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Faites des économies, arrêtez les grandes surfaces!

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Pour informer, il faut savoir se sacrifier. J'ai donc décidé, afin de vous aider à ne plus jeter votre argent par les fenêtres, de faire mon devoir d'ex-journaliste. N'écoutant que mon courage, j'ai bravé la laideur et me suis rendu dans un de ces centaines de bas-fonds que la France (et ses politiciens complaisants) a secrété depuis trente ans: une "zone commerciale". Ça s'est passé à Lézignan-Corbières, localité au centre jadis animé à laquelle on accède désormais en traversant une forêt vierge hostile, plantée d'enseignes toutes plus disgracieuses les unes que les autres. Au milieu de cette favela de la distribution où l'herbe et l'arbre ne poussent plus, trône, comme le veut l'usage, le supermarché, prince clinquant de ce désert de l'humanité. Ici, dans la Zone de Lézignan, c'est un Intermarché. Mais la démonstration fonctionne avec tous ses concurrents.


À moitié gazé par les pots d'échappement d'un parking envahi de Picasso (mais que vient faire Pablo dans cette galère?) et de Scénic, j'ai d'abord du vaincre une armée vociférante vêtue d'un singulier uniforme, hybride de polyester et de t-shirt sans manches, poussant de drôles (et contondantes) cages de ferraille galvanisée sur roulettes. Et, là, j'ai pu accéder au cœur du dispositif de ce château du papier-cul et du produit-vaisselle: le rayon primeurs. En fait, dans ce parcours guidé qui n'est pas sans rappeler celui des bœufs à l'abattoir, vous passez par là au début de votre visite. Ça brille, c'est coloré.


Contrairement à certains triple-étoilés catalans qui servent de l'asperge début décembre, j'ai la faiblesse de croire encore aux vertus des fruits et légumes de saison, donc, dans le cadre de mon enquête, je me suis intéressé à la tomate. Ça tombe bien, il y en avait une tonne ou deux face à l'entrée. Une affaire, une super promotion! Je vous assure, c'était marqué en caractères gras, gras comme l'odeur qui s'échappait de la boulangerie industrielle voisine. "1,50€ le kilo" hurlaient les affiches! Ces merveilles rutilantes, aussi dures et lisses qu'un galet (mais peut-être moins parfumées que le galet), arrivaient tout droit d'Espagne et de Hollande. C'est vrai qu'à la fin de l'été, en Languedoc, des tomates, c'est difficile à trouver, il faut qu'un semi-remorque fasse au minimum deux-mille kilomètres sur les autoroutes pour nous en procurer…


Mais, n'oubliant pas l'impavide reporter que je fus, je contourne l'offre alléchante à 1,50€ et me dirige sur le côté gauche de l'étal vers le rayon des tomates de luxe (photo du haut de la page). Oui, parce qu'on me l'avais répété, les grandes surfaces, désormais, font de la qualité, du haut-de-gamme; on y trouve "des produits qui valent bien ce qu'on achète sur les marchés!"
Pas de doute, on est bien dans le produit de luxe! Pas tant au niveau de la qualité de ce fruit lui aussi dur et parfumé comme la pierre (et encore la pierre chaude…), mais au niveau du tarif! La "noire de Crimée" en plastique, plus monsantiste que kokopelliste, se négocie à 4,35€ le kilo. Quant à celle de la marque déposée* Kumato®, elle bat tous les records du CAC40 à 5,99€! On me rétorquera que c'est du Made in Francecomme dit le faux Mitterrand à rayures du Mont Beuvray:
– Comment donc qu'tu vas, Monique?
– Ben, l'gars Mont'Bourg (lui répondrait cette chère Monique de Saône-et-Loire), j'va pas ben à mon port'feuille! Quarante francs l'kilo d'tomates en plastique, l'mousquetaire, y veut m'plumer comme une volaille de Bresse!


Eh oui, Monique n'a pas tort. "C'est pas écrit bécasse" ajoute sa cousine des Landes, Maïté, histoire de lui emboîter le pas. Oui, parce que toute garde-barrière qu'elle est, Maïté, on ne lui fait pas. Elle sait qu'à cinq cent mètres de l'odieux supermarché et de son univers sordide se tient le marché hebdomadaire de Lézignan. Et que dans ce marché, on y vend des tomates. Mais pas les mêmes, pas des contrefaçons, des fruits de paysans qui poussent en plein champ, des cornues des Andes, des (vraies) noires de Crimée, des green zebra… Et que ces tomates qui n'ont parfois fait que quelques centaines de mètres du jardin à l'étal, on les vend à un prix qui ne permet pas de se payer une Porsche Cayenne de patron de grande surface. Grosso modo, après avoir fait le tour des principaux marchés des environs à la même période, cela s'échelonnait, pour les variétés dites anciennes (je préfère dire pures) de 80 centimes d'euros le kilo pour les très/trop mûres à 1,50 euros.


Dans ce débat entre la merde de supermarché et la tomate normale, je ne fais pas entrer en ligne de compte la qualité gustative, c'est incomparable. Je ne reviens pas sur le fait que la grande distribution est un des pires cancers qui soit arrivé à la France depuis une trentaine d'années, avec son cortège de laideur, de destruction du tissu urbain, du lien social, de l'industrie locale, de l'agriculture traditionnelle, de l'emploi, etc, etc… Non, là, je ne parle d'argent. De pognon, d'oseille, de fraîche! Si on veut payer moins chère ses tomates (et pas mal d'autres choses!**), c'est au marché qu'il faut aller***, pas dans ces zones commerciales où pendant que l'on croit faire des affaires, d'autres en font sur son dos.
Et tant qu'à parler de ces merveilleux marchés languedociens, je vous invite à une petite balade en images, à Lézignan-Corbières, Olonzac, Port-La-Nouvelle et Carcassonne. L'été, une foule dense de connaisseurs, souvent étrangers, continue de s'y presser, tournant ostensiblement le dos aux "super promotions" du monde de la malbouffe. Régalez-vous, vous allez voir, on y trouve de tout, souvent des merveilles dont on sait l'origine. Des primeurs, des volailles, du poisson, des fromages de chèvre et même du cheval (sauf que là, on décide d'en manger, on ne nous raconte pas des mensonges!). Allez, vous verrez, c'est agréable de faire des économies…

 


* Kumato® est une marque développée à partir de la région de production intensive d'Almeria en Espagne par Syngenta, une société suisse spécialisée dans la chimie et l'agroalimentaire, issue de la fusion en novembre 2000 des divisions agrochimiques des sociétés AstraZeneca et Novartis. Elle est le leader mondial dans la recherche liée à l'agriculture1, en particulier la production de pesticides et semences. Elle commercialise entre autres du maïs Bt génétiquement modifié.
** Je vais glisser sur les ventes de vins foireux qui débutent ces jours-ci en France dans la GD, j'en ai parlé ici.
*** Évidemment, une autre solution, quasi parfaite, est de cultiver soi-même ses tomates. À cet effet, je verse au dossier un lien vers Kokopelli, un des meilleurs pourvoyeurs de semences pures, menacé par le lobby monsantiste qui sévit à Bruxelles avec l'aide du caniche espagnol.



Angela, présidente!

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Loin de moi l'idée de m'immiscer dans la campagne électorale allemande, c'est de vin dont il est question. En cette rentrée, je vois fleurir dans les médias pinardiers français une rafale (ô combien justifiée) de dénonciations de la ratonnade dont le vin est la cible dans sa terre d'élection. Depuis trente ans, les hommes politiques, de Gauche comme de Droite, suivent aveuglément les diktats d'une clique de fonctionnaires hygiénistes, moralistes, qui veulent faire notre bonheur malgré nous. Et objectivement, on se dit que tout est fait pour nuire à ce qui constitue pour l'Hexagone, qu'on le veuille ou non, la deuxième source de revenu à l'export.
Et surtout, c'est là que j'en viens à Angela Merkel, lisez (ou relisez car il a déjà été amplement diffusé*) cet extrait du fameux discours qu'avait prononcé la chancelière allemande le 24 mars 2010 lors de l'inauguration du salon InterVitis de Stuttgart, un message d'amour au vin et aux vignerons de son pays, un refus aussi de l'infantilisation de l'individu telle qu'on la pratique en France.
"Lorsque nous parlons du vin et de la viticulture, nous parlons d'un produit unique. […] La viticulture n'est pas seulement de tradition millénaire, elle forge aujourd'hui encore les paysages, l'économie et la culture de régions entières. En Allemagne, nous sommes fiers d'avoir au moins quelques vignobles exceptionnels. […] Un grand merci à tout ceux qui s'y engagent quotidiennement. 
Le vin n’est pas seulement un aliment, je pense que tout le monde dans cette salle et ailleurs est d’accord pour le dire. Le vin est également synonyme de conscience de vivre et surtout de joie de vivre. […]
Par ma présence, je souhaite montrer mon estime pour le secteur économique qui peut rendre compte de faits économiques impressionnants. L’Union européenne compte environ 2,3 millions d’exploitations viticoles, ce qui représente pour notre continent une part non négligeable de l’économie de classe moyenne. De la viticulture nait une multitude de synergies, par exemple avec des mots comme tourisme et gastronomie. Ainsi, la viticulture contribue à la création d’emplois bien au-delà de son secteur et marque de son empreinte la vie culturelle. […]
Laissez-moi finir par quelques mots sur […] la prévention de l'abus d'alcool. […] Les règlements et informations publiques sont indispensables. Toutefois, ils ne sont pas suffisants et ne doivent pas dégénérer en tutelle. Au bout du compte, il faut toujours une décision individuelle et responsable. Si nous faisions comme si nous pouvions l'obtenir en multipliant les interdictions et les obligations, nous irions droit au naufrage."
Faites-le passer à votre maire, à votre député, à votre sénateur. Qu'ils en prennent de la graine. Ce sera au passage pour eux l'occasion de redescendre sur Terre…




* Ici, notamment, chez Hervé Lalau.

Je reviendrai dans les Corbières.

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C'est un peu comme une chanson de Brigitte Bardot, "sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés"à la fin de l'été, trient leurs photos de vacances. J'en ai retrouvé hier quelques unes qui sentent la tarte à l'abricot, les baignades dans le Verdouble, la garrigue et le maquis*… Quelques clichés des Corbières, de ces montagnes sauvages où je reviendrai bientôt, où tranquillement le raisin mûrit, conscient qu'il lui faut encore patienter mais que tout est en place.


Quand on a été comme moi baptisé en Luberon, à Lourmarin, c'est bizarre, les Corbières. Cette rudesse apparente (elles ont ont pourtant la peau douce), ce peu de cas qu'on fait, justement, de l'apparence. Ici, pas de Botox ou de seins refaits, on doit les aimer comme elles sont, pour ce qu'elle sont, comme on aime vraiment. Les prendre en entier, avec le vent, les tracteurs et les chiens des chasseurs. Goûter la pulpe du carignan, sentir le miel de romarin, retrouver le sens de la Nature. Ne plus avoir peur. Franchir la vieille frontière aragonaise, piquée de châteaux français et castillans catharisés par le marketing.


Car les Corbières sont une aventure. À l'écart des itinéraires trop bien goudronnés, à l'opposé du Disneyland touristique, des mondanités médiatiques, de la littérature de Syndicat d'Initiative. Un pays de "traverses", comprenez de chemins de traverses, ces routes qui ignorent la ligne droite, virevoltent, dansent. Les faibles croient qu'on s'y perd, les autres savent qu'on s'y retrouve. Il y a tant à faire sur cette terre fière qui cultive la vigne et l'olivier mais pas le sourire commercial. Je reviendrai dans les Corbières.





* Mais je pourrais aussi parler des paillotes de la Méditerranée, de la musique de L'Altesse et de celle de Papillon (pré-commandez son disque ici), du marché de Lézignan, du décolleté de Fanny, de La Mer, des fromages de Carrus, des bateaux de Port-La-Nouvelle, des vins des copains (ici et , notamment), des descentes à Perpignan… et de ce projet dont je vous parlerai un jour.


Poches de sang, pots de vin.

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Las bolsas de sangre, les 211 fameuses poches de sang de l'Affaire Puerto, ces pièces à conviction que la Justice espagnole n'a pas voulu remettre aux instances internationales, à l'issue du procès du Docteur Dopage… Pas de doute qu'elles ont coûté cher, très cher à la candidature de Madrid aux JO 2020, les questions posées par le jury aux maîtres d'œuvre du dossier ont été claires. Mais, dans leur logique, les Espagnols avaient-ils d'autre choix que de les détruire? Pouvaient-ils laisser révéler ainsi les noms des 211 tricheurs, cyclistes, tennismen, athlètes, footballeurs, clients d'Eufemiano Fuentes? 
Sans raccourci aucun, pas même celui de l'eucharistie, ce sang m'amène au vin. Et je repense immanquablement à la propension qu'on a trop souvent dans le Mondovino*, outre-Pyrénées, à faire de "petits arrangements avec la réalité". Certes, les Espagnols ne sont pas les seuls à tricher. "Balaie devant ta porte, Franchute!" Il n'empêche…
Me vient bien sûr à l'esprit l'affaire du Jumillagate. Pas tant le système Pay for Jay, le système de "péage" mis en place par l'ex-Master of Wine Pancho Campo avec certaines entreprises et Denominaciones de Origen du pays**, que la réaction qui a suivi localement: la plupart des professionnels ne s'indignaient pas de l'existence de ce système scabreux mais du fait qu'on l'ait révélé! Je repense aussi à ces bodegas hâtivement repeintes en vert, juste le temps de signer les papiers, à ces boutiquiers, ces sommeliers, devenus, d'un coup de baguette magique, plus nature que nature, soudain frappés d'amnésie, oublieux de leurs pipes à Pinocchio. Et à cette image, en Priorat, au cœur d'une magnifique vallée de Poboleda, lors d'une visite dans un domaine "bio". Nous étions avec un groupe d'importateurs Anglais, le viticulteur, la main sur le cœur, des trémolos dans la voix, leur racontait son amour, sa passion pour l'écologie. C'était beau. Émouvant. Le type, un vraqueur*** connu, pour leur prouver son respect pour la Terre, leur montrait ses parcelles. Enfin, pas toutes. Celles pour la photo. Pas la grande, par exemple, qui était juste derrière nous (et qui lui appartenait), désherbée à mort, façon napalm Vietnam 70's
"En Espagne, on annonce le double et on ne fait que la moitié" m'avait dit il y a quelques mois un vigneron andalou un peu désabusé par ce genre de façons de faire. Viendra un jour (l'échec de Madrid et la victoire des "Jeux atomiques" aidera peut-être à réveiller les consciences) où il faudra, plutôt que de croire aux miracles, au bingo ou aux super-héros américains, se poser la question de la durabilité de ces façons de faire. Ou de ne pas faire.



* On pourrait aussi parler d'agro-alimentaire, de gastronomie, de corruption, de comptes publics…
** Un système impliquant le Wine Advocate révélé par Jacques Berthomeau et moi-même, puis par le travail opiniâtre de Jim Budd. Des révélations qui ont abouti (même si les intéressé ont nié tout lien de cause à effets…) aux évictions de Jay Miller et Pancho Campo.
*** En Priorat, la course au vrac est un des sports les plus pratiqués. On trouve en réalité, derrière des noms de Domaines connus, du vin de négoce (parfois bon), acheté à ce genre de viticulteurs et trimballé en citerne. J'avais même pensé un jour à baptiser une cuvée Camions del Priorat

Que vaut le vin sans la fraternité?

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Le vin est une passion. Et, aussi, un objet de débat. Ça ne date pas d'hier. Au temps où il n'était (presque) qu'hexagonal, on s'écharpait gaiement entre Bordelais et Bourguignons, comparant des crus que tout oppose, ce qui justement fait leur complémentarité. Chauvinisme, folklore, tout est permis dans ces joutes finalement assez joyeuses et désormais planétaires, même une légère dose de mauvaise foi, qui comme chacun sait est le poivre de la controverse.
Tant mieux que l'on s'engueule en parlant de vin, c'est le signe qu'il est vivant, bien vivant. C'est aussi la preuve de sa diversité. Tous les goûts sont dans sa nature, pourvu qu'on ne l'avale jamais comme ces produits stéréotypés que les World Companies veulent nous faire passer pour la norme, bières, cocas et hamburgers. Qu'il reste une fête!


Il y a toutefois une limite au débat. Elle est franchie, insidieusement, avec la répétition, la systématisation des attaques ad hominem. On peut bien sûr défendre telle ou telle vision, ne pas être d'accord avec tel ou tel, mais il y a des façons de s'en moquer ou de l'attaquer*, ou, plus précisément, des façons de critiquer ses méthodes, sa production, son jugement. Pour reprendre un exemple récent sur un réseau social, on peut évidemment être en désaccord avec les goûts, les choix de tel ou tel journaliste du vin sans sous-entendre, à la façon d'un Déat ou d'un Doriot, l'existence d'une collusion, d'un pacte secret, pour ainsi dire d'un "complot maçonnique".
Bref, le débat, oui, le nauséabond, non. Le vin vaut bien mieux que ça, bien mieux que les extrémismes et les vociférations. Depuis huit mille ans, il est au contraire un vecteur de civilisation, la lumière des agapes, une des expressions, raffinée, de l'humanisme. Il m'évoque immanquablement ces deux mot, "Amour & Partage", ces deux mots que répète inlassablement, du haut des tours de Carcassonne, Olivier Zavattin.


Le vin, ce sommelier est "tombé dedans", il en a fait son sacerdoce, il lui coule dans les veines, et encore plus s'il provient de sa terre languedocienne. Le vin tolérant, sans exclusive, de la rigueur de cette chère Marie-Louise Banyols à la grande époque des Feuillants de Céret aux projets œnotouristiques, munificents, du tycoon narbonnais Gérard Bertrand, en passant par les étoiles de L'auberge du vieux-puits, du Pont de Brent ou du Domaine d'Auriac. Là, c'est au cœur de la Cité de Carcassonne qu'il officie. Pas du côté des épées en plastique, mais dans une ruelle tranquille, à l'écart de la populace.


L'endroit, qu'il a récupéré début juillet s'appelle Le Comptoir des Vins et des Terroirs. Un bistrot pas snob pour un rond où l'on grignote trois bêtises de qualité en buvant des coups. Peu à peu, Olivier Zavattin pose sa marque sur l'existant. Il fait entrer des vins qui lui parlent comme ceux de Jeff Coutelou (quand la feria de Béziers ne l'empêche pas de livrer…), de l'Oustal Blanc, de Lapierre ou de Borie de Maurel. Il invite des vignerons, à l'image d'Hélène Cases et de son époux Henri (ci-dessous) qui produisent, entre autres, à Leuc, au Domaine Saint-Martin, une huile d'olive de qualité internationale. Du Comptoir, il en fait son chez lui, et chez lui, on est bien.


Sur sa carte, comme dans la vie, les envies se mélangent. Du classique, du beaucoup moins, rien de doctrinaire. Tant pis pour les tenants du Comité Central, pour les commissaires politiques, Olivier Zavattin vend du vin pas des discours. Et encore moins des gravures de mode. Il offre simplement des petits moments de bonheur sans chichis, avec générosité, éventuellement une guitare manouche, fraternellement. Parce que finalement, que vaut le vin sans la fraternité?



*Mon camarade Jacques Berthomeau l'évoquait hier encore en préambule de ce billet.

Torbreck et le vin qui pue.

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C'est une histoire dont on parle beaucoup depuis quelques heures dans le Mondovino, dans celui qui parle anglais en tout cas. Une histoire que j'aurais préféré ne pas avoir à raconter. L'Australien Dave Powell, un vigneron emblématique du Nouveau-Monde, la star de la Barossa Valley, vient de se faire débarquer purement et simplement de son domaine, de "sa maison" comme il dit: Torbreck.
Pete Kight, l'investisseur américain devenu propriétaire (grâce à une clause de l'accord qui le liait à Dave Powell) de Torbreck explique à la revue Decanter que le contrat du vigneron arrivait à échéance et que la négociation pour le reconduire à échoué. Et que du coup, il est parti.
Le problème, c'est que Dave Powell vient de répondre à ces assertions de Pete Kight, il vient de le faire, ce matin, dans une longue lettre à l'attention de ses amis où il revient sur l'origine de sa relation avec l'investisseur. Car il a ressenti le besoin de tout lâcher, de dire sa vérité: "Money can buy a lot of silence but in the end the truth will always out." Cette lettre, je la reproduis ci-dessous, avec l'accord de Dave Powell. Vous la lirez en détail, mais il explique grosso modo qu'il s'est fait avoir, que "par stupidité", passez moi l'expression, il s'est fait baiser. Et il raconte comment il s'est fait chasser comme un malpropre du Domaine qu'il a créé en 1995, la maison, la voiture, l'email, la carte de crédit…


Comme toujours dans les divorces, il y a sûrement du pour et du contre. Tout n'est jamais tout blanc, ni jamais tout noir. Mais, c'est avec une immense tristesse que j'ai appris le départ de Dave. Et avec encore plus que j'ai lu ce courrier. Il faut avoir rencontré ce type pour comprendre, ce gaillard au coup de taureau, taillé comme un seconde-ligne, avoir bu, mangé et ri avec lui, avoir goûté aussi, compris le vin, englouti de la syrah et du grenache*, croisé au delà de sa truculence, de sa générosité, son regard d'enfant pour comprendre ça. "Torbreck, écrit-il à la fin de sa lettre, n'est plus désormais qu'une étiquette." En lisant ça, j'ai pensé à d'autres domaines, à un, en particulier, à Saint-&-Millions. J'ai pensé à d'autres tristesses. Au pouvoir de l'argent, aux "dommages collatéraux" qu'il peut engendrer quand il tombe dans de mauvaises mains, à la sale odeur de la convoitise, à ce monde d'avocats et de comptables vétilleux qui peut rendre le vin puant.
Mais, surtout, surtout, j'ai bien entendu la promesse de Dave. Avec son fils, Callum, qui travaille actuellement dans le Rhône, chez Jean-Louis Chave, il va revenir. "Je suis assis, dit-il, au bord de cette rivière, la Para, regardant cette vallée qu'il aime tant, et je suis déterminé, je sais que ce n'est pas la dernière fois que vous allez entendre parler de moi." Je sais, nous savons tous que des projets sont en cours. Go ahead, Dave! We love you, fuckin' Aussie!

* Quand Torbreckétait encore Torbreck, j'aimais particulièrement son grenache, The Steading, moins connu que ses syrah parkerisées, mais tellement bon à boire après quelques années de garde.



La lettre de Dave Powell.

"Open letter to lovers of Torbreck

Greetings,

Not from Roennfeldt road, as you may have heard by now. It’s a pretty sad story and one I want you to hear directly from me. Rumours are already flying out there and I want to set the record straight. It’s a bit of an essay but bear with me, we have seven years of history to cover here. Here goes…

Seven years ago, on a Friday night in Atlanta, Georgia, I met US businessman Pete Kight and his wife Terry who had come to meet me as fans of Torbreck wines. Discovering that they were heading to Oz that coming Christmas with their two children, I invited them over for a BBQ if they made it to the Barossa.

Come December the Kights did indeed make it to the Valley and joined my then wife and I with my two boys for a great summers night. Over an old bottle of RunRig the conversation turned to business and I was telling Pete how I had to somehow raise the money to buy out my then fellow shareholder Jack Cowin.

Pete surprised me by offering to help, and although I needed a substantial amount of money, he said if it stacked up he would love to help me get my business back for my boys and me – I’d told him I’d always seen Torbreck as a legacy for my sons.

I could not believe my luck, I’d had no idea he was a billionaire. At the time I also remember thinking of the old saying that if it seems too good to be true it usually is, however I had my back to the wall so we proceeded with the deal.

That mistake cost me everything.

My lawyer advised me not to sign the deal that was presented to me, as there was a clause that would see me lose Torbreck if ever enforced. I told Pete my lawyer told me not to sign as it stood and needed to be amended. He responded by saying his lawyers were being over zealous and not to worry, we needed to get it done and could sort it out later. That he was only doing the deal to help me get Tobreck back for my family.

Fast forward five years and the time has come as per the contracts for me to provide Pete an exit from the business. I was given six months to execute the buyout. And this is where the problem in the contract came into play – if I could not complete the deal in time my option would expire and he would own Torbreck. Despite my many protestations during the five years, that problem clause never was amended. One could take the view that that was intentional…

The deadline was the 27th of July this year and I was close to getting one of many suitors to sign up. At this stage I believed I only needed another couple of months to get the deal done – time I believed in good faith that I had. I’d also spent $250,000 and become deeper in debt to Pete trying to get the deal done, and was financially very vulnerable. There may have been significance in that.

So imagine my surprise when working in Sydney, I was told Pete was at Torbreck. I was summoned home to attend a meeting with him and Torbreck Chairman Colin Ryan.

When Pete invested in Torbreck I had taken on several million dollars of the debt personally, including the 1.14 million Colin had made out of the original deal with Jack Cowin. In my naivety I did not understand the significance of this. I was about to find out.

I walked in, sat down with Pete and Colin. No pleasantries were exchanged before Pete told me that my time was up, his shares in Torbreck were no longer for sale, and the company now belonged to him.

I was told that I was no longer employed by Torbreck directly, but could have my own company working for Torbreck as a consultant roaming the world selling wine on commission, and that that commission would be directed back to Torbreck to resolve the debt I had taken on in signing the deal. If I didn’t take the ‘job’ on offer, my debt would be called in and I’d be bankrupt.

I asked about my equity in Torbreck and was told that, as per the deal I’d signed, my equity was gone. I turned to Colin, who I've said publicly was like a father to me, and asked, ‘What about all the times we spoke about changing that clause?’ He just shrugged. I have to say that was one of the greatest betrayals of my life.

20 years of my life, all the backbreaking work of the early days bringing those beautiful old vineyards back to life. All the heart and soul poured into my wines, each with their own special character and story. Two decades of literal sweat, blood and tears, gone. The inheritance I’d built from nothing for my sons, and the staff who’d become like family. Gone. Just like that.

I’ve seen the article in Wine Spectator Pete claiming that I haven’t been responsible for hands-on winemaking since 2006. That’s just complete bullshit. I’ve been in the Barossa alongside the troops every single harvest since I founded Torbreck in 1994, and I take full personal responsibility for the quality of every wine with a Torbreck label on it. Turns out, that was going to be a problem for me too.

You see, everyone in that meeting knew there was a serious problem with the next vintage of The Laird – the 2009. Whilst I was away doing the job of selling wine, something happened in the particular barrel store where the wine is kept. For the first time in five years the volatile acidity in the wine had gone through the roof and left unchecked. I took responsibility for it and we tried to remedy it, but it couldn’t be done. I believe the ’09 wine is unsaleable at the high price we command for it.

I’ve always maintained that I have no problems selling wines for high prices and that my benchmark is would I purchase the wine myself. In this case the answer was no. Pretty easy to offer me a job selling wine on commission when The Laird is unsaleable, and The Laird is the difference between Torbreck being profitable or not.

To conclude the meeting I was ordered to take a month’s leave and think about the new role I was to play. I was also told not to come on company property other than my house, or talk to the other members of staff, who’d been told not to talk to me. Neither man shook my hand as I left the room.

The next day my company credit cards were revoked and the following day my company email was blocked. I found out all the other employees were told that Pete had bought me out of the company, in the presence of Colin and the company CFO David Adams. I was astounded that even though they both knew the truth, they remained silent.

I felt like I was cornered so I packed up my belongings from the house I had called home for 14 years and moved to a friends’ vacant house on the banks of the Para River which they are letting me have rent free. I had to leave my company car and another mate lent me a vehicle. You certainly find out who your friends are at times like these.

Then I removed all my stuff from the office and Cellar Door. I have been accused by the new management of pilfering my own property, including the painting you see on all the Torbreck labels which was painted by my own mother.

I’ve always tried immensely hard to be good to my team, and many of them have become dear personal friends. In the Wine Spectator article this week, it was stated that my management style was ‘volatile’. I’m particularly hurt by that because I treat my team like family, always have. I hope the new bosses can say the same. Pete’s company took over our sales in the US some time ago. I still keenly remember writing a sizeable cheque from my own pocket for one of our salespeople who’d been let go a week before Christmas, after seven years, with no severance pay. Bankrupt as I am likely to be, I won’t be able to do that this time around if anything should happen to my Torbreck people and it breaks my heart to think of it.

The day after I lost everything I received a letter from Colin. It contained my “resignation” which I was expected to sign. As per my employment contract, signing that letter would have left me with no severance pay and completely penniless. That battle is ongoing, but luckily one of Australia’s top employment lawyers is a big fan of my wines and is helping out free of charge. I’m incredibly grateful to him and the many friends who’ve rallied round me at this dark time.

The hardest thing in all of this mess has been telling my two sons their inheritance is gone. My eldest, Callum, is in France at the moment working for my great friends Erin and Jean Louis Chave. He expressed maturity beyond his 19 years by telling me, “Fuck that rich bastard, don't worry Dad, when I get home we will start something up together!”

So it has been great ride, if turbulent at times. Many of you will be thinking what an idiot to trust someone that much. I agree! I have been accused of playing the victim, of being dishonest, of being reckless with company money. If I’m a victim it’s of my own stupidity in signing that deal in the first place and I'm the first to admit it. The rest though, I strenuously deny. Money can buy a lot of silence but in the end the truth will always out.

As I sit here looking out over the river in the Valley I love so much, I’m determined that this will not be the last you have heard from me. Give me a few years and my son and I will have many great wines for you to enjoy, from some very surprising vineyard sources.

Thank you sincerely for all for your support over the years. I am grateful first and foremost for the friends around the world I’ve made as I built Torbreck from nothing. They can take the company I built but they can’t take my passion. Torbreck’s just a label now – the future holds better things.

Cheers ,

Dave Powell."


La Via Catalana ou l'héroïsme subventionné.

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À Washington, Moscou, Pékin, Londres, Berlin, Paris, les responsables politiques ne parlent que de ça. C'est la Une des journaux, à peine bousculée par la sortie de l'iPhonelow cost. Inquiet, le Monde n'a d'yeux que pour le drame qui se joue: que va-t-il se passer en Syrie? La bombe à retardement va-t-elle exploser au Proche-Orient?
Il existe heureusement un îlot de tranquillité, en dehors du Temps, qui permet d'échapper à l'angoisse planétaire face au problème du moment, la Catalogne. Cette région du Nord-Est de l'Espagne se fiche comme de son premier drapeau de la misère du monde et des guerres à venir; depuis quinze jours, on n'y parle que d'une chose, fondamentale, essentielle, prioritaire, la fête "nationale". Ici, ça s'appelle la Diada, et, faute d'Histoire glorieuse, de faits d'armes retentissants, on y célèbre la défaite, lors d'un avatar post-mortem de la Guerre de Succession espagnole des insurgés catalans assiégé à Barcelone. C'était le 11 septembre 1714, les dirigeants catalans s'était "trompés" de camp, préférant les Hasbourg aux Bourbons.
Traditionnellement, la Diada est l'occasion de manifestations régionalistes, plus ou moins folkloriques, patoisantes, célébrant un Âge d'or, un paradis, une "nation" déchus (dont on peine à retrouver la trace dans livres d'histoire sérieux). Avec la crise terrible qui frappe l'Espagne (la Catalogne est la région la plus endettée du Royaume), cette fête devient l'occasion de démonstrations de force nationalistes, indépendantistes, où l'on a de cesse de dénoncer "le pillage de la région" par le reste de l'Espagne.
Avec un cynisme rare, les politiciens locaux sautent sur l'occasion pour chauffer les estrades, incanter et jouer aux chefs d'états comme les gamins au docteur ou à la marchande. Ça distrait le bon peuple, et c'est autant de temps où l'on évite de parler des vrais problèmes, le chômage, la dette et la corruption. Le scénario est bien rôdé, il ne date pas d'hier, Montalbán a déjà raconté tout ça en détail*.



Cette année, le temps fort de cette Diada, c'est la Via Catalana, une chaîne humaine organisée par un mouvement indépendantistes subventionné, l'ANC. Un projet qui consiste à relier le Delta de l'Èbre à la frontière franco-espagnole du Perthus**. On prévoit une participation massive, plus sieurs centaines de milliers de personnes, la manifestation devrait être un succès; on le sait, en période de crise, l'égoïsme et le nationalisme constituent des valeurs sûres. Et, un peu partout, sur les médias régionaux (largement subventionnés eux aussi par le parti national-populiste au pouvoir), on explique, sans se démonter, sur la lancée des organisateurs, qu'il s'agit d'un remake de la Voie balte du 23 aout 1989.
La Voie balte, pour ceux qui ont oublié, c'est une immense chaîne humaine de 560 kilomètres de long qui avait relié Vilnius à Tallinn, en passant par Riga pour demander l'indépendance des pays baltes. Ce sont les images qui illustrent ce billet. Entre un million et demi et deux millions de personnes (sur une population de sept millions d'habitants ce qui est comparable à la Catalogne) ont participé à cette manifestation qui avait provoqué la colère de Moscou. La date n'avait pas été choisie au hasard, elle commémorait le cinquantième anniversaire du pacte germano-soviétique, entre communistes et nazis.
Il va sans dire que cette Voie balte fut un acte d'héroïsme collectif d'une ampleur rare. Bien qu'adoucie par Gorbatchev, la dictature communiste déliquescente était encore là, avec son KGB, son goulag et ses chars. Et là, franchement, il faut quand même être gonflé pour oser comparer ce moment de courage collectif avec la Via Catalana! Une Via catalana organisée dans une démocratie européenne, avec la bénédiction (et les subventions) des autorités locales, sous la protection de la police (2565 fonctionnaires mobilisés, soit un tiers des forces catalanes)! Pardonnez-moi, mais c'est sous Franco qu'il aurait fallu la faire cette chaîne humaine pour que la comparaison soit possible!
Enfin, que voulez-vous, c'est l'Espagne, un pays dans lequel on entretient toujours un rapport particulier à l'Histoire. Entre amnésie, romans de cape et d'épée et bourrage de crâne. C'est la Catalogne avec son ethnocentrisme exacerbé, son nombrilisme maladif… 


Le démagogue en chef des national-populistes catalans, Artur Mas a d'ailleurs franchi juste avant la Diada, pour exciter les foules, un nouveau pas vers le ridicule absolu. Pour lui, le mouvement pour  l'indépendance est comparable à la marche pour l'égalité des droits de Martin Luther King. Rien que ça! Comme il s'intéresse désormais à l'égalité et au respect des différence, je lui suggère de vite se débarrasser de son mentor, Jordi Pujol, le héros vivant du catalanisme contemporain. Pujol (dont un autre des amis, Duran i Lleida, veut "soigner" les homosexuels) est l'auteur d'un texte remarquable qui décrit bien le fond de la pensée nationaliste qui, en Catalogne comme partout, pue de la gueule. Dans ce texte, publié pour la première fois en 1958 et réédité avec l'accord de l'auteur en 1976, il décrit "l'homme andalou", figure absolu de l'étranger, de l'autre, du non-catalan.
"El hombre andaluz no es un hecho coherente, es un hombre anárquico. Es un hombre destruido (...) es, generalmente, un hombre poco hecho, es un hombre que hace cientos de años pasa hambre y que vive en un estado de ignorancia y de miseria cultural, mental y espiritual. Es un hombre desarraigado, incapaz de tener un sentido un poco amplio de la comunidad. (...) constituye la muestra de menos valor social y espiritual de España. (...) es un hombre destruido y anárquico. Si por la fuerza numérica llegase a dominar, sin antes haber superado su propia perplejidad, destruiría Cataluña. Introduciría en ella su mentalidad anárquica y paupérrima, es decir, su falta de mentalidad. "
Martin Luther King aurait sûrement adoré. Espérons en tout cas que les Catalans entendent son message de tolérance et de respect de l'autre. Et que leurs rêves ressemblent moins à des cauchemars…



* Lisez à cet égard son essais Barcelones.
** La grande Catalogne dont on nous rebat les oreilles ici quand il s'agit de faire ventre, de faire foule n'est évidemment pas concernée, la manifestation s'arrête bien évidemment aux limites de la région administrative espagnole.
Ça me rappelle d'ailleurs une anecdote qui nous ramène au vin, je m'étais étonné en constatant que dans la sélection de vins catalans d'un sommelier barcelonais, nationaliste extrémiste, ne figurait aucun vin du Roussillon, des Baléares ou de Valencia, des pays catalans comme ils disent. Lui trouvait ça normal…


Glissements progressifs du plaisir.

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Au début était un vin. Soyons honnête, un vin "raté", qui surtout avait souffert d'un élevage peu soigné, plein de négligence, de chaud et de sec, un de ces élevages mal élevés dont on a le secret dans le Priorat. Parce que c'était un Priorat, vous savez, cette petite appellation du nord-est de l'Espagne, au sol de schistes sombres, où quelques gosses de riches se faisaient, à coup de planches et de pipes à Pinocchio, des concours de quéquette il y a quelques années. C'était à celui qui produirait non pas le plus beau vin, mais le plus cher. Sûrement un des endroits en Europe où l'on a atteint les sommets de l'imbuvabilité. Mais, des bouteilles avec plein de zéros dessus, ça finit toujours par attirer une certaine clientèle…


Ce vin-là, donc, avait eu une enfance difficile. Et au sortir de tant d'épreuves, il n'avait rien, mais absolument rien de la beauté parfaite d'Anicée Alvina. Néanmoins, comme l'actrice de Glissements progressifs du plaisir, il recelait sa part de sensualité, une sensualité sauvage, brutale, violente. Mais dérangeante, avec cette pointe acétique qui fait vibrer les poils du nez. Bref, ceux qui l'avait produit étaient à deux doigts de le foutre à l'égout; je me souviens d'ailleurs d'une soirée durant laquelle la blonde Marie von Ahm et moi avions du batailler pour convaincre un de ses géniteurs de lui donner sa chance.


Pour autant, il était hors de question que ce vin sortît sous son étiquette et à son prix habituels. J'avais donc imaginé un nom, en dialecte catalan qui plus est:  Bellesa perfecta? (le point d'interrogation a son importance). En français, vous l'avez compris, ça donne Beauté parfaite? Un nom, donc, et le texte et le graphisme qui allaient avec, le tout accompagné d'une photo d'un souvenir eurasien à la plastique irréprochable. Ce jus étant le fruit d'une association, il fallu soumettre le projet à un Comité central, il fut retoqué au motif d'une pornographie excessive. "Cachez ce sein que je ne saurais voir!" Comme quoi, malgré la movida, en Espagne, la Censure veille…


"Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
 Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
 Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
 Ajoutez quelquefois, et souvent effacez."
Sur le coup, Boileau avait raison. J'envoyai une seconde maquette, expurgée du souvenir eurasien, un peu plus punk (j'ai pas dit Sex Pistols, hein, sinon…), mais toujours porteuse du nom et du message, de ce texte qui essayait, sinon de justifier, au moins d'expliquer la bizarrerie du truc:
"Technologie, sélection, chirurgie… voici venu « le meilleur des mondes » !
Le vin n’échappe pas à la règle : lisse, bodybuildé, formaté, standardisé…
Et la Nature dans tout ça ? Ses erreurs, ses excès, sa générosité ? En 2008, les schistes et les calcaires du Priorat n’ont pas eu envie de donner naissance à des vins  «internationaux». Le soleil, latin, méditerranéen, a rêvé d’opulence, de hanches larges, de parfums capiteux. Alors, tant pis pour la mode, nous l’avons laissé faire. Parce que les beautés parfaites finissent toujours par ennuyer…"
Et, contre toute attente, le vilain petit canard fit son bonhomme de chemin, il trouva son public. Pas un succès planétaire, mais je me souviens quand même d'un article élogieux, sous la plume d'Olivier Bertrand, dans Libération (d'abord dans son Blog goûtu de Libé-Lyon puis dans le journal-papier). Bref, il y avait des fans. Je me dis même que j'aurais du le faire goûter au jeune blogueur Guillaume Nicolas-Brion, un amoureux de la déviance qui préfère parfois les défauts au vin lui-même.


Depuis, le petit vignoble du Priorat a changé de mains, les associés de l'époque ont décidé de prendre des directions différentes. Oubliée Bellesa perfecta? et sa punkitude. Pourtant, hier, à ma grande surprise, j'ai cru comprendre qu'un nouveau vilain petit canard avait vu le jour du côté de Gratallops, qu'un nouveau "miracle" s'était produit. Car, par le biais du blog d'une néo-designeuse pinardière régionale, je suis tombé sur le packaging up-to-date de cette cuvée "accidentelle". Plus de seins, plus de texte, seul reste le nom Bellesa perfecta?
Ainsi va (parfois) la petite vie d'une étiquette. Progressivement. De glissements en glissement. Que cela fasse plaisir ou non.




Soif de noir.

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Après quelques verres dans un endroit chic avec le gang des Lyonnais, m'est venue l'envie d'arpenter les ruelles, de retrouver, de sentir en Barcelone la vieille odeur du port, des bars à marins. L'Ànima del Vi, d'abord, où j'ai même essayé de boire une syrah espagnole en parlant rugby avec un trois-quart-centre all-black, puis ça s'est fini chez les tatoués (là, en l'occurrence, c'est une tatouée), au Brutal. Et, je ne sais pas pourquoi, j'ai essayé de reboire un Soula de Peppone. Peppone, c'est Alain Castex, ex-garagiste de vélos rue des Filatiers à Toulouse ayant demander l'asile politique aux Corbières où il faisait d'excellents vins à Davejean, village ravitaillé par les corbeaux, avant de s'enfuir au volant d'une Saab 900 en Andalousie avec la femme de sa vie, une autostoppeuse. En fait, Peppone, n'est jamais arrivé à Jerez de la Frontera, le périple s'est arrêté en Roussillon, à Banyuls-sur-mer. Il y a produit, dans les années 90, des blancs surprenants, mixant l'étoffe du meursault et l'aromatique du fino, et ce rouge, Le Soula, du grenache noir que j'ai eu, sûrement à cause de l'heure tardive, du mal à reconnaître.


Moi, à l'époque, plus que Le Soula, c'était Le Clôt de Taillelauque que j'aimais bien siroter, un autre grenache, rehaussé lui d'une pincée de carignan. Dans une autre vie, marquée elle aussi par le tatouage, j'en avais même fait une nouvelle, Soif du noir*, que ce vin m'a envie de relire (et donc de rééditer sur Internet) pour voir si les souvenirs étaient plus beaux que la réalité. Ce texte, le voici.


"Votre bouche est sèche. Peut-être une pointe d’angoisse. Le vent aussi. Trop pressé d’aller gifler la Méditerranée, le cers annihile la verticalité du monde. Les cyprès, même les cyprès, s’inclinent devant sa farouche volonté. Le fil à plomb n’existe plus, vous ne rêvez plus que d’horizontalité, de ce désert sombre et plat que la nuit mue en un gouffre à deux dimensions. Vous voulez l’eau salée. Vous voulez la mer. Bages, Sigean, Lapalme, Leucate… Les gueules déchiquetées des étangs se rient de vous. Mais, ce soir, vous vous foutez de ce pays d’asphodèles qui si souvent vous aimante.
D’ailleurs, ce n’est pas tant la mer qui vous attire que sa profondeur. Sa noirceur. Vous avez soif du noir. Vous voulez boire comme l’on mange. Vous voulez mâcher l’eau sombre que le sel épaissit. Votre langue veut fouiller plus fort encore la morsure du Sud. L’épaule droite appuyée sur le vent glacé, calée contre la montagne froide, vous n’aspirez qu’à la chaleur. Quand vous franchissez la frontière, le fort de Salses n’est plus qu’un vieux rocher pétrifié. Il vous en faut davantage.
Une image précise s’impose alors. Ce pourrait être l’été, ou plus vraisemblablement la fin du printemps, quand ce corps incandescent contre lequel vous allez vous heurter, auquel vous allez confronter votre désir se réveille d’un long hiver. Les genêts sont en fleurs. À l’aplomb de Banyuls, les tourelles et le clocheton arrondi d’une chapelle blanche se découpent nettement sur des bleus mêlés, bien au-delà des vignes basses. Du bleu, du blanc, pourtant la quête du noir continue de vous obséder.
Non, finalement, l’eau salée ne vous intéresse pas plus que ça. C’est bien le goût du noir que vous recherchez. L’odeur du noir. L’épaisseur du noir. Cette façon qu’il aura de fondre dans votre bouche et de vous faire ressentir son intense complexité.
Bien plus que de la soif, c’est d’une nécessité, d’un besoin impérieux dont il s’agit. Vous ne savez pas par quel bout prendre votre envie. Quelques remèdes vous traversent l’esprit : une lampée de vin catalan, une gorgée d’un banyuls aux reflets d’agrumes, deux gouttes de vieux Byrrh… Rien n’est plus terrible que de tout vouloir en même temps. Les couleurs se mélangent, seul le noir peut concentrer cette énergie désordonnée, cette panique qui s’est emparée de vos sens.
Vous sentez crisser entre vos doigts sa chevelure dense. Votre main se referme et sa nuque bascule. Le grenache, d’une texture presque huileuse, cogne lourdement dans le verre. Son jus noir glisse entre vos phalanges. Les cheveux noirs coulent en cascade. Auréolé des parfums de la garrigue, le vin se noie dans les senteurs poivrées, épicées, de son cou. C’est un saut dans le vide. Quelques secondes d’oubli absolu quand la matière se dissout dans l’anti-matière. Quand le noir vous imprègne, vous absorbe jusqu’à ce que vous doutiez des limites de votre propre corps. Jusqu’à l’effacement de la lumière qui précède inéluctablement la renaissance.
Assurément, le grenache sombre du Clôt de Taillelauque du Casot des Mailloles ne peut que se décanter sur le nombril d’une brune qui saura, contre toute attente, vous révéler la richesse chromatique du noir lequel, dans ses bras, devient non pas l’absence mais la réunion de toutes les couleurs."



* Publiée dans le recueil D'Amour & de Vin, aux éditions de La Presqu'île.


Sauvons le lait!

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C'est un air, beau mais triste, qui est arrivé tout à l'heure dans ma boîte à lettres, un peu de musique en provenance du Sud-Ouest, celle d'une chorale pyrénéenne portant béret basque*, entourée d'hommes et de femmes, fiers, courageux, mais à la limite du désespoir. Pourquoi? Parce qu'ils sont producteurs de lait et que leur situation est devenue intenable.
À votre tour, cet hymne, écoutez-le, faites-le circuler et, surtout, pensez-y chaque jour en choisissant votre fromage pour le prochain repas, le lait du petit-déjeuner, en tournant ostensiblement le dos aux multinationales de la malbouffe, à leurs complices de la grande Distributions et à leurs caniches, les chef-putains. Tout est entre vos mains, entre nos mains, comme le disent les paroles de la chanson, "si vous m'entendez, soyez assuré que tout peut changer, si vous le voulez". Alors, chantons en chœur, que nos enfants aient la chance un jour, comme beaucoup d'entre nous l'ont fait, d'aller chercher le lait à l'étable, sentir ces odeurs, ces parfums, s'inventer un goût pour plus tard, au plus près de l'homme et de la nature.


* Vous pouvez aussi en savoir plus, ici, sur le site de Sauvons le lait!

Rayas, c'était mieux avant?

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Une Marianne! Vous vous rendez compte, un Marianne républicaine sur une bouteille de Rayas? Tout fout le camp! Une capsule-congé, CRD, une "Capsule Représentative de Droits", pour emprunter aux douaniers leur jargon fleuri, en guise de couronne sur ce flacon emblématique de Châteauneuf. Comme une bouteille de Cellier des Dauphins ou de Vieux-Papes. Je ne veux pas être plus royaliste que le roi, mais, là, pour le coup, Rayas, ce n'est vraiment plus ce que c'était, on frise le crime de lèse-majesté…
On en rigolait de cette Marianne, à l'époque de Jacques Reynaud, en cette époque où la star rhodanienne, dans ses meilleurs millésimes, 89 ou 90, se négociait à des tarifs languedociens, entre soixante et cents francs de l'époque (dix ou quinze euros!). Dans la cave, on vous passait discrètement une liste tapée à la machine et ça se payait en images, avec des talbins, siouplaît! "Il vous faut une facture?"


N'empêche qu'on avait bien raison d'en rigoler de cette Marianne, devenue au fil du temps un symbole de la bureaucratie administrative, d'un 'impôt qui coûte plus qu'il ne rapporte"*. La Marianne, invention de fonctionnaires vétilleux, longtemps synonyme de casse-tête et de perte de temps à l'export, machine à paperasse donc à couper les arbres, disgracieux ornement des bouteilles franchouillardes, juste bon à nous faire passer une fois de plus pour des "Shadoks" pendant que les concurrents étrangers, eux, s'amusent de l'esthétique de leurs capsules. Bref, sauf à lui trouver un charme désuet, assorti au béret et à la baguette sous le bras, on pourra peut-être un jour penser à s'en débarrasser.


Et le vin, dans tout ça? Oui, cette bouteille de Château Rayas qu'on a décapsulée. C'était un 2001, que je goûtais pour la seconde fois (la première fois à l'aveugle). Un joli nez, une gentille bouche, délicate mais pas très longue. Pas un vin impressionnant (mais est-ce ce qu'on demande à Rayas?), moins brillant que plusieurs châteauneufs-du-pape du même millésime; un bon petit canon, presque plus Domaine des Tours que Rayas, que chacun goûte avec attention, par respect pour le cadeau qui nous est fait (merci, Fresquito!), pour son rang, et pour son tarif actuel, un rien plus élevé qu'à l'époque des bouteilles "royalistes".
C'était mieux avant? Je n'aime pas trop cette question, pas plus que l'idéologie qui la sous-tend. Y répondre sur un millésime serait de toute façon une ânerie. Ce qui est sûr que je n'ai pas encore, sur la période récente de Rayas, pris les "claques" des années d'avant. Difficile pour autant de trancher, entre le poids des souvenirs, la versatilité de ce cru**, l'évolution de son propre goût. Et aussi, soyons prosaïques, l'impact de l'explosion tarifaire qui fait que désormais on attend forcément plus (trop?) d'une bouteille a été multiplié par dix. Mystère… Va savoir, et si c'était la faute de cette maudite capsule-congé, cette Marianne capsule, et si c'était elle qui changeait le goût du vin?



*Affirmation entendue à plusieurs reprises dans le vignoble mais quasiment impossible à vérifier.
** Sans oublier "qu'avant", Rayas n'était pas forcément un des Domaines les plus réguliers qu'on connaisse…

"Le vin de demain."

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"Elle compose le vin de demain", rien que ça! Qu'a donc inventé de si extraordinaire Lysanne Tusar, une psychologue canadienne reconvertie dans le pinard? Si l'on en croit le titre, et l'émerveillement de Paris-Match, une révolution est en marche. "Le vin de demain" est à notre porte qui me rappelle l'homme du même tonneau et son corollaire d'avenirs radieux, lesquels se sont assombris depuis. Impatient de lire dans les lignes du vin, de déchiffrer son futur, je me rue sur l'article, afin de connaître le coup de génie de cette dame, cette invention, cette découverte qui va modifier le future de ma boisson chérie.


Allez, ne perdons pas de temps. De coup de génie, d'innovation, de révolution, il n'y en a point. La seule originalité du projet, plus marketing que vinicole, de Miss Tusar tient à la localisation de son chai. Au lieu de l'installer tout bêtement au milieu des vignes (ce que des ringards comme moi on tendance à trouver naturel), on le trouve au troisième étage d'un bâtiment industriel du port de Hong-Kong. Si, si, voici l'adresse précise: Room 302, 3F, Harbour Industrial Center, No. 10 Lee Hing Street, Ap Lei Chau, H.K. Et la grande nouveauté devant laquelle s'esbaudit Paris-Match, c'est que cette dame a ouvert il y a quelques années déjà une "cave urbaine'. Contrairement à ce qu'écrit le magazine, cette dame n'est pas malheureusement pas la seule à produire du vin en ville, il existe notamment le précédent de City Wineryà New-York et un nouveau projet vient de voir le jour à Londres. Pour en savoir plus que dans l'article pas très fouillé du magazine français, lisez ce vieux papier du Telegraph; vous y apprendrez par exemple que Miss Tusar fait subir une "flash-congélation" à ses raisins avant de les embarquer pour un tour du Monde, qu'elle en achète à Bordeaux, en Toscane, aux États-Unis ou en Australie ou en Afrique du Sud et qu'en toute simplicité, elle veut produire des "grand crus" made in HK


"Le vin de demain"? Moi, c'est bizarre, je ne le voyais pas vraiment comme ça. D'abord, il me semblait que la plupart des acteurs de la filière, avec plus ou moins d'acuité, avaient pris conscience du fait qu'il faudrait qu'il soit de plus en plus propre. Et là, j'ai un peu de mal avec ces dizaines de tonnes de raisin congelé qu'on trimballe sur les océans en flirtant avec les tropiques. Imaginez la quantité de pétrole que cela implique. Imaginez aussi la débauche énergétique mise en œuvre, l'avalanche de frigories, pour vinifier dans une des villes les plus chaudes de la planète, Hong-Kong, où jusqu'à 60% de l'énergie consommée provient des climatiseurs! Sans compter qu'il faudra ensuite se débarrasser, en ville, des effluents et des résidus de vinification, car une tonne de raisin, ça ne donne pas mille litres de vin.


Les partisans de ce coup de bluff médiatique rétorqueront que transporter des bouteilles, ce n'est pas non plus très planet-friendly, ce qui n'est pas faux. Mais là encore des efforts sont faits. Les bouteilles ultra-lourdes sont aujourd'hui passées de mode, uniquement réservées aux amateurs de gourmettes en or. Tout est fait pour alléger, avec d'ailleurs des gammes assez réussies chez des verriers, comme Ecova de Verralia. En attendant peut être un jour de pouvoir passer à d'autres matériaux, comme les PET, pour des vins à consommation rapide.
Mais bon, pour l'écologie, je ne ma fait pas de souci, j'imagine que nos vignerons de Hong-Kong qui font voyager leurs raisins congelés autour du Monde vont bientôt nous sortir du chapeau une version bio de leurs "grands crus". Ce sera l'occasion d'un autre article émerveillé de Paris-Match

Et puis, surtout, puisqu'on en parle de ce "vin de demain", au delà même de son goût, des poudres de perlimpinpin et de tout le barda qu'il doit falloir pour vinifier ces raisins congelés, moi je le voyais un peu moins "hors-sol", je lui voyais un peu plus d'âme, de lien avec le sol qu'une tomate espagnole. Je le voyais un peu plus virgilien, plus "spirituel" comme il m'est arrivé de l'écrire. Peu importe que ce soit un "grand cru" comme le prétend la psychologue canadienne de Hong-Kong. Ce "vin de demain", j'ai envie de partir à sa rencontre, dans sa campagne, toucher les vignes qui l'ont enfanté, marcher dans la boue, sentir la graisse du tracteur et la vieille odeur de la cave. J'ai envie qu'il me parle, et pas pour me raconter des bobards, pour qu'il me raconte son terroir, sa vérité, jusqu'à l'air de son pays, que je ferai mine de humer au moment d'extirper le bouchon. Non, vraiment, "le vin de demain", moi, je ne le vois pas du tout comme ça.


Graphistes, fleuristes, maquettistes, artistes, minimalistes, académistes…

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Et vas-y qu'on se pâme, qu'on s'extasie! "Quelle splendeur!", "cette créativité!", "un génie!", pour peu, en lisant la critique gastronomique, on se croirait dans un défilé de prêt-à-porter, ou au salon des coiffeurs-visagistes. Parce que la coupe, le brushing du chef, évidemment, à son importance, ainsi que sa pilosité, "un chef, de nos jours, c'est barbu, Môssieur!" Son accoutrement aussi, il faut les griffes qui conviennent (comment va-t-on remplacer le style hipster? Angoisse!), que Libé donne son aval. Et c'est vrai que comme dans la fringue, les cocottes rougissantes qui se pâment et s'extasient se tapent comme de leur première chemise "de créateur" de la matière première, du coton, de la laine, du lin. Pardon, de la viande, des légumes ou du poisson.
Ce qui compte avant tout chez les tenants du nouveau "bon goût" gastronomique, sortes de Nadine de Rothschild (mâles ou femelles) de la becquetance, c'est l'apparence. Manger, on le sait bien au fond de soi, quand on est "élégant", c'est sale! Donc, l'assiette, on la regarde, on la photographie*, elle est "graphique". C'est important, ça, "graphique". Le goût, le contenu, on laisse ça au vulgaire, mais le graphisme, ah, le graphisme…


Sur la plus haute marche du podium, au championnat du monde des assiettes kitchissimes, on trouve bien évidemment les fleurs, des monceaux de fleur, plus encore que dans un tableau de Pierre & Gilles. Oui, parce que si vous fréquentez les tables chics, vous le savez, depuis quelques années, on y mange plus de fleurs que les vaches au pré. Moi, c'est bizarre, je préfère manger les vaches qui mangent les fleurs (ou les dérivés de leur lait) que les fleurs elle-même. Je ne vais pas y revenir, tout cela a été très bien écrit par le chef Pierre Jancou, dans Atabula, au printemps dernier, il m'a coupé l'herbe (et la fleur) sous le pied. Et que ce soit clair, ce n'est pas le fait qu'on puisse mette une fleur dans une assiette qui me dérange, j'ai trouvé ça amusant chez Bras il y a longtemps, ce qui m'emmerde, c'est qu'on en fourre partout et sur tout, sur un couscous comme un poulet ou un filet de maquereau, c'est le panurgisme, le suivisme des lapin-crétins


On ne va pas énumérer tout ce qui fâche, mais dans le genre couillonnade, j'avoue que j'ai aussi un faible pour les assiettes façon décors de train électrique Faller; tout y est, la fausse terre, la fausse mousse, beaucoup de feuilles et d'herbe, il ne manque plus que la locomotive! Ce mode de présentation est très prisé des pseudo-repentis de la cuisine chimique, moléculaire ou tecnoemocional. Il faut dire que la couleur verte de l'ensemble lubrifie l'arrière-train des gogos et permet de leur faire avaler les nombreux adjuvants du merveilleux catalogue Sosa, bible des grands "créateurs" de l'époque, plus intéressé eux aussi par la forme que par le fond, par le spectaculaire à tout prix**.


Très intéressante également est la catégorie des artistes. Plus la peine d'aller au Centre Georges-Pompidou ni à la Fondation Beyeler, il vous apportent le musée, le pictural dans l'assiette. Soulages, Debré, Hartung n'ont qu'à bien se tenir face à ces rois de la brosse, du couteau et de la spatule. De l'art, je vous dis, presque aussi intense, émouvant qu'une exposition des peintre-cheminots. Attention peinture fraîche! Et gare à ne pas éclater de rire…


Cet inventaire de l'art cuistot contemporain ne serait pas complet sans évoquer une école somme toute assez transversale, celle du minimalisme. Pas plus de deux bouchées dans l'assiette! Je le répète, "manger c'est sale!" Une carotte naine, un poireau "crayon" calciné***, une lamelle de betterave, point trop n'en faut! La haute gastronomie, c'est comme le caviar, c'est rare, donc cher. La générosité doit être proscrite, très mauvais genre! On n'est pas là pour ça, tout le temps perdu à ingurgiter des aliments nous éloigne de la finalité, sublime, du moment que nous passons dans ce restaurant génial, forcément génial: voir et être vu. On attend le chef de la décennie, le successeur d'Adrià que vénérera le Top 50 de la Malbouffe sponsorisé par Nestlé, celui qui osera l'assiette vide, en hommage au Carré blanc sur fond blanc de Malevitch…


Tout cela n'est évidemment pas très sérieux. In fine, qu'on ne voie dans ce texte que de l'humour, teinté, certes, d'une pointe d'agacement, mais de l'humour quand même. Car s'il est bien un style qui me vient à l'esprit pour qualifier cette cuisine pingre qui en fait trop, qui se regarde pédaler, ces restaurants transformés en boutiques de vêtements, c'est le style pompier. Tout cela est convenu, d'un académisme à mourir d'ennui. Si loin de la Nature, de la terre et de la mer, si loin de l'amour de la cuisine, si loin du goût. À cette supercherie médiatisée, ne reste que le "bon goût", celui de la volaille qui fait l'opinion et auquel se conforment les moutons. Celui qui laisse sur sa faim.




* Certains chef, vous l'avez peut-être lu, en sont à vouloir protéger, déposer le dressage de leurs assiettes…
** À ce sujet, lisez ou relisez ce billet qui revenait sur l'intéressante étude réalisée par la revue Mode de recherche, vitrine de l'institut présidé par Pierre Bergé, qui montre le glissement des usages de la gastronomie vers ceux de l'habillement.
*** Je repense à un repas parisien qui m'avait édifié.

Beau comme un camion!

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Ça fait quelques années que, sur les traces de New-York, les gastronomes en culotte courte ont repris à leur compte le concept de la baraque à frites. Des camions, des food-trucks, on en voit partout, dans les grandes villes, en tout cas, où il est de bon ton d'aller snacker un coup. Et pourquoi pas? évitons les sourires narquois. À une époque où les bistrotiers traditionnels ont du mal à servir un croque-monsieur sans le sortir du congélateur, il me semble même que c'est de bonne guerre. Évidemment, le food-truck, c'est souvent hamburger, ketchup, pain sucré & Cie. Pas faux, mais pas que…
Un salon de cette nouvelle forme de restauration s'est tenu cet été dans la banlieue parisienne, à Vélizy, qui montrait (bonne nouvelle!) qu'on pouvait s'évader de la viande hachée à l'américaine. En transitant par l'Asie, on s'en doute, grâce notamment au dimsums, mais aussi par la Bretagne, l'Italie, le Mexique, l'Argentine… Peu importe le drapeau si, à terme, on peut trouver dans ces camions une nourriture saine, élaborée sur place.
Preuve ultime, si c'était nécessaire, que le food truck est dans l'air du temps, Jamie Oliver, le Jamie de la télé*, celui qui cuisine avec de la merde de supermarché mais qui a la gentillesse de bananer McDo, en a ouvert une rafale. Tenez, comme celui que vous voyez ici, un bon vieux Tub Citroën (immatriculé en France, dans l'Yonne), saisi au vol hier matin au milieu du hall de l'aéroport de Gatwick; on y sert de la pasta et des breakfeasts. Why not?


* Pendant qu'une autre chaîne de la boîte à cons va, elle, envoyer un food-truck publicitaire sur les routes de France afin de faire la promotion de son émission de télé-réalité "gastronomique" sponsorisée par je ne sais quelle enseigne de la grande distribution…

Pas liquide, solide!

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Ces grappes, je les ai achetées pour quelques piécettes au marché de Vilanova i La Geltrú, à cinquante kilomètres au Sud de Barcelone. C'est du xarel·lo. La vendeuse, d'ailleurs, avait écrit "xerel·lo" sur sa pancarte: "c'est comme ça qu'on l'appelle ici", m'a-t-elle précisé.
Le xarel·lo blanc (il existe aussi un gris) constitue une des variétés autochtones du nord-est de l'Espagne. On en trouve beaucoup dans le Penedès, près de neuf-mille hectares. On explique qu'il donne du corps au mousseux du coin. Du volume aussi, car le gaillard a la réputation d'être foutrement productif sur les terres riches de cette région, précoce, également, et plus résistant aux maladies que son cousin le maccabeu*. Son nom proviendrait de l'italien chiaro/ello, qui signifie "clair, clairet"; pas de trace officielle de lui, pourtant dans les vignobles de la Botte, pas de lien non plus semble-t-il avec les clairettes françaises. Localement, en Catalogne, on l'appelle aussi pansa valenciana, panser, pansal, pansalet, cartoixà; premsal blanc o moll, pansa blanca, aussi dans la micro-appellation côtière d'Alella, au nord de Barcelone. Aux Baléares, à Mallorca, le parlé insulaire le transforme en palop, planta valenciana ou planta bona.


Ce raisin, vous l'avez compris, a le cul entre deux chaises. Entre la table et la cuve**. Ce n'est pas d'ailleurs une tare absolue. On a en France quelques exemples de raisins à-tout-faire qui ne sont pas pour autant des bons-à-rien. Immédiatement me vient à l'esprit ce cousin du cinsault, les œillades, l'œillade noire qui elle aussi peut se croquer replète mais qui, chez des vignerons qui savent lui faire entendre raison, donne naissance à des rouges fins, poivrés, fleuris. Je pense là, les amateurs l'auront reconnu, au gouleyant Vin d'œillades de Thierry Navarreà Roquebrun, près de Saint-Chinian, dans l'Hérault.
Hélas, en Espagne, je n'ai pas encore goûté de blanc (ou de rosé) de xarel·lo qui me fasse vibrer comme le rouge de Navarre. Les mousseux, je passe mon tour, je n'ai pas de grand penchant pour la bulle catalane, un peu trop rustaude, trop sucrailleuse, trop industrielle à mon goût***. Alors, peut-être un jour, un blanc tranquille, un canon sans prétention****… Pour l'instant, je n'ai vu que de l'épais, du lourdaud, du qui-donne-soif…
Restons toutefois indulgent: quoi de plus insoluble problématique des "petits blancs" du Sud? Car, si sur les meilleurs terroirs des pays de soleil on peut produire d'admirables blancs de garde, le gentil vin blanc de comptoir ne va pas sans dire. Il y a des exceptions bien sûr, rares, des exceptions à cette "fatalité" maudite qui veut que l'on tombe de Charybde en Scylla, laissant peu d'espace entre le techno-pop exubérant et le vert-tendu tendance verjus. Deux "solutions", vous l'avez compris, qui ne m'enthousiasment guère.
En attendant, donc, qu'un vigneron apparaisse et trouve la voie, ce délicieux xarel·lo, doux et croquant, ce "xerel·lo" pour respecter le patois de Villanova, je m'en régale. Mais pas liquide, au fond de mon verre, juste comme ça, sur table, en version solide, avec une tome chèvre-brebis des Pyrénées catalanes, une bonne tranche de pain de campagne de la Barceloneta, et un dé à coudre d'oloroso***** 30 años des Bodegas Tradición. En dessert de septembre, en attendant les vendanges.




* Amoureux de l'ampélographie, les faux amis sont nombreux, on m'a dit que le maccabeu ou viura (en Rioja) pouvait ici et là prendre le nom de xarello.
** Pas en France où il ne peut être utilisé que comme raisin de table, il est interdit pour la cuve.
*** Pourquoi ne vont-ils pas jeter un coup d'œil juste de l'autre côté de la frontière espagnole, et s'inspirer de Limoux où l'on produit désormais des effervescents, blanquettes ou crémants, de très belle tenue? Il est vrai que les règles y sont beaucoup plus strictes que dans la région barcelonaise, avec notamment une obligation de vendanges manuelles, comme en Champagne.
*** On (qui comme le veut la règle ici n'est pas pas un con, pas une conne en tout cas) me conseille toutefois, pour avoir une idée du xarel·lo liquide, de vous faire goûter Nun Vinya del Taus de Cal Raspallet, enfin si vous y tenez, parce que de ce cépage roturier, ils ont fait, comme souvent en Espagne, un cru à prix de nouveau Russe, plus de 35€ la bouteille! Achetez plutôt Navarre!
**** Parce que quand même, en Espagne, le grand blanc, c'est en Andalousie que ça se passe!

Vin et pesticides: beaucoup de bruit pour rien?

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C'était prévisible, le petit doigt sur la couture du pantalon, les journalistes des grands médias ont méticuleusement recopié le Dossier de Presse envoyé il y a quelques jours par le mensuel Que Choisir. Bien vendeur, le truc, buzz en perspective à l'approche des vendanges: Pesticides en bouteilles. Ça a de la gueule, ça! Ça fout les jetons!
Que nous apprend-on? "Tous les vins [issus de l'agriculture conventionnelle, raisonnée ou bio], sans exception, contiennent des pesticides (et des fongicides apparemment), à des taux plus ou moins élevés." Horreur! On va tous mourir!…
Passé cet intense moment de panique, on va quand même s'interroger sur la méthodologie de cette "étude scientifique". Comment a-t-on choisi les vins? Suivant quels critères? Il s'agit principalement de produits de grande consommation plus habitués aux têtes de gondole qu'au rayonnage du caviste: Mouton-Cadet, Ormes de Cambras, Baron de Lestac*… Mais, soyons honnêtes, pas seulement, on y trouve aussi un cru comme le coteaux-du-languedoc 2012 rosé d'Olivier Julien, au Mas Julien, qui (comme c'est bizarre?) contient, lui, la trace d'un pesticide, mais dans dans une proportion impossible à quantifier à l'analyse, puisqu'inférieure à 1μg/kg, un microgramme, c'est-à-dire pour que tout le monde sache de quoi l'on parle, inférieure à un millionième de gramme! Pour rester dans la même région, le Languedoc-Roussillon, ceux dont on surligne en rouge vif "la contamination aux pesticides", une cuvée des Ollieux-Romanis en Corbières et un vin de Pays d'Oc du Val d'Orbieu, atteignent des niveaux de 200μg/kg, soit 0,0002 grammes par kilo, toutes molécules confondues. Bizarrement, mais comme le suggère justement Que Choisir, il n'existe pas de LMR, de "Limites Maximales de Résidus" pour le vin. Il en existe en revanche pour le raisin, comme pour la plupart des fruits et légumes, et elles se calculent à l'échelle du gramme ou du milligramme, par molécule (et non par microgramme toutes molécules confondues), à des niveaux autrement supérieurs à ceux détectés par le magazine. Bref, si vous voulez vous prémunir des résidus, ce n'est que le vin qu'il vous faut immédiatement arrêter, supprimer aussi de votre régime alimentaire les tomates, les chou-fleurs, les cerises**… Et, par parenthèse, si vous réussissez, en buvant du vin, à atteindre par cumul les plafonds européens, américains ou canadiens, votre foie aura lâché bien avant que vous ne soyez "contaminé"!
Le problème, c'est que le buzz a fonctionné et que le vin dans son ensemble est victime de cette putassière supercherie journalistique. Car, dans la Presse, panurgisme et surenchère obligent, ça donne:
"Pesticides en bouteilles" Que Choisir
"Alerte aux pesticides dans le vin... même bio" France Info
"Des pesticides dans tous les vins... même bio" TF1
"Vins : des traces de pesticides dans toutes les bouteilles" RTL
"Du vin et... des pesticides dans nos bouteilles" France3
"Les vins ont trop de pesticides" La Santé publique
"Des taux élevés de pesticides dans les vins de la région" Midi libre.
Beaucoup de bruit pour rien? La réponse est oui. On n'apprend pas grand chose dans ce dossier convenu, si ce n'est, mais ça, n'importe quel crétin en général est capable de le deviner, qu'on traite moins les vignes sous le soleil de la Provence ou du Languedoc-Roussillon que pendant un millésime pluvieux comme 2012 à Bordeaux, au bord de l'Océan.
Loin de moi, en revanche, l'idée de banaliser l'usage excessif de la chimie sous toutes ses formes dans les vignes. Au contraire. C'est une question de Santé, bien sûr, de respect du consommateur mais aussi de ceux qui travaillent les parcelles. Et, j'ai envie de dire, même si certains vont trouver ça cynique, de marketing. Dans les années à venir, il sera de plus en plus difficile de vendre des vins dont on ne peut pas prouver qu'ils sont "propres". Et j'écris bien "prouver". À cet égard, plutôt que de vous fatiguer les yeux avec la prose d'instituteurs besogneux de Que Choisir, allez plutôt lire (pour ceux qui ne l'ont pas encore fait) cet intéressant billet à contre-courant d'Hervé Bizeul, le vigneron du Clos des Fées. Plutôt que de blablater sur les intentions, de jouer du violon avec de beau discours, l'analyse des vins, de ses propres vins, leur concentration en résidus de toute sorte, il l'a faite, et il en livre les résultats. Car, effectivement, l'avenir est à l'obligation de résultat.



* Sans grande surprise, ce genre de vins de masse présentent souvent les taux de résidus (par le nombre de molécules et la concentration totale) les plus élevés. Avec comme toujours des contre-exemples. Ainsi Gérard Bertrand, un des gros faiseurs du Sud de la France, qui visiblement fait ce qu'il dit puisque sa cuvée "bio-nature", Autrement cabernet-sauvignon 2011 fait partie des échantillons dans lesquels les pesticides étaient indosables, car en quantité inférieure au milliardième de gramme. 
** Un conseil également à la rédaction de Que Choisir, fuyez! J'ai noté dans l'ours que leurs bureaux étaient installés à Paris, en pleine ville, dans les fumées des pots d'échappement et du chauffage central. Il est peut-être aussi dangereux de subir cette contamination quotidiennement que de se taper une caisse de Mouton-Cadet!

Addenda: voici la liste publiée par Que Choisir.



Vin et pesticides: la suite.

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Un droit de suite aujourd'hui, la suite de la tentative (réussie) de buzz du magazine Que Choisir sur la "contamination" des vins par les "pesticides", bel exercice de montage de mayonnaise que j'évoquais dans mon billet d'hier. Avec deux réactions dans deux médias qui ne se sont pas contenté de recopier soigneusement le dossier de Presse que leur avait envoyé la dame en tailleur rose-fuschia.
La première de ces réactions, c'est celle de Pascal Chatonnet. Ce n'est pas rien, c'est son laboratoire, Excell, qui a réalisé les analyses pour Que Choisir (il s'offre au passage un joli coup de pub). Le scientifique s'exprime dans les colonnes du quotidien Sud-Ouest et, très clairement, avec une diplomatie très bordelaise, il reconnait que le mensuel "expert, indépendant, militant" a survendu (comme on dit en jargon journalistique) l'info. "Son titre est accrocheur [‘‘La peste soit des pesticides’’], explique Pascal Chatonnet, mais l’information principale est que les résidus trouvés dans les 92 vins analysés ne représentent pas de danger pour la santé du consommateur. Il s’agit de quantités infinitésimales. Aucune inquiétude en termes de toxicité » L'intégralité de l'entretien est à lire ici, dans Sud-Ouest. Il y est notamment question des progrès, comme je le soulignais hier, de la nécessaire poursuite des efforts afin de rendre la viticulture encore plus transparente.


Seconde réaction, celle d'un œnologue de terrain qui sait aussi prendre du recul sur les choses. Ça se passe dans le magazine en ligne Vitisphère, le narbonnais Marc Dubernet y explique tout simplement que "la présentation de ces résultats n’a pas de sens. Les tableaux présentent les teneurs en résidus totales de chaque vin. C’est une aberration scientifique, ajoute le docteur en Chimie et en œnologie. Chaque molécule a une LMR spécifique qui tient compte de sa dangerosité sur la santé humaine. Il y a des molécules qui, même à forte dose sont sans danger alors que d’autres peuvent être nocives à très faible teneur La somme des teneurs de molécules ayant différentes LMR ne rime à rien. Ce qui est important, c’est de connaître les doses de chaque molécule détectée en comparaison avec leurs LMR respectives." Un entretien à lire ici, dans Vitisphère. Marc Dubernet évoque également les progrès réalisés depuis trente ans et les directions pour l'avenir.


Monsieur le Président…

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Oui, Monsieur le Président, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Je vous écris cette lettre, parce que je veux que vous fassiez la Guerre. La Guerre aux ennemis du vin. Car je sais bien que vous ne laisserez pas faire de notre pays la risée du Monde entier. Et pas seulement pour des histoires de cravates de travers, de bégaiements intempestifs ou de sottises de ce genre.
J'avais évoqué ici au début de l'été la sournoise déclaration de guerre, justement, que des "experts" mitonnaient afin d'en finir avec la tradition viticole hexagonale. Comme vient de le confirmer Jacques Berthomeau (le plus fringant jeune retraité de Paris, allez boire un canon avec lui, Monsieur le Président), il est question de reprendre, dans le cadre du Plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013 - 2017, élaboré sous l'égide de votre Premier Ministre, une des mesures les plus aberrantes proposées par les "experts": couper l''accès internet au vin. Vous ne me croyez pas? Filez sur le lien ci-dessus en page 45, plutôt en bas de la page:
"En retirant de la liste des activités autorisées par disposition légale la propagande et la publicité en faveur des boissons alcoolisées sur les services de communication en ligne." (art. L.3323‐2‐9)


Qu'est-ce que ça signifie, Monsieur le Président? Très clairement, si cette folie est votée, les vignerons français, contrairement à tous leurs concurrents internationaux n'auront plus le droit de posséder de site Internet ni de blog. Finis également les mailings, les comptes Facebook ou Twitter. Il s'agit purement et simplement de leur clouer le bec. Silence absolu, silence de mort!
Les populistes sont aux anges, Monsieur le Président, pour eux, quelle aubaine, quel cadeau! Dans les vignobles étrangers, sans trop le montrer, on se frotte les mains. Même les pires ennemis du vin français n'auraient pas pu rêver porter pareil coup à un des plus gros exportateurs mondiaux*. On se frotte les mains, et on ricane. Les Anglais, ils ont bien raison sont d'ores et déjà morts de rire devant ce superçonique (pensez au Mur du Çon du Canard…) niveau de bêtise.
Soyons honnêtes, Monsieur le Président, ce n'est pas d'aujourd'hui que le vin est méprisé par les gouvernants français. Les discours comme ceux de votre amie, Angela Merkel, en France, sont visiblement prohibés. Nos élus ont apparemment "mieux à faire" et les moralistes ont pris le pouvoir.
Monsieur le Président, face à cette menace (mais ce n'est pas la seule), il faut s'organiser. Personnellement, dès aujourd'hui, je me range au côté de la démarche de l'association Vin & Société. Et je vous appelle à le faire, loin de toute considération politicienne. Un site vient d'être créé (l'intitulé est un peu cavalier, je sais, Monsieur le Président), www.cequivavraimentsaoulerlesfrancais.fr afin d'exprimer le ras-le-bol d'une industrie qui fait vivre des centaines de milliers de personnes et qui au passage dessine le paysage de la France tout en l'ancrant dans l'Histoire. Oui, c'est de lobbying dont il s'agit. Les plus hautes autorités de l'État, vous en premier, Monsieur le Président, doivent être interpellées et prendre leur responsabilité. Face aux ennemis du vin, il y a urgence!
Veuillez agréer, Monsieur le Président, etc…



* On le rappelle pour la énième fois, vins & spiritueux sont le second poste positif du commerce extérieur français, après l'aéronautique et avant l'industrie des parfums. 7,8 milliards rien que pour le vin l'an dernier, près de 12 milliards pour l'ensemble. De quoi subventionner quelques "experts"…

En fait, les experts anti-alcooliques du Gouvernement étaient bourrés…

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Vous venez peut-être de lire mon billet du jour, ma "lettre au Président de la République" évoquant les incroyables mesures que les services de son Premier Ministre proposent pour lutter contre l'alcoolisme. Il y est question, entre autres folies, de couper l'accès d'Internet aux vignerons; en clair, il serait si cette proposition était votée d'interdire tout site internet, tout mailing, toute utilisation des réseaux sociaux aux entreprises vinicoles françaises. Bref de les condamner au silence pendant que leurs concurrents du reste du Monde, eux, d'en donneraient à cœur joie! Il est évident que les vignerons n'avaient besoin que de ça…
Eh bien, apparemment (mais ne crions pas victoire trop vite), ce billet est d'ores et déjà démodé, complètement has been! C'est en tout cas ce que vient de m'affirmer au téléphone Audrey Bourolleau, la déléguée générale de l'association Vin & Société. Son interlocutrice à la MILDT, la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie, structure gouvernementale qui a pondu le plan concerné, Stéphane Idrac lui a expliqué qu'en fait ce qui était écrit au sujet du vin et d'Internet était faux. Tenez-vous bien, il s'agirait d'une "erreur de copier-coller"! Non, non, vous ne rêvez pas, vous n'êtes pas devant la réceptionniste de la Sécu qui se réfugie derrière une "erreur informatique", il s'agit bien des responsables du Plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013 - 2017. On parle bien d'un plan validé par le Premier Ministre de la France, en conseil interministériel, le 19 septembre dernier, d'un truc sérieux quoi, pas d'une discussion de bistrot à deux heures du matin…


Pour autant, j'en ai eu confirmation de vive voix auprès de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie, je l'ai vérifié également, et comme en témoignent les deux images ci-dessus, "l'erreur de copier-coller" a été "réparée", et la version du Plan disponible ce soir a bien été expurgée de la proposition foldingue de couper l'Internet au vin.
Franchement, même si ça ne fait pas très sérieux, voire un peu amateur, j'en suis ravi. Et comme je ne veux absolument pas y voir une reculade face à l'importante levée de boucliers qui s'est produite aujourd'hui dans le monde du vin français, il faut bien chercher une explication. Je crois d'ailleurs que je l'ai trouvée, cette explication. Et elle arrange tout le monde: "l'erreur de copier-coller", c'est la faute du vin. C'est un coupable idéal, le vin! Ben oui, on avait du picoler un peu trop au conseil, interministériel. Du pommard, du corbières, du chinon… "Allez, Jean-Marc, un p'tit dernier pour la route!" Et, c'est sûr, les experts anti-alcooliques étaient bourrés! "Il est des nôoooôtres…"



PS: ne nous endormons pas pour autant, le combat continue, les prohibitionnistes ont juste perdu une (petite) bataille médiatique.


Hygiène!

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Les gens sont méchants, je le dis souvent. Et vindicatifs avec ça! Là, tenez, dans le monde du vin, on s'est trouvé une tête de Turc, les hygiénistes. Et vas-y que j'ouvre la boîte à gifles, que je t'en mets une! En avant la soupe de phalanges!
C'est vrai qu'ils sont bizarres, ces pauvres hygiénistes, pas tout à fait comme nous. Petit déjà, j'en avais entendu parler, si je me souviens bien, on disait la Croix bleue. Mon arrière-grand-père maternel en aurait fait partie, mais ça ne l'empêchait pas de taquiner le goulot; ça sentait bon, d'ailleurs dans sa cave à vin, un mélange d'humidité et la vieille pierre, ces dame-jeannes en cotte de mailles pleine de rasteau noir, ces étiquettes avec le château de Lourmarin dessiné dessus, sous la poussière, le vin de Lauris, fort comme le Rhône, frais comme la Durance. Pas bien méchante, la Croix bleue
Puis est arrivée l'époque du professeur Got, un petit monsieur vaguement inquiétant, galbé comme un lapin de trois semaines, avec un chandail tricoté par manman et un col pointu. Lui, c'était pas la Croix bleue. On l'entendait causer dans le poste avec sa voix à annoncer des mauvaises nouvelles. Ce n'est pas gentil, mais je n'aimais pas sa tête de vieil oncle célibataire.
Et puis, il y a ceux d'aujourd'hui, les hygiénistes de 2013, ceux que le monde du vin conchie et que je finis par trouver attendrissants. Bien sûr, c'est une drôle de clique qui veut réglementer, taxer, prohiber. Dedans il y a des toubibs qui immanquablement me font penser à ce docteur de la Sécu qui avait dit à une collègue de ma mère, enceinte de sept mois, "faites attention, vous avez pris un peu de ventre…" Globalement, de toute façon, ce qu'ils veulent, c'est notre bonheur. Comment leur en vouloir?


Et puis, surtout, ils sont rigolos les hygiénistes d'aujourd'hui. De Funès et les Marx Brothers, à côté d'eux, c'est juste une bande de croquemorts! J'ai encore mal au ventre du fou-rire qu'ils m'ont offert hier. Quoi, vous n'êtes pas encore au courant? Tenez, lisez, c'est ici, au bout de ce lien hypertexte. Des champions, je vous dis, les rois du comique troupier! En même temps, je comprends que leur humour ne fasse pas marrer tout le monde, je pense qu'hier soir du côté de Matignon, il y en a même un ou deux qui ont rit jaune.
Enfin moi, mes hygiénistes, je les défends. Et comme aujourd'hui, je suis d'humeur musicale, je leur offre une de ces raretés dont le rock n' roll a le secret. C'est tout eux, ce titre: Hygiène! C'est vers 77, du temps où les Lyonnais de Starshooter se faisaient appeler pour d'obscures raison les Scooters, une reprise du Sweet Jane de Lou Reed. Kent chantait un peu faux, le son était ce qu'il était, punk français, mais ça avait la pêche.
Et pour accompagner Starshooter, mes amis hygiénistes, je leur propose de boire un petit verre. Ça fait du bien de boire un petit verre quand on a un peu de mal à s'asseoir. Deux petits verres, même, parce que j'en connais un ou deux qui doivent l'avoir d'un diamètre équivalent à celui de la pièce de cinquante francs qu'on donnait aux confirmations. Dilaté.

Pour les petits verres, du vin français, bien sûr, puisqu'on a toujours le droit d'en parler sur Internet. Un blanc bien propre, d'abord, bien net. Le bourgogne générique 2011, tout bête de la famille Matrot à Meursault, c'est tendu comme une corde à piano. Éventuellement, ça peut avoir l'effet des citrons à la mi-temps. Et puis, un rouge, parce que comme le dit le camarade Berthomeau (Jacques, l'année érotique, c'est celle  d'après!), "laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes". Là, encore, un truc bien clean, nature mais épilé comme une Brésilienne, "j'vous fais le maillot?" On a pris vin du nord de Lyon pour le rouge, ce sera un cépage du Sud de l'ancienne capitale des Gaules, de la syrah. Une syrah, mais languedocienne, juste mûre, ma non troppo, à boire comme ça, sur le coin du bar. Tant qu'on a le droit… N'y voyez pas malice, amis hygiénistes, elle s'appelle Paf, comme quelqu'un qui est un peu paf, un peu ivre, qui fait des trucs sans s'en rendre compte. Je l'adore cette syrah de Jeff Coutelou avec ses arômes camphrés, si j'osais, je dirais "pharmaceutiques". De là à dire que c'est un bon médicament, un des meilleurs anti-dépresseurs du Monde…
Bon, allez, mes potes hygiénistes, Santé! On se l'écoute ce morceau? "Hygiène, hygiène, hygiène…"


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