

Images cochonnes, fétichisme, bondage, outrage, blasphème… #5

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(suite de #4)
La tête, avec le cerveau à l'intérieur. Parce que manger, c'est cérébral. Mais pas que. Il faut aussi une bouche et des doigts. Arrêter de penser. Jouir physiquement. Bestialement.

Images cochonnes, fétichisme, bondage, outrage, blasphème… #6

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(suite de #5)
Tranquille comme un petit Jésus dans son berceau. Outrage! Blasphème! Et si le cochon devenait à son tour, après les crèches et les sapins, un symbole religieux? En manger ou pas? Ne faudrait-il pas l'interdire? En vertu du principe de précaution. Au cas où…

Vanille ?

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Au début, il y a une envie toute bête: cuisiner un peu de pain perdu pour passer les restes de Noël. La matière première, donc, on l'a. Tout comme un litron de lait frais et la demi-douzaine d'œufs de ferme qui va avec, fraîchement arrivée de France. Parce que pour le coup, on n'est pas pas en France mais en Espagne, de passage dans une ville moyenne, normalement aisée, de la grande banlieue de Barcelone, Vilanova i La Geltrú*.


Faute d'épicerie ouverte (le samedi après-midi, le commerçant catalan se prépare au dimanche), je fais un crochet par la petite supérette sise à proximité de la mairie, quartier charmant quoiqu'un peu décati et squatté par le révolutionnaire subventionné, réputé pour ses soirées animées. Renseignement pris, après avoir fait le tour d'un important rayon d'épices et de condiments, la taulière me met sous le nez une poudre blanche dans un flacon transparent qui évoque irrésistiblement le sucre glace. Un peu comme sur la photo du haut de la page…


Décision est prise de s'adresser à un spécialiste. Au bas de la rambla, côté mer, est installé un herboriste qui fait figure localement de référence devenu avec le temps épicier bio. "Là, tu trouveras tous les épices du Monde!" Je me bouche le nez en frôlant les cosmétiques et les onguents, évite soigneusement les blisters de tofu et les sachets de pisse-mémé, me dirige prestement vers le rayon convoité: rien. Je demande à l'employé qui me redirige vers la cheftaine qui elle-même interpelle le propriétaire, lequel peine à masquer un soupir, puis me conduit vers une étagère près de l'entrée d'où il extrait fièrement un flacon de plastique à l'étiquette pas très "nature".
Comme il insiste à me convaincre que ce liquide contient bien de la vanille, je lui fais remarquer la mention "ARTIFICIAL" inscrite en majuscules et en caractères gras, bleu-marine, sur le flacon. Déçu, il me sort sa carte maîtresse, un gros bocal de verre sur lequel un autocollant indique là-aussi en majuscules noires sur fond jaune: "VAINILLA". Le seul problème, c'est qu'à l'intérieur, ce sont des bâtons de cannelle. Je lui fais remarquer, il prend un air (faussement?) surpris…


On me conseille alors de déroger à mes principes, et d'aller enterrer mes illusions dans la banlieue de la banlieue, et nous voici sur le parking glauque d'un hipermercat qui sent bon le fait-divers, l'ado poignardé, la femme battue et le gamin enlevé-violé-assassiné. Le tout sur fond musical de Seat Ibiza jaune. Quand on aime le pain perdu…
À l'intérieur, c'est la fiesta générale! On voit bien que la maison s'est décarcassée pour faire venir du Monde entier (du Tiers-Monde entier) les produits les plus fabuleux: ananas DelMonte du Costa-Rica au Bromacil, saumon fumé aux farines animales, foie gras hongrois…


Le rayon "aide à la pâtisserie" est important. Pour un peu, on se croirait au Celler de Can Roca, dans le labo magique de Jordi Roca. L'industrie pétrochimique nous offre là de quoi laisser s'exprimer toute la créativité des cuisiniers en herbe, sous la houlette notamment du Dr. Oetker, multinationale de la malbouffe au passé douteux. Là aussi, évidemment, pas question de vanille naturelle, la vanilline d'usine (liquide, pas en poudre) règne en maître.


Je vous passe les épisodes suivants de cette épique quête de la vanille, nous en avons trouvé deux gousses défraîchies dans un autre pousse-caddie et avons finalement été sauvé par un lointain souvenir de voyage au Kerala**, encore gorgé d'arômes riches et précieux. Le pain perdu est sauf, il sera pur et sans taches, naturel.


N'empêche qu'au delà de cette anecdote, voilà bien l'illustration d'une tendance lourde, voulue par l'industrie de la malbouffe, mise en place avec la complicité active de la Pieuvre de la grande distribution, de politiciens dévoyés et de cuistots déstructurants du genre de celui sus-cité: tout est mis en œuvre afin de perdre la mémoire, les parfums, les goûts, les saveurs de base qui forment notre bibliothèque, notre abécédaire de ce qui se mange et se boit. Plus de chocolat, de l'arôme chocolat. Plus de citron, de l'arôme citron. Plus de truffe, de l'huile de truffe. Et plus de vanille, de la vanilline. Tout cela évidemment orchestré par les fabricants d'odeurs artificielles, qui vont verser leur poison olfactif dans notre vie quotidienne, toujours le même, synthétique, du désodorisant WC au yaourt. Pensez-y, et loin du prêt-à-chier, et revenez au fondamentaux.





* Je vous parlé de son joli marché (malheureusement fermé l'après-midi) dans ce billet. Vilanova, cité ouvrière, abrite aussi un important port de pêche qui fait d'elle, comme Palamos, Dénia ou Huelva, une des capitales de la gamba roja. Moins connue des touristes, la sienne est au moins aussi estimée à Barcelone que celle de Palamós.
** Puisqu'on parle de Kerala, si pour bien finir l'année vous vient l'envie d'une bonne action, pensez à aux écoliers de Inde-Deux-Trois.

À l'Ouest, tout de nouveau.

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On venait de se battre avec une de ces trouvailles catalanes sur lesquelles s'émerveillent les diseurs de bonne aventure appointés. Oh, pas un vin détestable! Juste un de ces trucs qu'on n'a pas envie de boire, dont la bouteille restera ad vitam æternamà moitié ou aux trois-quarts pleine, jusqu'au jour où l'envie d'une daube voire un évier compatissant…
C'était pourtant un cépage qu'on aime bien, du morenillo, qui donne, même sur les terres brûlées par l'air méditerranéen de Terra Alta, des rouges allègres, sans lourdeur. Mais là, ça ne fonctionnait pas. Des arômes cuits, et cette pointe acétique (le mot poli pour ne pas dire vinaigré), peut-être accentuée par cette vinification en amphore* mise en avant par l'étiquette de façon un peu tapageuse, ostentatoire. Peut-être pour faire oublier qu'il était produit à une poignée de kilomètres d'une des pires centrales nucléaires d'Espagne, celle d'Ascó, coincée entre Terra Alta et Priorat, qui finit de polluer ce qui peut l'être encore de l'Èbre, à quelques kilomètres de son delta.


Donc, alors qu'arrivait la blanquette de veau à l'ancienne (juste liée à l'œuf et à la crème fraîche sur un bouillon réduit), on a calé. On comprenait bien l'intention marketing, le discours commercial qui allait avec, mais dans le verre, ça ne faisait pas la maille. Impossible d'aller plus loin.
Alors est arrivée la seconde bouteille qui s'est imposée comme une évidence. Pas de blabla identitaire, d'amphore et tutti quanti, juste du vin, pur net et précis. Du vin dont le contenant semble à tous trop petit, avec lequel on se chamaille le dernier verre, la dernière goutte. Du plaisir liquide.


Cette bouteille est une vieille connaissance. il y a un bout de temps, nous en avions sifflé un magnum en deux temps trois mouvements. Il nous a été révélé par le plus lyonnais des Portugais, Georges Dos Santos, Georges Five, le frapadingue de la rue du Bœuf, caviste, bistrotier, spécialiste international des vins rares et/ou bizarres. Dans la bouteille, comme l'indique l'étiquette de ce 2012, c'est du bastardo.
Là encore une vieille connaissance que ce cépage étrange dont l'origine hésite entre le Sud-Ouest de la France et le Jura. Car ceux qui ont lu ça connaissent son petit nom: trousseau. Ce trousseau franc-comtois qui, selon la génétique, serait en fait un croisement du duras gaillacois et du petit-verdot bordelais, avec surtout le savagnin en toile de fond (qui lui aussi a largement essaimé dans le Sud-Ouest). Ce trousseau, tréjean, "gros-cabernet" ou figou dans le Sud-Ouest dont on trouve environ cent soixante-dix hectares en France (une grosse centaine dans le Jura) mais qui sous ses autres noms, bastardo (Portugal, Chypre, Espagne, Australie, Californie, Afrique du Sud, Argentine), merenzao (Espagne), maría-ordoña (Espagne) a colonisé différents vignobles de la planète. 

 
Du trousseau/bastardo, on en trouve en quantité, en tout cas plus qu'en France, en Australie, en Afrique du Sud, et aux États-Unis. Pourtant, sa terre d'élection est sans conteste le Portugal, où il est implanté dans tout le pays. Selon les derniers chiffres officiels, il y couvre au total 1218 hectares, soit sept fois plus que dans toute la France. Il est d'ailleurs classé comme un des "très bons cépages noirs" pour l'élaboration du porto.
Pour ce qui est des vins secs, le trousseau/bastardo a longtemps eu moins bonne Presse. Triomphant au XVIIIe siècle, il a peu a peu été abandonné du fait de sa maturité trop précoce et de sa couleur trop faible. Le collectif Conceito ("Concept" en portugais) auquel on doit ce vin est installé dans la partie orientale du Douro, à la frontière espagnole, à Vila Nova de Foz Côa (ci-dessus), au bord du Côa, un affluent du Douro. Il s'agit de vignes de moyenne altitude (300-400 mètres) hérités des nombreux petits domaines familiaux installés dans la région, connue aussi pour ses oliveraies, ses amanderaies et ses gravures préhistoriques à ciel ouvert, classées au Patrimoine mondial de l'Humanité.


La cuvée dont il est question aujourd'hui est vinifiée par une œnologue locale, Rita Ferreira Marques (ci-dessous), technique mais pas techno, une pro, quoi! Un vin à la fois frais, digeste et mûr, sans aucune verdeur, sans le côté raide qui le caractérise parfois dans le Jura. Un vin d'équilibre aux arômes de griotte et de poivre blanc, entre pinot et gamay, élégant et, disons-le tout net, beaucoup trop facilement buvable! Avec des zigotos comme moi (ou comme Georges), comptez un magnum par tête…
Pour le tarif, évidemment, ce n'est pas donné-donné vue la vitesse à laquelle on le descend, même si le rapport prix-plaisir demeure épatant, un peu moins de vingt euros en moyenne.


Pour en revenir au point de départ, certains objecteront, il n'auront pas complètement tort, que je suis injuste de comparer ce genre de jus dont l'harmonie est forgée par l'Atlantique avec les vins catalans. C'est vrai qu'il y a une part de fatalité climatique, et il y a peu de raisons, compte-tenu des bouleversement en cours, que ça s'arrange. Le quart Nord-est de la Péninsule ibérique, on le sait désormais, est de loin le plus apte à produire des rouges d'aujourd'hui, équilibrés, dynamiques, élégants. Ça vaut pour une partie du Portugal, terre de grande tradition viti-vinicole, mais aussi pour la Galice, un partie du León, Madrid, la Navarre ou évidemment la Rioja.
Pour autant, je reste persuadé qu'il n'y a pas que ça, je crois que ces pays sentent le vin, qu'on y est un peu moins sensible aux modes et aux gadgets, qu'il y existe encore une vrai rapport à la terre, qu'on agite moins de drapeaux mais qu'on y a l'identité chevillée au corps. Qu'aux vins d'opportunistes**, on préfère ceux qui te regardent dans les yeux.
À cela s'ajoute ce professionnalisme évoqué plus haut, une tradition (même si je n'aime pas ce mot) sur lesquels, en élaguant, peuvent s'appuyer ceux qui veulent aller de l'avant, parfois en revenant aux racines comme avec ce trousseau/bastardo.
Bref, cet exquis rouge portugais nous rappelle une fois encore qu'en Espagne, si l'on veut s'amuser à découvrir, si l'on veut s'étonner, c'est à l'Ouest, que tout est nouveau.




* J'avais évoqué ce problème à propos du déclassement du second vin de Pontet-Canet, lui aussi vinifié en amphore. Selon une étude de Raphaël Maye, héritier de cette grande famille de vignerons suisses, cette intéressante technique peut facilement faire monter l'acidité volatile, de 0,2g/l en moyenne, ce que tous les vins n'encaissent pas de la même manière. Ce qui n'empêche qu'il existe de grandioses vins d'amphore, tel le trousseau jurassien de Tissot.
** À cet égard, on m'a encore récemment raconté une vilaine histoire à propos de l'ingratitude de deux starlettes du vin catalan branché, pleines de bouche mais un peu oublieuses de ceux qui les avaient aidés à leurs débuts. Et plus intéressées par le fric que par les principes dans lesquelles elles se drapent.


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